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Morts pour la France: «c’est bon mais c’est pas arrivé»!

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Combien étaient-ils à mourir au camp de Thiaroye ce 1er décembre 1944? (Ph. d'illustration La Nouvelle Tribune)

Ils sont quatre Sénégalais, un Ivoirien et un soldat de la Haute-Volta, notre pays aujourd’hui Burkina Faso, à être reconnus «morts pour la France». Ils faisaient partie de ces combattants africains, appelés , tous, à l’époque «Tirailleurs sénégalais», alors qu’ils venaient de presque toutes les colonies françaises du continent noir. Mais ceux sur qui les projecteurs de l’actualité sont braqués aujourd’hui, sont ceux qui, après avoir offert leurs poitrines aux balles ennemies pour sauver nos ancêtres les Gaulois, entre 1940 et 1944, ont été massacrés, le 1er décembre 1944, sur ordre d’officiers français. C’était l’épisode tragique du camp de Thiaroye. Combien étaient-ils de tués, alors qu’ils ne réclamaient que des droits, leurs droits légitimes, s’opposant fermement à ce que le montant des indemnités qui leur étaient dues soit divisé par deux? Combien donc étaient-ils exactement? 35 ou 70 comme l’ont révélé des documents militaires français? 191 ou plusieurs centaines, selon les chiffres avancés par des historiens? En tout cas, le nombre juste continue de faire l’objet d’une polémique qui enfle toujours, lorsque ce drame est évoqué.

En attendant que tous les «Morts pour la France» soient comptabilisés avec exactitude, ou tout au moins dans une fourchette proche de la réalité,  afin de permettre à toutes les familles des victimes de faire le deuil des leurs, il faut saluer ce pas important de la France de reconnaître cette tache noire et indélébile de son histoire, et de l’Histoire, avec grand H comme on le dit trivialement. Comme l’a précisé l’Elysée, il faut que «nous regardions notre histoire en face». D’où la nécessité, de prendre Emmanuel Macron au mot, et placer la France face à ses responsabiltés et son devoir de mémoire, afin que cette reconnaissance ne soit pas un simple coup d’éclat de diplomatie mémorielle, à l’approche des 80 ans du Débarquement de Provence, commémoration jumelle du 80e triste anniversaire de «Thiaroye 44». La France, si elle a décidé de franchir le pas, doit pouvoir aller jusqu’au bout de son initiative, surtout en ces temps de changement de paradigme dans les relations entre elle et les pays africains. Car c’est bien toute l’Afrique de l’ouest, et même plus, qui a servi de réservoir inépuisable, où l’ancien colonisateur a puisé, à satiété, les «Tirailleurs sénégalais» ou «Tirailleurs africains», pour coller davantage à la réalité.

Faut-il, pour autant ruer dans les brancards, chaque fois qu’il s’agit de la France, même lorsque celle-ci, lentement mais sûrement, est en train de rétablir la vérité de l’histoire? Cette reconnaissance qui, même si elle est politique, entre dans un ensemble d’actions qui, pour la réhabilitation de la mémoire des «Tirailleurs africains», consolide, de façon générale, la rupture avec les temps coloniaux et néo-coloniaux. Et si on essayait de faire mentir cet autre Sénégalais, l’ancien président et écrivain, Léopold Sédar Senghor, pour qui «l’émotion est nègre comme la raison est hellène»? Les temps du paternalisme français sont révolus, et Paris aura fait preuve d’une myopie suicidaire pour elle, si elle ne change pas de logiciel en ce qui concerne ses relations avec l’Afrique. La France est consciente que plus aucune erreur ne lui sera concédée sur ce plan. Il faut donc saluer à sa juste mesure, cette reconnaissance pour les «Morts pour la France» et continuer, dans le dialogue, à l’étendre à tous les vaillants «Tirailleurs sénégalais».

Mieux vaut tard que jamais, dit le dicton! Et il faut que les réparations financières suivent dans la lancée de ce mea culpa français, car, comme l’a chanté le Congolais Zao, «moi pas besoin galon, zoutez moi du riz»!

Par Wakat Séra