Des dizaines d’éleveurs mauritaniens signalés portés disparus en deux mois. L’affaire fait grand bruit et fâche du côté de Nouakchott dont les autorités sont prises à la gorge par des populations tristes, inquiètes et révoltées. Les Mauritaniens qui ont bruyamment manifesté leur colère, comme pour se faire entendre des deux côtés de la frontière, sur le flou qui entoure la disparition des leurs, dont des sources non officielles affirment la mort, veulent connaître la vérité.
A Bamako l’option de l’omerta a été longtemps privilégiée, jusqu’à ce que les présidents malien et mauritanien, selon une annonce faite ce jeudi, ont eu des échanges téléphoniques. Le colonel Assimi Goïta, et son homologue mauritanien Mohamed Ould El-Ghazaouani, ont-ils déjà une idée précise sur ces incidents sécuritaires à la frontière de leurs deux pays? Sans doute, même si nous ne sommes pas dans le secret des palais de Nouakchott et de Koulouba!
En attendant que ce qui, pour l’heure est «secret d’Etat» soit un jour sur la place publique, car tout finit toujours pas se savoir, le chef militaire de Bamako, préoccupé pour l’instant par la longévité extraordinaire pour des putschistes qu’il veut s’accorder à la tête du Mali, a mis hors de cause son armée et promis qu’une enquête sera ouverte. En principe, dès ce vendredi, une mission de haut niveau devrait se rendre à Nouakchott, certainement dans le but de montrer la volonté des autorités maliennes à régler au plus vite le mystère des disparus de la frontière. Les maîtres de Bamako, le savent bien, cette frontière est trop précieuse pour eux et ne doit donc pas se fermer, car, suite à leur entêtement à garder le pouvoir à la suite de deux coups d’Etat, leur pays est mis en quarantaine par les autres membres de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (CEDEAO).
Avec la Guinée, la Mauritanie et son port, est devenue une véritable bouffée d’oxygène pour le Mali, pays enclavé sans littoral, dont les dirigeants ont engagé un bras-de-fer avec la communauté internationale. Le seul crime de cette communauté internationale, évidemment sans la Russie et la Chine, étant d’exiger un chronogramme plus raisonnable pour une transition devant déboucher sur le retour du Mali à une vie constitutionnelle normale, par le biais d’élections ouvertes.
Mais comment le Mali en est-il arrivé à cet imbroglio diplomatico-militaire à sa frontière avec la voisine mauritanienne? La faute serait-elle celle de la société de sécurité privée russe Wagner, dont les éléments, qualifiés de mercenaires par les Occidentaux, accompagnent les Forces armées maliennes (FAMa) engagées dans la sécurisation de la région de l’ouest du pays où se trouve cette frontière malo-mauritanienne? Si aucune conclusion hâtive ne saurait être tirée, car pouvant porter préjudice aux relations devenues quasi-fusionnelles, mais économiquement très intéressées, entre le Mali et la Mauritanie, l’affaire est, tout de même très troublante.
Et les populations doivent bien s’en inquiéter, à juste titre, avec la présence des combattants de Wagner dont la réputation sulfureuse, qui a traversée les frontières de la Syrie, de la Libye et de la République Centrafricaine, les a devancés.
En tout cas, plus vite la lumière sera faite sur ces disparitions d’éleveurs mauritaniens, mieux cela vaudra pour le Mali qui crie à la machination ourdie par des officines qui verraient d’un mauvais œil, ses relations avec la Mauritanie. En attendant, les regards des Mauritaniens sont tournés vers le président Mohamed Ould El-Ghazaouani, sur qui ils comptent pour dénouer cette situation et, le cas échéant, ramener la quiétude au sein de ses concitoyens commerçants et éleveurs, riverains ou usagers de cette frontière.
Par Wakat Séra