C’est, dans une ville fantôme de Maputo que le nouveau président du Front de libération du Mozambique (Frelimo), Daniel Chapo, prendra, officiellement possession du fauteuil suprême, ce lundi 15 janvier. La faute à l’opposition, emmenée par Venancio Mondlane du Podemos, qui, déclaré candidat malheureux à la présidentielle du 9 octobre 2024, a engagé une protestation avant même la proclamation des résultats des élections. C’est dans cette logique que l’opposant a décrété trois jours de paralysie totale d’un pays, déjà bien secoué par plus de deux mois de manifestations meurtrières, suite à la victoire contestée du candidat du parti au pouvoir depuis 1975, année d’accession à la souveraineté internationale du Mozambique. Rentré de son exil, l’opposant ne compte visiblement laisser le moindre répit aux nouveaux dirigeants issus d’élections générales dont il a affirmé ne jamais reconnaître le verdict, parce que marquées d’irrégularités. Le contexte national est largement favorable à Venancio Mondlane, dans un contexte national dominé par l’aspiration des Mozambicains au changement. Entre les dégâts du cyclone Chido, l’évasion de 1500 détenus, et une protestation qui s’étire, et pour laquelle les protagonistes ne semblent pas trouver un terrain d’entente, quelle sera la marge de manœuvre de Daniel Chapo, après son investiture dans l’indifférence totale des populations?
Face à la contestation, le Frelimo, dont les populations sont lassées du pouvoir sans fin, pliera-t-il? Rien n’est moins sûr, car, à défaut de pouvoir instaurer un dialogue avec les contestataires, qui sont à la troisième journée de l’opération «Mozambique mort», bien suivi, le pouvoir pourra toujours compter sur les forces de l’ordre qui s’illustrent fort bien, dans la chasse aux manifestants. De plus, le Frelimo misera, certainement, sur un essoufflement du mouvement de contestation qui, pourtant, trouve chaque fois, le second souffle pour se relancer et exiger, avec force et détermination, l’alternance. Le challenge ne sera donc pas des plus faciles, ni pour le nouveau président de la république du Mozambique, ni pour les nouveaux occupants de l’Assemblée nationale aux couleurs du Frelimo, eux qui ont prêté serment sans public, car rejetés également, paradoxe des paradoxes, par le peuple, qu’ils sont censés représenter. Daniel Chapo, à moins qu’un modus vivendi soit trouvé avec ses opposants, et le peuple qui en a marre du pouvoir ad vitam aeternam du Frelimo, n’aura pas la tâche facile à l’intérieur de son pays, même si hors des frontières, le Frelimo peut s’adosser au soutien des pouvoirs issus de mouvements de libération sud-africains ou zimbabwéens.
Jusqu’où ira donc le Frelimo pour garder la main, dans un pays où son pouvoir ne fait plus recette, notamment auprès d’une jeunesse désabusée, confrontée au manque d’emploi, à une économie exsangue et à la vie chère, et guettée par un avenir sans perspective réelle? Le Frelimo finira-t-il par lâcher du lest pour répondre à la volonté du peuple qui, selon l’ADN de la démocratie, est le véritable détenteur du pouvoir? Le Frelimo acceptera-t-il, ou sera-t-il contraint, d’une manière ou d’une autre, à partager le pouvoir avec son opposition, à défaut de quitter les affaires? Qui pourra trouver les solutions à cette équation à plusieurs inconnues? Tout porte à croire que chaque partie est campée sur sa position, prête à tirer la corde, jusqu’à la casser!
En attendant, Daniel Chapo recevra les félicitations de ses pairs qui, au mépris des souffrances et du désarroi du peuple mozambicain, sont aptes à défendre, jusqu’au bout, les intérêts du fameux syndicat des chefs d’Etat! Ainsi va l’Afrique des élections et des longs règnes!
Par Wakat Séra