Le nouveau président du Niger, Mohamed Bazoum, hérite d’un pays souffrant d’insécurité et sous cache-nez du fait de la Covid-19. Mais visiblement, ce n’est pas suffisant pour influencer son optimisme. Il l’a exprimé dans son discours d’investiture ce 2 avril 2021: «Notre pays a devant lui, un bel avenir».
Monsieur le Président de la République sortant, Issoufou Mahamadou,
Messieurs les chefs d’Etat,
Mesdames, Messieurs les chefs des délégations étrangères,
Monsieur le président de l’assemblée nationale,
Leurs Altesses royales Émirs du Nigeria,
Mesdames, Messieurs les responsables des institutions de la République,
Messieurs les membres de la Cour Constitutionnelle,
Honorables Chefs traditionnels et religieux,
Distingués invités, à vos titres, rangs et grades,
Mes chers compatriotes,
Permettez-moi, pour commencer, de rendre grâce à Dieu le tout Puissant d’avoir permis à notre pays de vivre ce moment inédit, à l’occasion duquel une passation de pouvoir à la tête de l’Etat a lieu entre deux civils élus au suffrage démocratique.
Je voudrais ensuite remercier du fond du cœur tous les chefs d’Etat et de gouvernement ainsi que les chefs des délégations des pays amis qui nous ont fait l’honneur de rehausser par leur présence l’éclat de la présente cérémonie. Leur présence à nos côtés, en dépit des très lourdes charges qui sont les leurs, témoigne de l’amitié sincère qu’ils ont pour le Président Issoufou Mahamadou ainsi que pour notre pays et son peuple.
Je voudrais remercier toutes les personnes présentes, à titre officiel, à commencer par son Excellence monsieur le Président de la République sortant Issoufou Mahamadou, Monsieur le Président de l’assemblée nationale Seini Oumarou, les présidents des différentes institutions de la République ainsi que toutes les autres autorités civiles et militaires, chefs traditionnels et religieux, dirigeants politiques et membres de la société civile pour leur présence remarquée.
J’aimerais remercier mes amis venus de l’étranger, parfois de très loin pour me soutenir en ces instants si particuliers pour moi, malgré les contraintes dues à la prévalence de la pandémie de la Covid19. Le caractère diversifié de leurs provenances dont je suis très fier est l’illustration que notre humanité n’est authentique que dans la mesure ou elle s’élève à la fraternité universelle.
Je remercie enfin tous mes compatriotes qui ont tenu à être là ce matin, à titre personnel, pour m’exprimer leur solidarité.0
Mesdames, Messieurs, mes chers compatriotes,
C’est avec une réelle émotion que je prends la parole, aujourd’hui, incapable que je suis, malgré la solennité de la circonstance, d’empêcher ma mémoire de remonter le temps et de voir défiler bien des souvenirs. L’un d’entre eux mérite particulièrement d’être évoqué. Il s’agit du souvenir de la rencontre que j’ai eue avec Issoufou Mahamadou, le 1er août 1990, dans une maison du quartier Nouveau marché de Niamey. La veille nous nous étions vus rapidement pour la première fois et nous étions alors convenus de nous revoir le lendemain pour une discussion politique. Cette rencontre a priori banale entre le directeur d’exploitation de la société des mines de l’Aïr (Somaïr) résidant à Arlit et un jeune professeur de philosophie du lycée Dan Baskoré de Maradi va pourtant donner naissance à un projet dont la présente cérémonie n’est pas le moindre aboutissement. Représentants chacun un groupe politique clandestin, nous avons en effet décidé ce jour-là de nous mettre ensemble et de créer un parti politique. Moins de cinq mois plus tard, le 22 décembre 1990, nous porterons sur les fonts baptismaux le PNDS- Tarayya. Issoufou Mahamadou est désigné à sa tête, comme secrétaire général. Si j’évoque ce souvenir, c’est pour mettre en relief cette espèce de disproportion qu’on ne peut pas ne pas percevoir entre la qualité pour ainsi dire des protagonistes de cette rencontre du 1er août 1990 et le fait bien réel que quelque chose du destin de notre pays s’y est tout de même joué. Au cours de cette année 1990, témoin d’un véritable printemps politique en Afrique, de tels projets furent légion au Niger. Mais le nôtre aura été incontestablement le plus viable. Nous avons en effet eu le bonheur de créer un parti autour d’une vision basée sur des principes et des valeurs solides portés par une direction profondément pénétrée par ces valeurs. Cette foi militante propre à notre matrice idéologique et les valeurs qui lui sont consubstantielles nous a mis à l’abri des maladies qui vont par la suite miner et ravager toutes les autres formations politiques de la place. Mais, à la vérité, si nous avons eu cette fortune, c’est aussi et peut-être surtout parce que notre parti a bénéficié d’un leadership hors du commun.
