Les migrants qui se risqueraient à débarquer illégalement sur les côtes de Sa Majesté Charles III doivent savoir que leur odyssée est loin d’être terminée. Car, s’ils ne périssent dans la Méditerranée ou au pied de la citadelle Europe devenue imprenable, ils seront simplement envoyés vers…l’Afrique! Un voyage qui ne leur coûtera pas un penny car au frais de la couronne. La Haute Cour de Londres vient de juger légal le projet qui vise à expulser les demandeurs d’asile vers le continent africain, précisément au Rwanda…pour que leurs dossiers y soient examinés!
La question était pendante depuis de longs mois. Précisément, depuis Avril dernier, du temps de Boris Johnson, le sulfureux «BoJo», ci-devant Premier ministre du Royaume-Uni. Londres estimant que les traversées vers ses côtes ont atteint, ces dernières années, des pics vertigineux, au regard des nouveaux axes de sa politique intérieure, a décidé, de fixer un goulot d’étranglement d’un genre assez singulier: les immigrés en situation irrégulière se verraient refouler vers le Rwanda, où ils seront accueillis, nourris et blanchis.
Comme au purgatoire, avant le paradis ou l’enfer, c’est dans ce pays d’accueil temporaire forcé que leur demande d’asile sera examinée sous toutes les coutures, soupesée. Les requêtes qui passeront le tamis et trouveront grâce aux yeux des scrutateurs recevraient le précieux sésame pour un voyage retour en direction du Royaume Uni pour installation. Quant aux recalés, ils n’auraient plus que leurs yeux pour pleurer et devraient se contenter de contempler les vertes collines du pays d’accueil qui pourraient les héberger, mais qu’ils n’auront pas choisi. Et tant pis s’ils ne sont pas contents! Ils auraient pu rester sagement chez eux!
C’est cette délicate question dont l’examen avait été confié à la Haute Cour. Les conservateurs britanniques qui ont fait de la lutte contre l’immigration clandestine-conformément à leur promesse d’avant Brexit-leur cheval de bataille, attendaient que la Cour avalise leur point de vue. Tandis que des syndicats et associations de défense des droits de l’homme exprimaient le souhait de voir le projet étouffé dans l’œuf.
Mais de toute évidence, le Premier ministre actuel, a choisi de suivre les sillons tracés par Boris Johnson. Circulez, il n’y a plus rien à voir! La messe est dite et force restera à la loi, même si les syndicats et organisations de défense des droits de l’homme n’ont certainement pas dit leur dernier mot. Ils ne manqueront pas de s’engouffrer dans cette brèche de défense ouverte par le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés.
Le HCR qui avait dû intervenir dans le dossier avait jugé que le pays de Paul Kagame manquait de «composante minimum d’un système d’asile fiable et juste» et qu’une politique de ce genre pourrait conduire à de graves «risques de violations» de la convention de l’ONU sur le statut des réfugiés. Le Rwanda lui, au contraire, se félicite de la décision de la Cour et jure la main sur le cœur qu’il est prêt à «offrir aux demandeurs d’asile et aux migrants l’occasion de bâtir une nouvelle vie au Rwanda»!
Questions: à qui profite cette générosité tellement spontanée qu’elle en devient suspecte? Que gagne Kigali dans ce deal que certains présentent comme une mauvaise solution pour un problème pourtant réel?
Une actualité qui n’est pas sans rappeler l’affaire du «Probo Koala» en Côte d’Ivoire. Une manne financière avait été encaissée par certains contre l’accueil clandestin d’un navire bourré de containers de déchets toxiques en provenance d’Europe, et qui ont été enfouis en catimini, exposant la vie de citoyens innocents et parfaitement ignorants du danger.
Doit-on croire donc que le pays de Kagame a monnayé la misère des migrants et encaissé des espèces sonnantes et trébuchantes, recouvrant le tout du manteau de la charité humaine qui accueille des pauvres hères en désespoir et leur accorde volontiers le gite et le couvert, gratis pro Deo? Si c’était le cas, le Royaume uni se trouverait débarrassé d’une grosse épine au pied, le Rwanda bénéficierait d’honoraires substantiels pour services rendus. Ceux qui trinqueraient, une fois de plus, ce sont les migrants! Contraints qu’ils étaient déjà de quitter leur pays pour des cieux qu’ils croyaient plus cléments. Et on continuera de chercher l’erreur!
Par Wakat Séra