Jeudi, Emmanuel Macron, dans une conférence de presse, annonçait le départ de la Force Barkhane du Sahel, tout en soulignant que la présence militaire française reste d’actualité, dans un autre format, avec la France aux côtés de forces partenaires occidentales et des Forces Spéciales des armées nationales. Le même jour, présent en Côte d’Ivoire, comme pour confirmer que la France ne quittera pas son pré-carré, son ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, assistait à l’inauguration de l’Académie internationale de lutte contre le terrorisme, érigée à Jacqueville en Côte d’Ivoire. Une convention a même été signée entre la Côte d’Ivoire et la France, pour la gestion de cette structure hautement stratégique pour le maintien de la présence militaire française en Afrique. Evénement important, qui ne serait pas lié, en tout cas pas officiellement, à la mort de Barkhane, le général François Lecointre annonce qu’il quittera, après quatre ans, ses fonctions de chef d’état-major général des armées françaises, après le 14 juillet prochain. Il sera remplacé à ce poste, par le général Thierry Burkhard.
Dans la foulée de la signature de l’acte de décès de Barkhane, la France rend publique, l’information de la mort, ce 5 juin, de Baye ag Bakabo, l’un des quatre assassins présumés de nos confrères de RFI, Ghislaine Dupont et Claude Verlon, kidnappés et tués, le 2 novembre 2013. L’opération qui a mis hors d’état de nuire, le chef terroriste, lieutenant de Iyad ag Ghali, le patron du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM) serait l’œuvre des Forces spéciales françaises qui auraient, ainsi, déjoué une attaque contre la Minusma à Aguelhok. Le timing des annonces presque couplées de la fin de Barkhane et de la trucidation de Baye ag Bakabo, semble bien réglé, le message à faire passer étant celui d’une efficacité décisive des forces armées françaises dans la lutte contre le terrorisme et donc la nécessité de leur maintien en Afrique.
Et même l’opinion française est ciblée dans cette opération de communication. En effet, Macron pense ainsi démontrer que la mort de ressortissants français ne saurait rester impunie. Sauf que les mêmes citoyens français, notamment les familles biologiques de Ghislaine Dupont et de Claude Verlon, tout comme l’ensemble de leurs confrères que nous sommes, auraient préféré que les auteurs de ces forfaits ignobles, soient pris vifs et interrogés pour que la vérité, et toute la vérité, soit connue dans cet épisode sanglant devenu une «affaire d’Etat».
Dans le même temps, les terroristes, qui font la preuve, chaque jour que leurs desseins se sont éloignés de la religion et sont plutôt liés à des intérêts purement mercantiles, frappent sans répit. Alors que le Burkina Faso pleure toujours ses 160 morts dans le massacre barbare, dans la nuit du vendredi 4 au samedi 5 juin, des habitants de Solhan, quatre soldats ivoiriens venaient d’être tués en une semaine, les trois derniers étant passés de vie à trépas ce 12 juin, leur véhicule ayant sauté sur une mine artisanale, à Téhini, une localité située au Nord-est de la Côte d’Ivoire, non loin de la frontière avec le Burkina. Le même jour, deux soldats maliens trouvaient la mort. Ce samedi étant hautement de deuil, l’un des gardes du président de l’Assemblée nationale du Niger trouvait la mort, dans une attaque armée.
La liste est loin d’être exhaustive, mais le tableau est bien sombre, pour ne pas dire rouge du sang des victimes innocentes de l’hydre terroriste et du grand banditisme. A quand la fin du cycle, alors que Elysée, sous pression de l’opinion nationale française et du fort sentiment anti-français qui enfle au Mali et dans le reste du Sahel, met fin à Barkhane? Les fameuses Forces Spéciales formées pour la plupart par les instructeurs français sont-elles désormais bien aguerries pour affronter les terroristes? Les dirigeants africains, ont-ils enfin compris que la sécurité et la défense de leurs territoires et de leurs peuples sont des domaines de souveraineté, donc leur affaire? Ceux qui nous dirigent, se saisiront-ils de l’opportunité du départ de Barkhane pour muscler leurs armées et renseignement, ou iront-ils voir ailleurs, comme à l’accoutumée, chez les Russes ou les Chinois par exemple?
«A quelle que chose malheur est bon», a dit l’adage. Il est donc temps pour les Africains d’arrêter de pleurnicher et surtout d’éviter de courir encore vers d’autres cieux, car il se dessine comme une nouvelle recolonisation de l’Afrique, avec d’anciens ou de nouveaux maîtres à la manœuvre.
Par Wakat Séra