«J’ai mis trois jours pour avoir mes moutons sur le marché et à quelque deux jours de la fête, je n’arrive toujours pas à les revendre. Je suis chef de famille, père de trois enfants. Je vais leur dire quoi», se lamente Adama Konfé, commerçant au marché de bétail de Kilwin situé dans le Nord de la capitale burkinabè. Comme lui, beaucoup d’autres commerçants se plaignent de la morosité du marché alors que les clients, qui se font rares, déplorent les prix «élevés» des bêtes, a constaté une équipe de Wakat Séra, dans la matinée du lundi 26 juin 2023, dans ledit marché.
A deux jours de la Tabaski au Burkina Faso, c’est la dernière ligne droite pour les commerçants, préoccupés à vendre leurs animaux, et les clients à la recherche de leur mouton de fête. Leurs cibles, ce sont les marchés à bétail qui ne désemplissent pas dans ces derniers instants avant la fête.
Au marché de Kilwin, situé sur la route nationale n°2, route de Ouahigouya, dans le Nord de Ouagadougou, l’ambiance était au comble dans la matinée du lundi 26 juin 2023. Les abords du marché étaient occupés par les commerçants, des vendeurs de moutons pour la plupart, rendant la circulation moins fluide en ces lieux. A l’intérieur, c’était le comble. Difficile de se frayer un passage. Tous les espaces étaient quasiment occupés par les animaux et certains étaient nourris par leurs propriétaires.
Cette forte présence des animaux contrastait, cependant, avec celle des clients qui se comptaient du bout des doigts au grand dam des commerçants. «Le marché n’est pas bon», peste Abel Ouédraogo qui vend, avec une équipe, un troupeau de moutons. Leurs prix vont de 175 000 à 300 000 FCFA, selon M. Ouédraogo. «Pourtant c’est aujourd’hui et demain qu’on espère pouvoir vendre», note-t-il espérant que «d’ici 15h, les clients vont se présenter».
Adama Konfe, lui, est un revendeur de moutons au marché de Kilwin. Il dit avoir acheté ses 10 moutons à Yilou, une localité du département de Guibaré, dans la province du Bam, région du Centre-Nord, entre 50, 55 et 60 000 FCFA. Mais M. Konfé, selon ses confidences, a du mal à écouler sa marchandise. En effet, il propose de vendre ses moutons à un client au prix unitaire de 60 000 FCFA. Ce qui ne serait pas du goût de son acheteur.
«J’ai mis trois jours pour avoir mes moutons sur le marché et à quelque deux jours de la fête, je n’arrive toujours pas à les revendre. Je suis chef de famille, père de trois enfants. Je vais leur dire quoi?», s’inquiète Adama Konfé. «L’année passée, j’avais plus de moutons, mais j’en avais déjà vendu beaucoup plus à ce stade. Cette année, il n’y pas d’argent et les moutons on en trouve difficilement», ajoute-t-il, impuissant.
Abdoul Aziz Rouamba, venu vendre les cinq moutons de son frère, déplore également la morosité du marché. «C’est difficile, il n’y a pas de marché», soupire-t-il. Les prix de ces moutons sont fixés entre 140 et 150 000 FCFA. Il explique que ces animaux ont été achetés à trois mois de la fête. «Il fallait donc les entretenir, les nourrir, les soigner. Cela implique des dépenses», affirme M. Rouamba, justifiant ainsi les coûts de ses moutons.
Si les commerçants se désolent du peu d’affluence sur leur marché, les clients, eux, crient à la cherté des prix des moutons. «C’est quel marché ça?», se plaint Amadou Sawadogo, qui confie avoir acheté un mouton à 100 000 FCFA. «C’est parce que le vendeur et moi, nous nous connaissons très bien, sinon on ne peut pas avoir ce mouton à ce prix», précise M. Sawadogo. «Comme on veut fêter, on est obligé d’acheter le mouton, sinon ce n’est pas simple», indique-t-il.
Aboubacar Valean, un autre client, a aussi eu son mouton de fête, mais à 95 000 FCFA. Il crie aux prix chers. «Tu vois un petit mouton, mais très cher où on te parle d’au moins 175 000 FCA. Le problème, c’est que les gens n’ont pas l’argent», déclare-t-il. Mais il dit ne pas s’en vouloir aux commerçants, expliquant que c’est la situation du pays qui, elle-même, est compliquée.
Les commerçants dans leur majorité, confient que les moutons se trouvent difficilement sur le marché, dans les zones d’approvisionnement. Cette situation, à en croire leurs explications, est liée à la situation sécuritaire délétère du pays qui a rendu certaines localités d’approvisionnement inaccessibles, notamment dans le Sahel. «On part acheter les moutons à Pouytenga, (dans la province du Kouritenga, région du Centre-Est). Mais comme c’est quasiment le seul endroit, les prix sont chers», confie Abel Ouédraogo.
Des éleveurs ont aussi haussé le ton demandant aux autorités de les aider dans leur activité. «On se plaint que les prix des animaux sont élevés. Mais on oublie que les aliments pour les nourrir sont aussi chers», fait remarquer Clément Tapsoba. Il a confié que le petit sac de son (un peu plus de 50 kg) se vend à 7 500 FCFA et celui de 100 kg à 13 000 FCA. «Il faut qu’ils nous aident en diminuant les prix de ce produit indispensable pour l’alimentation des animaux», a plaidé M. Tapsoba.
La Tabaski, elle, sera célébrée le mercredi 28 juin 2023, au Burkina Faso, selon une annonce de la Fédération des associations islamiques du Burkina (FAIB).
Par Siaka CISSE