Le Président Issoufou Mahamadou a, en effet, été un dirigeant exceptionnel car il réunissait en lui de grandes qualités : droiture, loyauté, générosité, rigueur et patriotisme. Ces qualités ont servi de ciment pour maintenir la cohésion au sein de notre Parti et lui assurer ainsi sa croissance progressive tout au long des 20 années au cours desquelles il l’a dirigé.
Les mêmes qualités vont l’aider à mettre en œuvre un leadership remarquable à la tête de l’Etat en tant que Président de la République depuis le 2 avril 2011, ce qui a permis à notre pays non seulement de faire honorablement face aux nombreux défis, notamment sécuritaires propres à notre sous- région depuis les événements survenus en Libye en 2011, mais, aussi, d’avancer dans le sens de son progrès économique et social. Mû par la même éthique, toute de rigueur, il vient au terme de son dernier mandat de respecter la Constitution en acceptant de quitter le pouvoir de bonne grâce, tout en organisant des élections des plus transparentes basées, pour la première fois au Niger, sur un fichier électoral biométrique.
Pendant les 30 ans que j’ai passés à ses côtés, à travers une relation de grande proximité, dans les épreuves comme dans les moments de calme, à l’opposition comme au pouvoir, Issoufou Mahamadou est toujours resté le même. Pendant ces 30 années de collaboration quasi-quotidienne je n’ai jamais perçu, même à travers un regard, si furtif soit-il, quelque chose d’un tant soit peu douteux à mon égard. Nous avons en permanence baigné dans un climat de confiance totale.
Comme dirigeant, il est désormais auréolé d’un grand prestige et le jury du prix Mo Ibrahim pour un leadership d’excellence en Afrique ne s’y est pas trompé en en faisant son lauréat pour l’année 2020. Comme homme et comme dirigeant, Issoufou Mahamadou est digne de tous les hommages. Je voudrais le saluer et le féliciter chaleureusement, tout en formant le vœu que Dieu le bénisse et bénisse sa famille.
Mesdames et Messieurs, mes chers compatriotes
En prenant sa place, je n’ai que trop conscience de ce que sont mes défis.
Notre pays de par sa situation géographique n’a pas que des atouts. Son enclavement est un vrai handicap. Le port le plus proche de Niamey qui est celui de Cotonou au Bénin est en effet à 1000 km d’ici. Notre pays plus saharien que sahélien est de surcroît très vaste. Son climat aride a passablement souffert ces dernières décennies des changements climatiques entraînant des sécheresses sévères et récurrentes mais aussi paradoxalement de plus en plus des inondations tout aussi catastrophiques qu’imprévisibles.
De façon conjoncturelle, il se trouve depuis quelques années en plein cœur de la zone affectée par l’insécurité sévissant dans l’espace sahélo-saharien. Riverain du lac Tchad, il fait face au défi de Boko Haram. Voisin de la Libye il est affecté par le crime transnational organisé dont le sud de ce pays constitue une solide plateforme depuis la chute du colonel Mouammar Kaddafi. Partageant plus de 800 km de frontière avec la partie septentrionale du Mali il est confronté aux agissements des organisations criminelles et terroristes qui écument cette zone.
Mais son plus grand défi réside depuis son indépendance dans les faiblesses de son système éducatif. Si je considère le défi de l’éducation comme notre plus grand défi c’est parce que je sais que le faible taux de scolarité et le taux élevé des échecs scolaires ont pour effet de priver des contingents très nombreux d’enfants et de jeunes de réelle chance d’éducation. C’est cette situation qui explique les mariages précoces des jeunes filles( 77% sont mariées avant 18 ans, 28% avant 15ans), la forte prévalence de la polygamie ainsi que la faible prévalence de l’utilisation des contraceptifs. Avec un taux de fécondité synthétique de presque 7 enfants par femme nous battons le record mondial en la matière. Avec un taux de croissance démographique de 3,9% par an nous sommes le pays où la population croît le plus vite au monde. Nous sommes du coup dans un cercle vicieux: plus nous faisons d’enfants moins nous sommes capables de les éduquer, moins nous les éduquons plus ils feront des enfants à leur tour, facteurs dans notre contexte socioéconomique de retard de développement et de croissance.
