Accueil A la une Mali: silence, le colonel se taille son impunité par…constitution!

Mali: silence, le colonel se taille son impunité par…constitution!

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Assimi Goïta président de la transition malienne

Article 186 : Le fondement de tout pouvoir en République du Mali réside dans la constitution. Le Peuple a le droit à la désobéissance civile pour la préservation de la forme républicaine de l’Etat.

Article 187 : Tout coup d’Etat ou putsch est un crime imprescriptible contre le Peuple malien.

Ce sont des articles du projet de constitution qui a atterri dans les mains du colonel Assimi Goïta, en attendant d’être soumis à référendum. A première vue, ces dispositions tombent comme si la junte militaire voudrait se faire hara-kiri. Spécialisé en putsch militaire dont elle a réussi la prouesse d’en faire deux en moins d’une année, le pouvoir en treillis à Bamako, n’a rien fait d’autre que de fouler aux rangers la constitution qu’il essaie aujourd’hui de sanctuariser. Sauf que, en réalité, les putschistes de Kati ne bétonnent pas la Loi fondamentale pour honorer une quelconque valeur démocratique. Ils oeuvrent plutôt dans leur propre intérêt, en cherchant à décourager toute autre velléité de putsch dont le pays est coutumier, depuis le renversement par le lieutenant Moussa Traoré, du père de la nation, Modibo Keïta.

Assimi Goïta et les siens ne brandissent ces interdictions constitutionnelles que pour empêcher toute tentative, par d’autres, de leur arracher par les armes, ce pouvoir auquel ils s’accrochent comme des sangsues, comme eux l’ont fait, un certain 18 août 2020 au président sorti deux fois des urnes, Feu Ibrahim Boubacar Keïta et ensuite, en 2021 contre le président de la transition, Bah N’Daw et son Premier ministre Moctar Ouane. Du reste, pour aller jusqu’au bout de leur logique du boucher qui a peur du couteau parce qu’il en connait, mieux que quiconque, la dangerosité, les double-putschistes ont pu amener les alchimistes de la loi, à leur créer une impunité de choix. C’est ainsi que l’article 188, l’article miracle sorti du béret des fossoyeurs de la démocratie est sans équivoque: «Les faits antérieurs à la promulgation de la présente Constitution couverts par des lois d’amnistie ne peuvent, en aucun cas, faire l’objet de poursuite, d’instruction ou de jugement.»

C’est, imparable, le colonel Assimi Goïta et ses hommes auront soudé leurs arrières. Toutefois, ils semblent perdre de vue que c’est cette même constitution qu’ils sont venus mettre HS, c’est-à-dire hors-service, pour se saisir de ce pouvoir qu’ils ne comptent pas lâcher de sitôt. José Manuel Castelao Bragaña, ex-président du Conseil des citoyens espagnols de l’étranger, n’avait-il pas dit que «les lois sont comme les femmes-et qu’-elles sont faites pour être violées»? L’exemple ne plaira pas sans doute aux féministes, mais l’histoire risque de se répéter, car, comme cette vérité immuable, la roue tourne toujours! Et les putschistes donneront probablement la chance à la roue de tourner encore et encore au Mali.

Sauf cataclysme, ce projet de constitution sera voté, par le peuple, dans sa partie muselée et craignant la répression aveugle, dans son autre frange d’amoureux transis de militaires qui les «débarrassent» des anciens colons et enfin dans sa portion, la plus grande, de cerbères d’une transition qui a fait de la propagande, du populisme et de la peur, les fondement de sa gouvernance. Du reste, ce n’est plus qu’un secret de polichinelle, les putschistes maliens sont sur la voie de se donner une virginité par les urnes, comme nombre de militaires, l’ont déjà fait ailleurs et très près de nous au Burkina Faso! Comme Blaise Compaoré qui est devenu, pratiquement, le père du multipartisme au «pays des hommes intègres».

Le colonel Assimi Goïta et ses affidés l’ont reconnu, «tout coup d’Etat ou putsch est un crime imprescriptible contre le Peuple». Mais ils sont loin de le penser réellement, jusqu’au jour où, comme le chante Alpha Blondy, «le même peuple meurtri-qui- fait semblant d’être content» décide de balayer ses tortionnaires sans ménagement, surtout que la même constitution lui en donne le droit! L’adage n’énonce-t-il pas, implacable, que c’est «chacun à son tour chez le coiffeur»?

Par Wakat Séra