Une centaine de morts, une vingtaine de portées disparues, des centaines de personnes dont on reste sans nouvelle parce qu’ayant probablement fui le village calciné, avec âmes et biens. Deuxième du genre en moins de quatre mois, le massacre de Dogons à Sobanekou dans le cercle de Bandiagara, s’enfile à celui de Peuls à Ogossagou perpétré le 23 mars dernier pour faire du Mali une terre de violences intercommunautaires sans commune mesure. Comme un cancer qui se métastase, les massacres de communautés entre elles se conjuguent aux attaques terroristes pour enfoncer davantage le Mali dans les abîmes du sous-développement. La phobie générale des attaques terroristes et les affrontements fratricides, surtout entre Peuls et Dogons qui se règlent les comptes à coup de machettes ou de plomb chaud, ne cessent de plonger les populations dans l’incertitude. Sans être désespérée, la situation n’en n’est pas moins inquiétante, surtout face à l’impuissance apparente de l’Etat malien et de son armée qui est devenue une cible favorite des djihadistes et bandits de grand chemin. Les mesures de dissolution de milices semblent aussi inefficaces que les stratégies des Forces armées pour mettre en déroute, à défaut de les anéantir, les auteurs des assauts terroristes et des violences intercommunautaires.
Et c’est ainsi que vole inexorablement en éclats, le vivre-ensemble doublé de «djatiguiya», le légendaire sens de la cordialité et de l’hospitalité maliennes qui faisait la fierté du Mali. En tout cas, comme si elles sont engagées dans un cycle irréversible de vengeance, les populations se rentrent sans cesse dedans, dans des attaques qui visiblement sont minutieusement planifiées, car imparables. Comme à l’accoutumée, les mêmes causes de la stigmatisation produisent les mêmes déflagrations préjudiciables à l’ensemble de la nation. Le tableau noir est complété par l’abandon à quai de certaines régions dans les plans de développement du pays qui se limitent toujours aux grandes villes, pour ne pas dire à la capitale, livrant les habitants des localités rurales. Ainsi délaissées, ces populations ne peuvent que devenir des proies faciles à des terroristes en quête de nouvelles recrues. Car, il faut le dire, sans être spécialiste en analyse socio-politique ou expert en guerre, les violences intercommunautaires que craignent par ailleurs toutes les armées du monde, n’ont rien à voir avec les classiques conflits agriculteurs et éleveurs. Elles ne sont que la nouvelle arme des djihadistes pour détricoter l’unité des Maliens et fragiliser davantage un Etat déjà presque absent de bien des parties du territoire. La situation s’aggravant avec le fort sentiment anti-français qui se développe au Mali et dans d’autres pays du Sahel et dessert par ricochet, les forces étrangères comme Barkhane qui sont engagées dans la lutte contre le terrorisme en Afrique subsaharienne. Sans oublier que la fameuse force conjointe du G5 Sahel peine à prendre véritablement forme, au point de créer un pessimisme tout à fait logique sur sa pertinence.
En attendant que le bon diagnostic soit posé et le remède idoine appliqué, c’est la généralisation des violences intercommunautaires, qui ont également fait leur apparition au Burkina Faso et ailleurs dans le Sahel, qui taraude les esprits et inquiète de plus en plus des populations qui ne savent plus quel saint protecteur invoquer.
Par Wakat Séra