Mais, bien que vaste, désertique et enclavé notre pays n’est pas pour autant totalement dépourvu d’atouts. Bien au contraire! L’étendue relative de son territoire signifie une certaine diversité géologique et un réel potentiel de richesses minérales et énergétiques. Même aride, notre pays regorge en son sous-sol d’un grand potentiel hydrique.
Le charbon, l’uranium, le pétrole, le gaz, le soleil de notre pays sont des précieuses sources d’énergie à même de nous permettre notamment de mettre en valeur notre potentiel agricole.
Si la croissance échevelée de notre démographie constitue quant à elle un grand défi pour nos ressources budgétaires, elle comporte néanmoins l’avantage sur le plan économique de rendre disponible une population très jeune et en bonne santé.
Mesdames, Messieurs, mes chers compatriotes,
Ma conviction intime est que notre pays a devant lui un bel avenir, pourvu que nous soyons en mesure d’apporter les bonnes réponses à ses défis. Pour cela nous avons besoin prioritairement de faire deux choses: promouvoir une bonne gouvernance et repenser radicalement notre système éducatif dans l’optique de faire de nos actifs démographiques des dividendes économiques.
Le programme électoral que j’ai soumis au peuple nigérien, sur la base duquel j’ai été élu le 21 février 2021 s’inscrit dans la continuité du travail remarquable accompli par le Président Issoufou Mahamadou. Il en consolidera les acquis en les approfondissant et il apportera les améliorations partout où cela s’avèrera nécessaire.
L’un des plus grands acquis de notre pays réside dans le raffermissement progressif de son expérience démocratique. La présente cérémonie représente à cet effet le meilleur symbole de cette évolution. La qualité de l’organisation des récents scrutins, leur sincérité et leur transparence se sont traduites cette année encore par un scrutin à deux tours en ce qui concerne l’élection du Président de la République. Le fondement de la démocratie étant la légitimité populaire de la dévolution du pouvoir, la garantie de l’intégrité du vote est la condition de base d’un jeu démocratique authentique assurant la paix et la stabilité des institutions.
Cependant nous devons avoir conscience que l’organisation de bonnes élections est une condition nécessaire mais non suffisante pour la paix et la stabilité dans un pays. Elle a toujours besoin d’être confortée par une gouvernance susceptible de mettre en valeur toutes les promesses de l’idéal démocratique.
Le défi de la gouvernance est d’autant plus grand chez nous que prévaut une mentalité pas toujours en harmonie avec les valeurs de l’Etat de droit et ses exigences relatives à la primauté de la loi ainsi qu’à l’égalité de tous les citoyens. Sans verser dans une certaine anthropologie philosophique, mon propos consiste à relever que dans notre société nous avons tendance pour diverses raisons à nous accommoder même des comportements qui s’écartent des normes définies par nos lois et nos règlements. Or, il est temps que nous nous ressaisissions et que nous fassions preuve de rigueur. C’est pourquoi je voudrais dire clairement ici que quiconque a une responsabilité dans l’administration publique répondra désormais tout seul et entièrement de ses actes. Son parti politique, sa « base », sa famille, sa communauté ne lui seront d’aucun secours au cas où son comportement devrait commander une mesure coercitive à son encontre. Pour cela, j’exigerai de tous les responsables aux différents échelons de l’administration que les cadres soient promus sur la base de leur compétence technique et de leur moralité.
Le deuxième grand problème de notre gouvernance réside dans la prévalence de pratiques de concussion et de corruption au sein de l’administration. La corruption prend diverses formes: pots-de-vin, surfacturations, dépenses inopportunes, commandes fictives, commandes partiellement livrées, etc. De telles pratiques ont cours malgré tous les dispositifs administratifs et juridiques mis en place pour les prévenir et les punir. C’est pourquoi la meilleure façon de lutter contre la corruption est de sévir contre ceux qui s’en rendent coupables. Mon credo sera de miser principalement sur la pédagogie de l’exemple en ne tolérant d’aucune façon le principe de l’impunité. Ainsi, Je serai implacable contre les délinquants parce que j’ai conscience du tort que porte la corruption au développement du pays. Elle constitue par ailleurs une grave source de discrédit pour un régime et comme telle, elle est un grand facteur d’insécurité.
La viabilité et la pérennité du régime démocratique sont tributaires de notre capacité à instaurer une gouvernance éthique conforme au pacte de confiance qui nous lie au peuple. Je me suis battu depuis mon jeune âge pour la promotion de la démocratie, parce que j’en ai toujours espéré deux choses totalement inséparables: la liberté et la justice.
