Accueil A la une Minusma: comment sortir du piège de Kidal?

Minusma: comment sortir du piège de Kidal?

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Les éléments de la Minusma comme bouclier humain à Kidal (Ph. d'illustration)

«-Dégage de ma maison et vite!

-Ah bon? C’est pas gentil.

-Je m’en fous. Dégage, c’est ma maison, je suis souverain chez moi.

-Ok. Je m’en vais demain.

-Ah non hein! Tu n’as pas le droit de partir aussi vite. C’est louche. Tu veux déstabiliser ma maison.»

Une conversation qui a fait le tour des réseaux sociaux, et qui n’est pas anodine du tout et ne se rapporte guère à une discussion simple entre un propriétaire et un locataire classiques. Car, à s’y méprendre, c’est la caricature subtile de la situation que subit la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations-Unies pour la stabilisation au Mali (Minusma). Déclarée, non grata, par la junte militaire au pouvoir, la mission onusienne qui avait prévu de quitter, pour de bon, le territoire national malien avant le 31 décembre, a préféré accélérer son départ et le rendre effectif et définitif avant la date initialement retenue. C’est dans ce chronogramme réaménagé que, la libération du camp des Casques bleus de Kidal a trouvé place pour les dates butoir des 30 ou 31 octobre. C’est-à-dire ce lundi et ce mardi.

Mais, l’armée malienne qui compte visiblement récupérer cette enclave militaire onusienne, n’entend pas de cette oreille ce déménagement précipité qui pourrait laisser le camp entre les mains des rebelles touaregs qui revendiquent Kidal comme étant sous leur autorité, selon des accords signés par les deux parties. Pour les «hommes bleus», la logique voudrait que ce camp devienne leur, quand la Minusma l’aurait quitté. Ceci expliquant cela, la mise en branle de la colonne forte de centaines de véhicules équipés mise en route par l’armée malienne s’explique bien maintenant. C’est la stratégie de récupération des camps laissés par la Minusma dans le nord du Mali. Et cette unité mobile lourdement armée continue de serpenter entre les dunes de sable mais utilise également les airs pour transporter ses éléments.

Vu que la colonne n’a pas encore atteint Kidal, Bamako freine des quatre fers pour faciliter l’évacuation des personnels de la Minusma, en délivrant des autorisations homéopathiques de vol à la mission. Une Minusma qui risque de se retrouver entre deux feux, si la guerre de Kidal a lieu et devrait opposer les Forces armées maliennes (FAMa) et leurs «instructeurs» militaires russes qui seraient des éléments du groupe privé de sécurité russe Wagner. En tout cas, la Minusma le voudrait qu’elle ne peut quitter, selon son calendrier, le territoire national maliens. Ce sont les maîtres militaires du Mali, depuis leur coup d’Etat du 18 août 2020 qui a chassé du pouvoir le président Ibrahim Boubacar Keïta, qui décident.

Prise dans un piège dont le mécanisme est contrôlé par ceux qui lui enjoignent d’aller voir ailleurs, la Minusma qui a contribué à bloquer l’avancée du terrorisme sur Bamako et payé un lourd tribut aux attaques et autres assauts meurtriers, se cherche. Plus le temps avance et que les ingrédients d’un affrontement entre les rebelles et les militaires réguliers se précise, plus les Casques bleus encore présents sur le territoire malien, mais ne sont plus en mission puisque leurs hôtes n’en veulent plus, se demandent bien à quelle sauce ils seront mangés.

Pour l’instant, il faut appeler un chat un chat, ils servent de bouclier humain, comble de l’ironie, à une armée dont les chefs, au nom de la souveraineté, leur avaient ordonné de «quitter la maison, et vite».

Par Wakat Séra