La poussée de fièvre entre la France et le Niger ne fait que monter. Et cela depuis le 26 juillet à la faveur du coup d’Etat perpétré par le général Abdourahamane Tiani qui a déposé le président démocratiquement élu Mohamed Bazoum. Ce dernier, malgré les conditions drastiques dans lesquelles lui et sa famille sont détenues, a refusé de signer tout document de démission. C’est dans cette logique qu’Emmanuel Macron qui continue de le considérer comme l’interlocuteur légitime, campe sur sa position de ne discuter qu’avec le chef de l’Etat toujours retenu dans ce qui lui servait de palais présidentiel et est devenu sa prison du jour au lendemain.
Sauf que les hommes en kaki, nouveaux maîtres de Niamey, ne veulent plus entendre parler des injonctions paternalistes et hautaines de Jupiter qui, depuis l’Elysée est persuadé qu’il fait œuvre utile en cherchant à maintenir en vie, vaille que vaille la démocratie au Niger et reste persuadé que la lutte qu’il mène contre le terrorisme dans le Sahel, avec ses quelque 1500 «boys», ne pouvait ainsi être écourtée.
Convaincue du contraire, car disant ne pas transiger sur la souveraineté du Niger, la junte militaire avait dénoncé les accords militaires liant le pays à la France et déclaré l’ambassadeur français persona non grata sur le territoire national. Désormais, le bras-de-fer qui oppose Niamey et Paris, sur les accords militaires et le sort du diplomate français a visiblement pris fin. En effet, Macron, la situation devenant «intenable» pour son représentant à Niamey, a fini par rappeler Sylvain Itté, qui est devenu un simple citoyen français dans un guêpier nigérien, son immunité diplomatique ayant été levée par les putschistes.
Dans la foulée de ce que certains considèrent comme une abdication et une reculade, mais qui peut être aussi vu sous le prisme de l’apaisement, le président français a annoncé la fin du partenariat militaire avec la junte. Une décision qui est synonyme du retrait, total d‘ici la fin de l’année, des troupes françaises qui ont été accueillies par le Niger, lorsqu’elles ont été poussées hors du Mali par le colonel Assimi Goïta et son gouvernement de transition.
Tout est bien qui finit bien, pourrait-on dire, si le Niger qui a rouvert son espace aérien à tous les autres vols commerciaux nationaux et internationaux ne l’interdit qu’aux avions français et ceux affrétés par la France. Air France est directement ciblée, elle qui, il faut le noter, avait déjà suspendu, début août, la desserte de Ouagadougou et de Bamako jusqu’au 24 septembre et celle du Niger jusqu’à nouvel ordre. Comme s’ils se le rendaient coup pour coup, la France avait également mis fin à la délivrance de visas Schengen dans ses consulats du Burkina, du Mali et du Niger, des pays avec qui les tensions diplomatiques et militaires sont palpables, et même vives.
Il faut noter que le front de la France n’est pas le seul ouvert par la junte militaire nigérienne qui dénonce depuis quelques jours, les «agissements perfides» d’Antonio Guterres, alors que le ministre des Affaires étrangères désigné par le pouvoir kaki de Niamey, n’a pu avoir accès à la tribune de la 78e Assemblée générale des Nations-Unies. S’il est pointé du doigt par le pouvoir Tiani, le secrétaire général de l’ONU s’en défend, renvoyant ses contempteurs au règlement de l’organisation mondiale.
Et chaque jour que Dieu fait, la tempête du désert sahélien soulève un peu plus de sable et beaucoup de poussière qui obscurcissent davantage le ciel des relations avec des membres de la communauté internationale, notamment la France, qui porte le péché originel et visiblement éternel, de l’ancien pays colonisateur. Il est temps, que pour le bonheur des populations qui sont, en réalité, les seules à pâtir de cette crise, qu’un modus vivendi soit trouvé, sans passion et animosité ouvertes, afin que ce qui peut l’être encore soit sauvé.
L’un des acteurs, en l’occurrence Emmanuel Macron pour ne pas le citer, doit se rendre à l’évidence de l’option irréversible du changement de paradigmes et donc se débarrasser, il faut appeler un chat un chat, de cette arrogance et ce paternalisme qui ne sont plus d’actualité. En face, les dirigeants des pays en pleine saison de putschs militaires, ne sont pas non plus obligés de chercher à tout prix l’humiliation de l’adversaire, au nom d’une souveraineté, qui est déjà de fait mais ne peut vivre sans l’apport des voisins et partenaires.
Toutes les crises finissant autour d’une table de négociation, pourquoi ne pas commencer, cette fois-ci par la fin et éviter toute déflagration aux conséquences imprévisibles?
Par Wakat Séra