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Migrants burkinabè de Libye: calvaire, joie et regrets au menu d’un retour au bercail

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Des migrants burkinabè de retour de la Libye, chargent leur bagage dans un camion du Conasur

Sac de voyage et kit de l’Agence des Nations pour la migration (OIM) en main, voix nouée par la fraîcheur et la fatigue, Namori Ouédraogo, survêtement blanc noir, supporte mal le poids des regards des autres migrants qui ont décidé de revenir volontairement au Burkina Faso. Content tout de même d’avoir retrouvé la terre natale saint et sauf, le jeune étudiant de 25 ans, comme ses camarades, relate les péripéties de leur aventure et évoque leurs attentes vis-à-vis des autorités qui ont facilité leur retour au bercail.

Ce mercredi 13 décembre, la rédaction de Wakat Séra a reçu vers 15H00 (Gmt) un mail l’informant d’un «retour volontaire de 250 migrants burkinabè en provenance de la Libye». La rédaction qui, à travers une vidéo condamne avec la dernière énergie l’esclavage, n’a voulu manquer aucun détail de ce voyage qui répond à l’appel de certaines Organisations de la société civiles comme le Brassard Noir qui a demandé le rapatriement des Burkinabè vivant en Libye.

178 contre 250 migrants annoncés atterri à l’aéroport de Ouagadougou…

Les cars transportant les migrants revenus de la Libye

Toute l’Afrique, principalement ses acteurs de premiers plans (hommes politiques, stars de la musique et du football, acteurs culturels, hommes d’affaires, etc) ont donné de la voix à la suite de la diffusion du reportage de Nima Elbagir du CNN, une chaîne américaine, portant sur la traite des migrants en Libye, pour manifester leur vive colère et indignation générale face à cette pratique ignoble.

Initialement prévu pour 19H00 (GMT), nous avons fait le pied de grue jusqu’à 00H00 (Gmt), heure de l’atterrissage du vol charter affrété à l’occasion pour un transport confortable des 178 immigrés clandestins en détresse dont « 19 personnes féminines, neuf mineurs ayant moins de 18 ans et deux femmes enceintes », selon les chiffres de Andréas Boer, chargé de projet de l’OIM.

Arrêté en solo, duo ou en groupe, l’épuisement du périple et le gène de revenir au pays se lient sur le visage des aventuriers (hommes et femmes) âgés entre 20 et 35 ans, cherchant à se dérober des objectifs des quelques rares appareils photo ou de caméras de télévision qui sont présents sur les lieux. 

Des migrants racontent leur calvaire…

Namori Ouédraogo, 25 ans, étudiant, migrant revenu de la Libye

« Le voyage s’est très bien passé par la grâce de Dieu. C’est un retour volontaire. Personne n’a été obligé à revenir », parle à voix basse Namori Ouédraogo. Le jeune voyageur estime que « la situation des migrants en Libye actuellement est très délicate car à tout moment des gens (Libyens) peuvent vous prendre et vous accuser de tout ».

Comme toute vie de clandestin, la plupart des migrants ne mange pas à leur faim. « On mange une fois par jour généralement », témoigne Namori Ouédraogo qui dit avoir fait 15 mois, soit une année trois mois, en Libye.

« On a été bien accueilli. On ne nous a pas dépouillés », s’est réjoui Abdoulaye Yemboini, la trentaine, témoignant avoir « fait la prison au moins six mois à Zabratha. J’ai été obligé de payer 500 000 francs CFA pour être libéré ». Comme au Burkina, Abdoulaye Yemboini faisait de la maçonnerie en Libye. Il dit avoir dépensé « au moins un million de francs CFA » dans cette aventure.

Quant à Ali Dabré, 21 ans, la nouée de douleur, « les faits vécus là-bas sont très difficiles », notant que la Libye n’est pas un pays où l’homme doit vivre ». « On nous traite comme si nous étions des animaux, ce n’est pas joli à voir. Ce sont des africains comme nous, ils devraient quand même nous respecter », poursuit-il.

Le jeune burkinabè, Ali Dabré, faisais « la mécanique avant de partir en Libye pour aller se chercher un peu », comme il le dit. Si certains migrants ont été vendus aux plus offrants comme esclaves, M. Dabré qui a fait deux fois la prison, à Zaouia et Zabratha « n’a pas vécu la traite des migrants », mais affirme avoir « des amis qui ont vécu » ce calvaire.

Attentes des migrants…

Ali Dabré, 21 ans, mécanicien, rapatrié de la Libye

Les 178 migrants burkinabè rapatriés ce mercredi 14 décembre 2017, ont été accueillis à leur descente de l’avion à l’aéroport international de Ouagadougou par des autorités dont l’ambassadeur du Burkina en Libye, Ibrahim Traoré, le Secrétaire permanent du Conseil supérieur des Burkinabè de l’extérieur (SP/CSBE) Daouda Ouédraogo, Andréas Boer, chargé de projet de l’OIM et des représentants du Conseil national de secours d’urgence et de réhabilitation (Conasur) qui ont rassuré que des mesures d’accompagnement dans le sens de leur réinsertion sociale ont été prises par l’agences des Nations de concert avec les autorités politiques du Burkina.

Namori Ouédraogo, lui, attend à cet effet, « une assistance du gouvernement » pour éviter de devenir « une charge pour (sa) famille ».

Les migrants, en général, demandent « au gouvernement de faire de petits emplois » pour eux. « Si les jeunes sortent aujourd’hui c’est parce qu’ils manquent d’emplois ici », déplore Ali Dabré qui espère plus le soutien de ses proches. Il affirme avoir dépensé dans cette aventure, « 1 100 000 FCFA ».

Depuis le début de l’année 2017 jusqu’à ce jour, le Burkina Faso a enregistré, avec l’aide de l’OIM et de l’Union Européenne, 669 retours volontaires en provenance de Libye. Les opérations de ce 13 décembre portent donc à 919 le nombre de migrants burkinabè rentrés volontairement cette année.

Le cinquième sommet Europe-Afrique s’est achevé le jeudi 30 novembre à Abidjan sur « l’engagement fort » des dirigeants des deux continents à lutter contre le drame de l’immigration clandestine et de ses dérives comme les marchés d’esclaves en Libye qui ont suscité dans le monde entier une vague de contestation et d’interrogation sur le phénomène.

Par Mathias BAZIE