Desmond Tutu est donc mort! Plus qu’une simple annonce nécrologique, la mort du premier archevêque anglican sud-africain est tout un symbole. «The Arch», comme on l’appelle affectueusement dans les rues et townships du Cap et de Johannesburg, l’infatigable soldat de la paix, a tiré sa révérence, ce 26 décembre, alors que la veille, les fidèles chrétiens venaient de célébrer la naissance de Jésus-Christ, un autre «prince de la paix». La nouvelle est tombée comme une douche froide sur la nation Arc-en-ciel, qui perd ainsi une deuxième couleur, après la disparition, le 5 décembre 2013, de Nelson Mandela, figure emblématique de la lutte contre l’apartheid, perd une autre figure emblématique de la lutte contre l’apartheid. Funeste mois de décembre pour les icônes de la lutte anti-apartheid! S’il a été de tous les combats, pour faire de la dignité humaine, même des membres de la communauté LGBTQ, une réalité, tant dans son pays que dans le reste du monde, Desmond Tutu a surtout creusé les sillons de la réconciliation nationale dans une Afrique du Sud que la haine raciale avait dépecée en mille morceaux.
Certes, la tâche n’était pas l’une des plus aisées, mais l’humour et le charisme du défenseur des opprimés ont opéré, peut-être pas le miracle escompté, mais favorisé l’avènement de la nation arc-en-ciel, sortie des cendres, malheureusement, encore fumantes de la ségrégation raciale qui est un monstre à la peau dure. Même au-delà des frontières sud-africaines, le format conférence nationale dirigée par un homme de Dieu a essaimé en République démocratique du Congo, au Bénin, ou encore au Togo, pour ne citer que ces pays, certes avec des fortunes diverses. Ce qui est certain, c’est auréolé du prix Nobel de la paix qui lui a été décerné à juste titre depuis 1984 pour son engagement infaillible, bible en main, vérité aux lèvres, que l’archevêque du Cap, a poursuivi sa mission de rassembleur, transformant l’église plus en un réceptacle de personnes aux origines, couleurs et cultures différentes, qu’en un simple lieu de prières et de spiritualité.
La petite silhouette au visage jovial du réconciliateur devant l’Eternel, était devenue si familière dans toutes les chaumières, surtout dans les ghettos, que l’homme à la soutane pourpre était devenu comme un immortel. Hélas! Desmond Tutu, et comme avant lui, Nelson Mandela, quitte le navire sud-africain qui est toujours à la merci de tempêtes qui ont pour noms, criminalité, sida, prostitution, chômage, et guéguerres fratricides entre des leaders politiques, naguère unis, contre l’ennemi commun qu’était la politique divisionniste de l’apartheid. Plus que jamais, l’Afrique du Sud, ballottée par toutes ces adversités, auxquelles s’est joint le Covid-19, notamment son dernier invité surprise, le variant Omicron, aura besoin de l’esprit rassembleur et tolérant de Desmond Tutu pour échapper aux bourrasques politico-socio-économiques et mériter véritablement ce statut de géant du continent qu’elle réclame.
En tout cas, comme l’a dit l’autre, «les morts ne sont vraiment morts que lorsque les vivants les ont oubliés». «The Arch», les tiens ne t’oublieront pas! Et surtout qu’en Afrique, «les morts ne sont pas morts», Desmond Tutu, pour en emprunter au poète Birago Diop, est dans le feu qui s’éteint, dans le rocher qui geint, dans les herbes qui pleurent, dans la forêt, ils dans la demeure…
Par Wakat Séra