Le dernier baroud d’honneur! Ainsi aurait pu s’intituler la dernière vidéo qui montrait Evguéni Prigojine, le patron du groupe Wagner, au Mali selon certains. Harnaché en tenue militaire, arme en main, sous une température de «50 degrés», le chef des «musiciens» affirmait l’ambition de sa société de paramilitaires, des «mercenaires» comme ils sont qualifiés à travers leurs actes, de rendre «la Russie encore plus grande sur tous les continents et en Afrique encore plus libre».
Un enregistrement de propagande qui servait en même temps d’annonce de recrutement: «Nous embauchons de vrais héros et continuons à remplir les tâches qui nous ont été assignées et que nous avons promis de remplir». Avec sa mort dans un crash d’avion ce mercredi 23 août, Evguéni Prigojine, s’en va avec le nom du commanditaire de ces «tâches». Sauf qu’il a affirmé plus haut travailler pour la grandeur de la Russie. La disparition de Prigojine, et celle de son fidèle lieutenant Dmitri Outkine, signifie-t-elle la mort de Wagner? Rien n’est moins sûr, d’autant que depuis un certain temps, surtout sa «rébellion» avortée le 23 juin, soit deux mois jour pour jour avant sa mort, Evguéni Prigojine n’était plus en odeur de sainteté avec le Kremlin qui avait commencé à le trouver trop «frondeur», donc trop électron libre.
Accident ou assassinat? La question reste posée, mais la mort d’un personnage aussi important sur l’échiquier de Vladimir Poutine ne peut que faire penser à une main invisible qui n’est pas aussi cachée que cela. L’allié devenu rival impertinent et surtout «encombrant», qui en savait certainement trop, a, probablement, subi la punition ultime. Surtout que son «ami» mais non moins patron a horreur de la trahison, comme lui-même l’a dit dans une de ses rares sorties dans les médias. Ce qui est certain, dans le nouveau dispositif de Moscou, Wagner, en tout cas dans sa version Prigojine comme tout-puissant chef, n’existait plus et ses éléments avaient été appelés à se mettre à la disposition du ministère de la Défense russe de l’autre ami de Poutine, et bête noire de Prigojine, Sergueï Choïgou. Comme quoi, le «cuisinier» du maître incontestable de Kremlin était déjà mort avant sa…mort! Sauf en Afrique où il gardait encore la main!
Quel avenir en Afrique pour Wagner, qui vient de perdre sa tête, notamment dans des pays comme la Libye, la Centrafrique et le Mali où il est signalé une forte présence du groupe dont les éléments sont coiffés du béret officiel d’instructeurs militaires russes? La Centrafrique, dont les dirigeants ne jurent que par Wagner, oubliant même qu’ils ont une armée nationale, doivent revoir leurs plans. A moins qu’à Bangui, comme ailleurs sur le continent, la Russie prenne officiellement les choses en main, ou trouve deux remplaçants pour Prigojine et Outkine, sortis en plein match du terrain! Vladimir Poutine n’étant pas homme à se laisser surprendre par les évènements et au vu des premiers rôles que la Russie entend jouer sous les tropiques, en concurrence frontale avec l’Europe et les Etats-Unis, certainement que la machine a déjà été reroutée avec la minutie habituelle russe, pour éviter tout bug qui ferait perdre trop de plumes à Moscou.
Et si le crash était un accident bien planifié pour une date symbolique comme le 23, pour faire regretter au disparu son action belliqueuse d’un certain 23 juin? Et lancer en même temps un signal à l’endroit de tous les autres téméraires qui voudraient contrarier l’ours russe du Kremlin?
Mort programmée ou pas, ou simple montage, Evguéni Prigojine ne continuera pas moins d’être un caillou dans la chaussure de Vladimir Poutine, car les «musiciens» de Wagner, fidèles à leur chef pourraient bien chercher à venger celui-ci!
Par Wakat Séra