S’agissant de la liberté, je n’ai pas l’impression d’être particulièrement audacieux si je disais que je veillerai à ce qu’elle prévale pleinement, dans la limite des contraintes légales prévues à cet effet. En tout cas je m’engage résolument à mettre fin à certains malentendus qui ont pu avoir cours entre nous et certains acteurs de la société civile ces dernières années.
Le combat pour la justice sociale sera quant à lui un combat beaucoup plus rude au regard des enjeux qui le sous-tendent, mais je le mènerai avec détermination car c’est là que se noue mon engagement moral et politique avec le peuple qui m’a fait l’honneur et le privilège de me confier sa destinée pour les 5 années à venir. Mon engagement politique datant de mes années de jeunesse au Lycée, mon rapport à la politique en a été depuis définitivement marqué. En effet je n’ai jamais perçu mon engagement autrement qu’en vue de l’accomplissement d’un certain sacerdoce.
Aujourd’hui que je suis à la tête d’un État réel, où il est question d’hommes et de femmes réels, en proie aux difficultés concrètes de la vie, mon devoir est d’agir de telle sorte que mes actes prennent en compte les intérêts du plus grand nombre. C’est précisément ici que je situe le sens de tout le combat que j’ai mené jusqu’à présent.
Je serais moi-même si au bout des 5 prochaines années j’aurais agi de façon à sensiblement améliorer, entre autres, la sécurité, la qualité de l’éducation, l’accès aux soins, à une meilleure alimentation, à l’eau potable, à un meilleur habitat, au courant électrique et à de meilleures routes au profit de tous les Nigériens.
Mesdames, Messieurs, mes chers compatriotes,
Pour que l’amélioration de la gouvernance revête tout son sens, elle a besoin d’être soutenue par un grand projet de réforme de notre système éducatif qui est en proie à une crise très grave.
Notre système éducatif souffre de capacités d’accueil insuffisantes, de capacités d’acquisition dérisoires et des taux de scolarisation, d’achèvement et de réussite aux examens très faibles: 30% pour le BEPC et 25% pour le Baccalauréat en 2019.
Pour mettre fin à cette situation je ferai de l’éducation un domaine dont je m’occuperai personnellement autant que je m’occuperai de la sécurité.
Un certain nombre de mesures seront prises à cet effet. Il s’agit de:
– la réactualisation de la carte scolaire,
– la professionnalisation du corps enseignant. Il est en effet impérieux et urgent de disposer d’enseignants professionnels maîtrisant les contenus à enseigner et les techniques d’enseignement et d’apprentissage.
– l’amélioration des résultats scolaires.
– la scolarisation de la jeune fille. L’indice de parité entre filles et garçons au secondaire est très largement défavorable aux filles que les parents sortent de l’école au cours des premières années du collège, surtout quand, comme c’est souvent le cas, les établissements sont hors du village des parents. Pour remédier à cette déperdition qui par ailleurs favorise le mariage des enfants, je vais créer des internats pour les jeunes filles dans les collèges de proximité. Je compte lancer les travaux de construction de ces internats dans certains collèges aussitôt que j’aurai pris fonction de façon à les rendre opérationnels dès la rentrée scolaire prochaine.
– la réforme curriculaire en vue d’adapter notre école aux exigences de son environnement culturel.
– la mise sur pied d’une équipe d’architectes innovants pour la conception d’un modèle alternatif de construction des classes moins cher et plus adapté à notre environnement et ce en vue de mettre fin aux classes paillotes.
Mesdames, Messieurs, mes chers compatriotes,
Je m’engage pour les 5 ans à venir à stabiliser le cadre macroéconomique d’une part et d’autre part à transformer le tissu économique en vue de favoriser la réduction drastique de la pauvreté ainsi que la création de nombreux emplois pour les jeunes. Pour cela l’assainissement des finances publiques sera accéléré dans l’optique de l’amélioration du cadre de mobilisation des recettes internes ainsi que de l’amélioration de la qualité de la dépense publique. Mon objectif est de porter le taux de croissance annuel moyen à 8%, de porter le taux de la pression fiscale à 20%, de réduire le taux de pauvreté de 43% à 25% en 2025, de maintenir le taux d’inflation en-dessous de 3% et d’améliorer substantiellement la part des secteurs secondaire et tertiaire dans l’économie de façon à les porter respectivement à 45% et 35% du PIB en 2025.
