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Mali: «une aggravation de la crise du pouvoir d’achat des populations»?

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Rond-point de la Paix à Bamako

L’Initiative de soutien au peuple malien (ISPM) dans une déclaration, en date du 30 mai 2022, sur la persistance des sanctions contre le Mali, informe que «de nos jours, les échos de la crise font état d’une inflation sans précédent des produits de première nécessité, d’une aggravation de la crise du pouvoir d’achat des populations».

«Les populations maliennes continuent de subir le martyre des organisations sous régionales. Et cette situation dure depuis plus de quatre mois maintenant. En rappel, le 09 janvier 2022, lors d’un sommet extraordinaire des Chefs d’Etat et de gouvernements de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) tenu à Accra au Ghana, les dirigeants de la sous-région décidaient d’une batterie de sanctions contre la République du Mali dirigée par des militaires depuis le coup d’Etat qui a renversé le Président Ibrahim Boubacar Keita en août 2021. L’incapacité ou le refus des militaires de tenir les élections dans un délai de 18 mois comme voulu par la CEDEAO a été le motif invoqué par les organisations sous régionales, l’attelage UEMOA-CEDEAO, pour prendre ces sanctions inédites contre un de leurs Etats membres. Ces sanctions comprennent le gel des avoirs maliens au sein de la Banque Centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO), la fermeture des frontières des autres États membres au Mali, la suspension de transactions avec le Mali, le rappel des ambassadeurs de tous les pays membres, et bien d’autres sanctions concernant l’aide financière au Mali. Ces sanctions ont soulevé une vague d’indignations qui a dépassé les frontières du Mali et même du continent en raison de leurs caractères excessifs et attentatoires à la souveraineté des peuples et aux droits humains.

L’Initiative de soutien au peuple malien (ISPM) est née en réponse à ces sanctions qui par leur nature touchent sévèrement les populations maliennes plus que les autorités dirigeantes. Ces sanctions largement décriées auraient dû être reconsidérées depuis fort longtemps car pour nous, et nous ne sommes pas seuls à le penser, l’UEMOA et la CEDEAO ont non seulement eu la main trop lourde mais en plus elles se sont trompées de cibles par ces sanctions anti-populations. Mieux, ou pire, la légalité de ces sanctions, notamment leur conformité avec les textes de l’organisation, est sujette à débat. A la crise sécuritaire et politique et leurs corolaires, la CEDEAO a greffé une crise diplomatique, économique et humanitaire qui ne doit pas nous laisser indifférents.  

Le mépris des Chefs d’Etats à la justice communautaire

Dans son isolement presqu’au bord de l’asphyxie, le Mali s’est tourné vers la justice communautaire. En février 2022, les autorités maliennes avec les conseils d’un collectif d’avocats avaient saisi la Cour de justice de l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA) de deux recours dont l’un aux fins de sursis à exécution des sanctions de la CEDEAO. Le 20 mars, dans un communiqué rendu public, la cour déclarait « la requête aux fins de sursis à exécution introduite par l’Etat du Mali recevable en la forme » et par conséquent « ordonne le sursis à l’exécution des sanctions prononcées par la Conférence des Chefs d’Etat et de gouvernement de l’UEMOA lors de sa session extraordinaire tenue, à Accra, le 9 janvier 2022 et figurant dans son communiqué final ». En attendant donc, l’examen du deuxième recours portant sur les sanctions au fond, c’est tout naturellement que toutes les personnes attachées au respect du droit, s’attendaient à une « renormalisation » des rapports entre les pays de la CEDEAO et le pays frère du Mali. Mais que nenni. Depuis le 20 mars, la situation au Mali est toujours la même, marquée par les répercussions sévères des sanctions économiques et financières des pays de la sous-région sur les populations maliennes.

L’ISPM constate et regrette que des institutions aussi respectables que l’UEMOA et la CEDEAO ont fait le choix d’ignorer une décision de justice qui les enjoint de sursoir à l’application de sanctions contre un pays membre. Nous assistons à une défiance et un mépris de la juridiction communautaire par les dirigeants des Etats membres qui ont choisi de poursuivre dans la répression des populations maliennes et de fermer les yeux et les oreilles à leurs cris de détresse.

Comme si cela ne suffisait pas, dans des notifications en date du 14 avril 2022, la Banque mondiale et la Banque Africaine de Développement (BAD), annonçaient la suspension de leurs décaissements en faveur des projets et programmes dans ce pays.

De nos jours, les échos de la crise font état d’une inflation sans précédent des produits de première nécessité, d’une aggravation de la crise du pouvoir d’achat des populations. Au niveau de l’Etat, on s’achemine vers un pays en défaut de paiement, incapable d’honorer ses engagements financiers internationaux notamment les dettes auprès des institutions internationales et des banques privées. A long terme ce sont les salaires des travailleurs qui sont menacés et cela avec les conséquences qui vont avec. L’iniquité de ces sanctions n’est plus à démontrer, pas plus que leurs conséquences graves pour les innocentes populations piégées dans un bras de fer entre les autorités de la transition et les institutions sous-régionales et internationales. Ces sanctions n’auraient jamais dû être prises et Il est temps d’y mettre un terme pour le bien de tous et des populations maliennes en particulier.

De ce qui précède, l’ISPM

  • Rappelle et dénonce une fois de plus le caractère sévère, injuste, illégale des sanctions économiques et financières prises contre le Mali et ses populations,
  • Salue la décision de la Cour de justice de l’UEMOA qui ordonne la suspension des sanctions,
  • Encourage et attend de la cour qu’elle statue avec diligence sur la plainte au fond concernant les sanctions,
  • Appelle la cour à user de tous les droits et moyens pour faire appliquer ses décisions aux Etats membres,
  • Interpelle les Chefs d’Etat de l’UEOMA et de la CEDEAO sur leurs pleines responsabilités individuelles et collectives dans l’aggravation de la crise humanitaire qui frappe les populations maliennes,
  • Appelle les chefs d’Etats à faire prévaloir l’Etat de droit notamment en se soumettant aux décisions des juges communautaires,
  • Appelle les autorités maliennes à poursuivre le dialogue avec leurs pairs dans un état d’esprit apaisé et un compromis constructif pour une sortie de crise soucieuse des souffrances de la population,
  • Appelle les peuples africains à faire preuve de solidarité avec les populations maliennes touchées par les effets de l’embargo.»

Fait à Ouagadougou, le 30 mai 2022

Pour les Porte-parole par intérim

Boukari OUOBA