Un jeudi sanglant selon certains, noir pour d’autres, mais particulièrement meurtrier pour tous. Le Tchad, puisque c’est dans ce pays en pleine transition et à peine sorti du Dialogue national inclusif souverain (DNIS), qu’une manifestation interdite par les autorités a été réprimée sans ménagement par les forces de l’ordre. La comptabilité macabre officielle de cette protestation à l’initiative de l’opposition contre la prolongation du mandat du général Mahamat Idriss Deby Itno comme président de la transition est lourde de 50 morts que complètent au moins 300 blessés. De source proche de l’opposition une centaine de personnes auraient été tuées par l’usage de balles réelles par les forces de l’ordre. Les condamnations des mouvements de défense des droits de l’homme, de l’Union africaine, de l’Union européenne, de la république française et d’autres pays à l’international, ne se sont pas fait attendre.
Après le «Jeudi noir» au Tchad
Mais ces condamnations de la communauté internationale ont-elles seulement reçu écho favorable à Ndjamena, où le gouvernement continue de tenir pour responsables les opposants qui seraient en train de monter une insurrection populaire, accusation qui justifie la chasse à l’homme engagée contre des leaders politiques et des manifestants? Rien n’est moins sûr! Des centaines de personnes auraient subi des «déportations» vers des destinations inconnues. C’est dire que le calme qui règne à Ndjamena, Moundu, Koumra et Doba, épicentres des événements meurtriers de ce jeudi 20, est d’une précarité certaine et pourrait bien n’être que celui qui précède la tempête. Les généraux au pouvoir n’entendent visiblement pas passer la main de sitôt à des civils qui eux sont pressés que le Tchad respire enfin le doux parfum de la démocratie. Dans cette atmosphère délétère, que peut bien la Communauté économiques des Etats de l’Afrique centrale (CEEAC) dont le président de la Commission, Gilberto da Piedade Verissimo séjourne depuis ce samedi à Ndjamena où elle doit certainement entendre de plus près les sifflements de la cocotte-minute?
Sankara revient
A Ouagadougou où la transition a un nouveau maître en la personne du capitaine Ibrahim Traoré, investi par le Conseil constitutionnel ce vendredi 21 octobre après le deuxième coup d’Etat militaire du Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration (MPSR), c’est comme un air de résurrection d’un autre capitaine et de sa révolution qui souffle sur le Burkina Faso. En effet, si le nouveau patron de la transition suscite de l’admiration et de l’espoir de la part de Burkinabè meurtris par les attaques terroristes sans fin, c’est bien à cause de ce clin d’œil que leur ont fait la nature. Car, comme Thomas Sankara, le père de la révolution burkinabè et héros de la jeunesse africaine, «Ibra» comme on appelle affectueusement le président de la transition, arrive au pouvoir à la suite d’un putsch militaire, jeune et fringant capitaine, âgé de 34 ans. Et comme si cela ne suffisait pas, pour prolonger les similitudes avec le supplicié du 15 octobre 1987, le capitaine Ibrahim Traoré à sorti de son béret rouge, ce 21 octobre, un Premier ministre qui ne jure que pas Thomas Sankara.
Un PM, avocat et révolutionnaire
Me Apollinaire Joachim Kyélem de Tambèla, l Premier ministre du capitaine Ibrahim Traoré, annonce déjà les couleurs de la rigueur et de l’austérité à la Sankara. Florilège: les salaires du président et des ministres-qui seront moins de 25- seront revus à la baisse. «On ne peut pas développer le Burkina Faso en dehors de la ligne tracée par Thomas Sankara (…) Nous devons consommer ce que nous produisons (…)». Ainsi parla le PM selon qui, «peu importe le partenaire avec lequel nous allons travailler, il devra nous respecter». En tout cas, Me Apollinaire Kyélem de Tambèla, loin de faire de la Russie un pays partenaire privilégié, comme ailleurs et selon la volonté de certains au Burkina, la met sur le même panier de partenariat que d’autres pays dont la France. C’était d’ailleurs sa position, même avant sa nomination. «(…) je suis pour la diversification mais pas pour le départ de X ou de Y; ce qu’il faut c’est la banalisation de notre partenariat avec la France pour qu’elle ne soit pas dominatrice. Aller avec la Russie, c’est un exemple de diversification de nos partenaires; pour autant, il ne faut pas aller se lier à la Russie et brimer nos intérêts. La Russie est plus exploiteuse que la France (…)». Le PM l’avait dit dans un entretien accordé à nos confrères de L’Observateur Paalga.
Mamady Doumbouya s’aligne sur la CEDEAO
A Conakry, la junte militaire au pouvoir, elle, s’est pliée au délai de 24 mois de transition, le tarif fixé aux putschistes par la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (CEDEAO) alors que le colonel Mamady Doumbouya et ses lieutenants étaient partis sur une durée de 3 ans. Qu’est-ce qui a bien pu ramener à la raison, les nouveaux hommes forts de Conakry engagés dans une prédation des droits de l’homme et une chasse ouverte contre les anciens opposants du président déchu Alpha Condé et les leaders du Front national de défense de la constitution (FNDC)? D’ailleurs, sous leur court règne, la Guinée a déjà connu plusieurs manifestations réprimées dans le sang et ayant endeuillé nombre de familles. Après avoir accepté le délai de la CEDEAO pour aller à des élections ouvertes afin de rendre le pouvoir au civil, il reste juste à la junte militaire dirigée par le Comité national du rassemblement pour le développement (CNRD) du colonel Mamady Doumbouya, de desserrer l’étau autour de ceux qu’il considère comme des ennemis parce qu’ils sont une voix contradictoire à la sienne.
Il est temps pour la Guinée de rassembler tous ses fils et filles autour de son développement. Du reste, c’est ce que prône le CNRD! Mais, de toute apparence, juste à travers son nom de baptême!
Par Wakat Séra