Je poursuivrai les mêmes efforts que le Président Issoufou Mahamadou dans les domaines de l’agriculture, des infrastructures routières, énergétiques, industrielles, touristiques et de télécommunications. Je veillerai à l’amélioration de l’environnement des affaires et la compétitivité de l’économie nationale, à la protection des investissements directs étrangers et à la promotion du secteur privé, notamment celui de l’entrepreneuriat des jeunes.
Mesdames, Messieurs, mes chers compatriotes,
Ces grandes ambitions ne sauraient se réaliser aussi longtemps que notre pays sera confronté à l’insécurité générée par l’existence de groupes terroristes dont la barbarie vient de dépasser toutes les bornes à l’occasion des tueries qu’ils ont menées cette année dans les départements de Oualam, Banibangou et Tillia. Pendant longtemps les criminels embrigadés dans les rangs de l’Etat islamique dans le grand Sahara (EIGS), affilié à DAESH, ne s’attaquaient quasi-exclusivement qu’aux forces de défense et de sécurité. Mais depuis un certain temps ils ont commencé à s’en prendre aux chefs de village puis progressivement aux civils de façon indiscriminée. Depuis janvier dernier, ils se livrent à des massacres de civils innocents à très grande échelle commettant à l’occasion de vrais crimes de guerre.
Le terrorisme est un vrai malheur pour notre pays. Cela d’autant plus que ses bases sont hors de notre territoire et ceux qui en sont les chefs relèvent d’autres pays. Jamais aucun chef terroriste n’a fait cas de griefs contre notre État, encore moins formulé la moindre revendication en sa direction.
Dans la région de Diffa, Boko Haram a totalement déstabilisé l’économie depuis janvier 2015. En attestent les 3 chiffres suivants: 130000 réfugiés nigérians, 105000 déplacés internes et 30000 nigériens retournés du Nigeria. Tous ont cessé toute activité économique et vivent de l’assistance humanitaire.
Mon ambition est d’engager immédiatement des discussions avec les autorités du Nigeria, celles de l’Etat de Borno particulièrement pour créer les conditions du retour dans les meilleurs délais de tous les réfugiés dans leur pays. Mon autre ambition est de permettre le retour tout aussi rapide de tous les déplacés dans leurs villages respectifs en leur assurant la sécurité à laquelle ils ont droit. Cela est une nécessité impérieuse car les enfants déscolarisés et désœuvrés vivant dans les camps des réfugiés et des déplacés constituent à mesure qu’ils grandissent une pépinière idéale pour le banditisme et le terrorisme. Tels quels ces camps sont des fabriques potentielles de terroristes ; voilà pourquoi il est urgent d’y mettre fin.
S’agissant de l’EIGS, ce groupe criminel dirigé par des ressortissants des pays du Magreb a ses principales bases en territoire malien, dans les régions de Menaka et de Gao. Le combat contre lui sera très difficile aussi longtemps que l’Etat malien n’aura pas exercé la plénitude de sa souveraineté sur ces régions. La situation actuelle du Mali a un impact direct sur la sécurité intérieure de notre pays. C’est pourquoi notre agenda diplomatique sera centré sur le Mali dans le cadre d’une coordination étroite avec les pays du G5 Sahel, l’Algérie, la France, les États-unis et les autres membres permanents du conseil de sécurité notamment. Nous devons aider nos frères maliens à s’entendre, à mettre en œuvre l’accord d’Alger, à le dépasser même, à reconstituer pleinement leur État en vue de lutter efficacement contre le terrorisme.
À Diffa, comme à Tillaberi et Tahoua, j’engagerai les actions qu’il faut pour mettre rapidement fin aux souffrances des populations dont la vie est empoisonnée par les rapts, les paiements des rançons, le paiement de l’impôt aux groupes terroristes, les extorsions, les enlèvements des animaux et les crimes systématiques.
Nos forces de défense et de sécurité jouiront de mon plein soutien, comme cela a été le cas avec le Président Issoufou Mahamadou, pour disposer de tous les moyens dont elles ont besoin pour le combat courageux qu’elles mènent contre le terrorisme. Tirant les leçons de ce combat que nous menons depuis bientôt 10 ans, je mettrai un accent particulier sur la rationalisation de notre action qui doit résulter d’une distinction intelligente entre les missions de l’armée et celle des forces de sécurité intérieure.
