Dans cet entretien exclusif de Jeune Afrique publié ce jeudi 17 août 2023, soit trois semaines après le coup d’État militaire qui a renversé le président démocratiquement élu, Mohamed Bazoum, l’ancien président nigérien Mahamadou Issoufou sort du silence. «Je demande la libération du président Bazoum et son retour au pouvoir», a répondu clairement l’ex-chef de l’Etat nigérien à nos confrères de JA.
Alors que des rumeurs circulent sur son implication dans ce coup d’Etat perpétré contre celui que tous considèrent comme son alter ego, Mahamadou Issoufou, chose curieuse, n’exige pas mais «demande la libération du président Bazoum et son retour au pouvoir». Que peut cacher cette sortie médiatique de l’ancien président? En tout cas, chacun, surtout ceux qui évoquent, à tort ou à raison, un «jeu trouble de Mahamadou Issoufou» dans l’instigation de ce putsch militaire, en feront leur appréciation.
Mahamadou Issoufou dit avoir accueilli le putsch du 26 juillet dans son pays avec une grande surprise. «Nous avons tous été surpris. C’est très difficile, mais je garde l’espoir d’une sortie de crise pacifique et négociée», a affirmé l’ancien président lorsqu’il lui a été demandé comment il a accueilli le coup d’État et s’il s’inscrivait toujours dans une démarche de médiation avec les militaires qui ont pris le pouvoir.
L’ancien chef de l’Etat a fait savoir à nos confrères que son «exigence n’a jamais varié» pour ce qui est de la «demande de libération du président Mohamed Bazoum et sa restauration dans ses fonctions». Sur les accusations portées contre sa personne et selon lesquelles il aurait été à la manœuvre pour renverser Mohamed Bazoum, il dit avoir «très mal» et se «sent insulté, meurtri dans (son) intelligence».
«Tout cela est archi-faux. Ceux qui propagent ce type de rumeurs sont ceux-là même qui, dès le premier jour, ont cherché à nous diviser, Bazoum et moi. Mais notre amitié a toujours été plus forte que cela. Et puis, posez-vous la question: qu’aurais-je à gagner dans ce scénario? Rien. Qu’aurais-je à perdre? Tout», a-t-il déclaré en réaction à ceux qui pensent qu’il aurait orchestré le coup de force du fait de sa proximité avec certains des officiers militaires, notamment le général Abdourahamane Tiani, qui ont pris le pouvoir par la force. Il faut rappeler que le général Tiani, l’auteur du putsch militaire, était le patron de la garde présidentielle de Mahamadou Issoufou qui l’a légué à son successeur.
Mahamadou Issoufou dit maintenir toujours ses rapports avec le président Mohamed Bazoum. «Nous échangeons chaque jour», a-t-il soutenu. «Il a pourtant été dit et répété que vous lui aviez imposé le maintien du général Abdourahamane Tiani, aujourd’hui chef du Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP), à la tête de la garde présidentielle…», a relancé JA. «Faux. Je n’ai jamais demandé cela, encore moins imposé. Pour la bonne raison que je me suis toujours interdit d’intervenir en faveur ou en défaveur de qui que ce soit», a réagi l’ancien chef d’Etat qui dit se situer dans la même logique que la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao). «Je privilégie la voie de la négociation», a-t-il signifié avant d’indiquer que l’usage de la force toujours agité par l’organisation sous régionale est «l’ultime recours ».
Par Wakat Séra