Accueil A la une Médiation en RD Congo: Lourenço out, des femmes en renfort!

Médiation en RD Congo: Lourenço out, des femmes en renfort!

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Le bruit des canons laisse peu de place au processus de paix (Ph. d'illustration)

La médiation ayant comme horreur du vide creusé par le jet d’éponge de Joao Lourenço, la SADC et l’EAC ont, immédiatement renforcé leur équipe de facilitateurs qui est passé de deux à cinq, avec l’entrée en scène de deux femmes. C’est ainsi que les anciennes présidentes de la Centrafrique Catherine Samba-Panza et de l’Ethiopie Sahle-Work Zewde, vont devoir solidement nouer le pagne et puiser, en abondance dans l’amour, la douceur et la patience maternels, pour accompagner la fermeté de leurs collègues facilitateurs. Les anciens présidents, le Nigérian Olusegun Obasanjo, le Kenyan Uhuru Kenyatta et le nouveau dans le panel de cinq, l’ancien président sud-africain Kgalema Motlanthe devront également fait montre de leur talent de sages mais aussi d’hommes de terrain, pour ramener la paix entre des parties aux positions pratiquement inconciliables.

Il urge déjà, pour les facilitateurs d’obtenir un cessez-le-feu avant d’entreprendre les pourparlers entre les belligérants. Ce qui ne sera pas le plus simple à faire, l’AFC/M23 demeurant dans une logique d’occuper le plus de territoires possibles, afin de consolider une posture des plus aisées lors des négociations. De toute façon, il importe qu’aux efforts des facilitateurs s’ajoute une bonne dose de volonté, de flexibilité, et de sincérité de la part des parties en conflit, notamment du Rwandais Paul Kagame, connu pour sa ténacité.

Après deux rounds perdus aux points, mais dont il ne sort pas moins groggy, Luanda jette l’éponge sur le ring de la médiation qu’il essaie de mener depuis deux ans, entre Kigali et Kinshasa! Certes, l’Angolais Joao Lourenço, qui vient de récupérer la présidence tournante de l’Union Africaine, annonce qu’il est temps pour son pays, de se focaliser sur les grandes questions continentales.

Sauf que l’une des priorités pour l’Afrique actuelle, c’est bien la paix qui a fui presque toutes les parties du continent, chassée par les attaques terroristes au Sahel, la guerre des généraux au Soudan, et, plus près de l’Angola, les bruits de canon produits, par, d’une part, par les Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC) et leurs alliés des milices Wazalendos et d’autre part, l’AFC/M23, que le Rwanda est accusé de soutenir. Donc, en matière de prise en main des problèmes du continent, Joao Lourenço ne peut avoir meilleur cas d’école que la marche conquérante de l’AFC/M23 dans l’Est de la RD Congo.

En réalité, ce sont les revers subis par l’Angola dans ses tentatives de faire appliquer les cessez-le-feu et surtout de réunir sous l’arbre à palabre, ses pairs de la RD Congo et du Rwanda, qui ont contraint le médiateur angolais à opérer un retrait qui s’avérait urgent pour lui. Se refusant de boire le calice de l’humiliation jusqu’à la lie, Joao Lourenço qui n’avait pas encore digéré la rencontre avortée qu’il avait organisée, en décembre dernier, à Luanda, entre Felix Tshisekedi et son homologue Paul Kagame, a, certainement, moins supporté, l’échec de la réunion du 18 mars, en terre angolaise, des principaux belligérants.

Et maintenant que Joao Lourenço a renoncé à sa médiation, pour se consacrer aux défis continentaux, comme il l’a dit, quelle sera la suite dans cette guerre où les canons continuent de tonner? Quelle sera la portée des processus désormais unifiés de Nairobi et de Luanda? Depuis le Qatar, l’émir pourra-t-il les faire appliquer, alors que l’AFC/M23 continue son avancée, dans le sang et sur fond de crise humanitaire? Quel sort pour Goma, Bukavu et Walikale, qui battent, désormais pavillon AFC/M23, malgré la rencontre Tshisekedi/Kagame que certains pensaient qu’elle serait la baguette magique pour mettre fin à ce conflit? Quel avenir pour Felix Tshisekedi lui-même, dont bien de ses «ennemis» voient, ou tout au moins espèrent, la chute? Dans le but de se dépêtrer des sanctions internationales, Paul Kagame sera-t-il contraint de lâcher du lest, ou alors, les mesures prises à son encontre, vont-elles le radicaliser pour de bon? Quelle sera la position du gouvernement Trump qui fait des pas encore timides et donc pas décisifs dans le processus de retour à la paix en RD Congo? Autant de questions, dont la liste, sans être exhaustive, n’en n’est pas moins probante de la complexité de cette guerre dans le Nord et le Sud-Kivu, qui n’a sans doute pas fini de révéler toutes ses implications et imbrications intérieures, régionales et internationales.

En tout cas, malgré les prières des religieux vers Dieu, et leurs tentatives, pour l’instant, improductives de calmer les ardeurs de ceux qui tiennent les fusils, de ceux qui fournissent les armes et de ceux qui détiennent le nerf de la guerre, les Congolais se demandent, toujours, à quel moment le ciel va se dégager pour eux. Ou leur tombera sur la tête!

Par Wakat Séra