C’est en principe ce jeudi que le médiateur de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (CEDEAO) retourne encore sur les rives du Djoliba pour y rencontrer les maîtres de Bamako, embarqués dans une transition interminable. Que se diront le colonel Assimi Goïta et Goodluck Jonathan, qui n’est déjà su des deux personnalités, et même de l’opinion malienne et internationale?
A moins d’un retournement de situation qui vaudra son pesant d’or dans cette situation fermée où le dialogue de sourds est roi alors que tous les protagonistes se disent ouverts au…dialogue, il ne faudra rien attendre de nouveau sous le soleil de Bamako. La CEDEAO, par la voix de son médiateur attitré, toujours disponible, mais peu ou prou écouté par ses interlocuteurs maliens, se fera, certainement, le devoir de rappeler à ceux-ci, qu’ayant fait irruption sur la scène politique par effraction, ils devront respecter le tarif appliqué aux putschistes dans le cas de figure: délai de transition et sanctions.
L’organisation sous-régionale qui rejette la prise de pouvoir par les armes avait fixé, aux putschistes, un délai qui arrive à expiration le 27 de ce mois, pour le retour du Mali sur les rails de la démocratie. Sans s’enfermer dans le carcan des dates, du reste pas toujours heureux dans le cas des transitions après putsch ou insurrection populaire en Afrique, il faut dire que le Mali qui s’était engagé à rester dans les codes n’avait donc pas à en sortir, simplement parce que le colonel Assimi Goïta et ses hommes, après avoir balayé la maison la trouve trop propre pour la quitter.
Les militaires, double-putschistes, arguant de la refondation de l’Etat et de la sécurisation du territoire, tâches qui devraient revenir à un pouvoir élu, ne se sont pas privés du plaisir de s’octroyer une transition pouvant aller jusqu’à 5 ans, soit plus que la durée d’un mandat constitutionnel aux Etats-Unis et au Ghana. Le jeu de ce gouvernement de transition n’est plus caché, son objectif final étant de garder le pouvoir le plus longtemps possible et organiser, au finish, si l’envie leur vient, des élections qui leur donneront une virginité par les urnes qu’ils prendront le soin de bien contrôler.
Le pouvoir kaki de Bamako use de tous les subterfuges possibles, et des plus dangereux, comme celui de surfer sur un sentiment anti-occidentaux savamment monté et nourri par des officines locales et étrangères et qui a conduit à l’arrivée de la société privée de sécurité russe Wagner et au départ des forces Barkhane et Takuba. Toute chose qui donne ainsi libre cours aux djihadistes qui écument le Sahel, notamment la zone dite des Trois Frontières que partage le Mali, le Burkina Faso et le Niger. Les soldats de la force française Barkhane qui arrivaient à les tenir en respect dans cette zone ayant le nez dans leurs paquetages, les djihadistes ont le boulevard grandement ouvert pour mener des assauts meurtriers contre des populations civiles qui n’ont plus grande occupation que celle d’enterrer leurs morts.
C’est ainsi que la région nigérienne de Tillabéry située dans cette zone des Trois Frontières, vient de subir, une fois de plus, ce dimanche, les frappes des djihadistes qui ont laissé derrière eux, un bilan lourd d’une vingtaine de morts. L’heure n’est donc plus à la tergiversation pour remettre en selle ces partenariats militaires entre les Africains et les Occidentaux qui pourront fournir aux armées nationales, appui en formation, soutien avec des équipements aériens, et renforcement du service de renseignement.
En tout cas, l’équation malienne à plusieurs inconnues commence à peser économiquement et militairement sur une sous-région en proie aux attaques armées au quotidien. Sans présager de l’échec de cette énième tentative de la CEDEAO de ramener la junte militaire à la raison, en fixant un deadline plus raisonnable de la transition, alors qu’elle a déjà dirigé le Mali pendant plus de 18 mois, le pessimisme est tout de même de mise. La mauvaise foi semble être la chose la mieux prisée par des militaires déterminés à garder les clés du palais de Koulouba! A moins que le bien nommé Goodluck retrouve sa bonne étoile!
Par Wakat Séra