Mesdames et à Messieurs, mes chers compatriotes,
Nous venons de clôturer un cycle électoral très chargé. Nos élections ont été bien organisées, j’en félicite pour cela la CENI. Ces élections ont fait l’objet d’une importante supervision internationale qui a unanimement certifié leur bonne qualité. C’est là un gage important de la légitimité des institutions qui en ont été générées ainsi que de leur stabilité pour le futur. Malheureusement la proclamation par la CENI le 23 mars des résultats du second tour de l’élection présidentielle a donné lieu à de graves tensions et perturbations dans la ville de Niamey qui ont provoqué la mort de 2 personnes et d’importants dégâts économiques. Cette tension survenue plus de 2 jours après le vote n’a rien de spontané et revêt tous les traits de quelque chose de bien artificiel.
En effet l’élection du second tour a eu lieu dans la foulée de 4 scrutins organisés en décembre 2020. Aux élections municipales et régionales du 13 décembre 2020, ainsi qu’aux élections législatives du 27 décembre et au 1er tour de l’élection présidentielle tenu le même jour, la coalition des partis politiques qui a soutenu ma candidature au second tour a toujours remporté plus de 70% des suffrages exprimés.
Aucun de ces 4 scrutins n’a fait l’objet d’une quelconque contestation. Comment dès lors comprendre que seul le vote du second tour où je n’ai recueilli que 55,66% serait frauduleux et devrait faire l’objet de contestations violentes?
En effet, le caractère artificiel de ces tensions réside notamment dans le fait qu’elles n’ont eu lieu qu’à Niamey. Il réside aussi dans le profil sociologique des manifestants qui sont pour la plupart de jeunes adolescents voire des enfants intéressés davantage par l’opportunité des pillages que par autre chose. Le caractère artificiel du mouvement réside enfin dans son essoufflement hâtif.
Si nos élections ont été bien organisées, la campagne électorale en revanche a été quant à elle entachée par l’usage d’arguments inédits dans notre pays, consistant pour certains à stigmatiser l’origine et le teint de la peau de certains de leurs adversaires. De tels arguments sont fort regrettables, car personne n’est responsable de son origine. Les hommes sont responsables seulement de ce qu’ils font. En attaquant un adversaire sur son appartenance ethnique on forge des essences fictives et on érige des barrières entre elles. On crée des divisions disruptives alors que le projet républicain est de faire émerger des citoyens égaux en droit en devoir.
Mesdames, Messieurs, mes chers compatriotes,
La tentative de coup d’Etat d’avant-hier, soit 2 jours avant ma prise de fonction est très révélatrice de l’état d’esprit de certains de nos compatriotes, consistant à faire litière de la légitimité des institutions démocratiques et prêts à compromettre irrémédiablement l’avenir de notre pays pour des raisons totalement subjectives. Je condamne avec la dernière énergie cette action irresponsable
La justice sera chargée de l’élucider en toute objectivité et de soumettre à la sanction appropriée tous ceux qui y sont impliqués à un titre ou un autre. J’ose espérer que tout cela marquera la fin des tentations putschistes et insurrectionnelles qui animent certains de nos compatriotes et que nous puissions désormais regarder l’avenir avec la même foi quant à la prééminence des règles de la démocratie dans le mode de dévolution du pouvoir.
En ce qui me concerne, jouissant du privilège de représenter tous les Nigériens par l’unique volonté souveraine de notre peuple, mon devoir est de traiter les Nigériens en toute égalité. Je serai le Président élu pour tous les Nigériens. Je m’engage à agir de façon à les rassurer tous et à conforter l’unité et la fraternité qui doivent présider aux relations entre eux. Notre unité et notre solidarité seront toujours la garantie de notre immunité vis-à-vis de nos deux grands ennemis que sont le terrorisme et la pauvreté.
J’ai déjà à deux reprises loué la sagesse de mon adversaire du second tour, le Président Mahamane Ousmane. Je suis disposé à entretenir avec lui ainsi qu’avec les autres leaders des partis politiques de l’opposition le dialogue constructif qu’il faut pour favoriser un climat politique apaisé, propice aux intérêts de notre pays.
Le Niger attend de nous que nous nous mettions tous au travail, chacun à son niveau dans la cohésion, l’harmonie et la conviction que notre avenir dépend de nos engagements patriotes et de notre souci du bien commun.
Avec vous, pour vous, je serai un Président de la République au service de la paix, du progrès et du bonheur du peuple nigérien. Ce que je veux pour le Niger, c’est cela que je veux pour notre continent l’Afrique, à laquelle je consacrerai l’énergie nécessaire pour son émergence.
Vive la République,
Vive le Niger.