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Niger: la BOAD vole au secours de la Sonibank avec 82,5 millions $

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(Agence Ecofin) – La BOAD accorde 50 milliards FCFA au Niger pour recapitaliser la Sonibank, banque publique en difficulté. Une opération importante pour préserver la stabilité d’un secteur bancaire nigérien sous haute tension.

C’est une bouffée d’oxygène pour une institution financière fragilisée. La Banque ouest-africaine de développement (BOAD) a approuvé un concours financier de 50 milliards de francs CFA (82,5 millions $) en faveur de l’Etat du Niger. Objectif : stabiliser la Société nigérienne de banque (Sonibank), aujourd’hui au cœur des préoccupations concernant la solidité du système bancaire national.

L’annonce a été faite le 27 mars à Dakar, à l’occasion de la 145e session ordinaire du Conseil d’administration de la BOAD, présidée par Serge Ekué. Cette réunion a permis d’examiner les comptes annuels 2024 de la BOAD, d’évaluer l’état de recouvrement des prêts, mais aussi d’approuver 15 nouvelles opérations de financement, dont ce soutien exceptionnel à la Sonibank.

Une banque en situation critique

Depuis plusieurs mois, la Sonibank traverse une zone de turbulence. Banque publique stratégique du pays, elle représente près de 8 % des actifs du système bancaire nigérien. Mais derrière cette envergure se cachent de profondes difficultés. Selon un rapport récent du Fonds monétaire international (FMI), l’établissement présente un capital négatif équivalent à 0,7 % du produit intérieur brut du pays, soit environ 80 milliards FCFA, un signal alarmant de faillite technique, qui nécessite une recapitalisation urgente.

La banque est également confrontée à des tensions de liquidité persistantes. Elle peine à répondre aux demandes de retrait de ses clients et ne respecte plus plusieurs normes prudentielles fixées au niveau régional par la BCEAO. En cause : l’accumulation d’arriérés de paiement, la hausse des créances douteuses, et la contraction des dépôts liée à la crise politique consécutive au coup d’État de juillet 2023, qui a provoqué l’imposition de sanctions économiques et le gel de certains financements extérieurs.

Réparer une pièce maîtresse du système

Avec cette enveloppe de 50 milliards de francs CFA, la BOAD entend renforcer les fonds propres de la Sonibank, lui redonner les moyens de respecter ses engagements, et lui permettre de poursuivre ses missions de financement de l’économie nationale. Car derrière la recapitalisation d’une banque se joue la stabilité financière de tout un pays.

Dans un contexte de fragilité économique et institutionnelle, où les marges de manœuvre budgétaires sont limitées, la Sonibank n’était plus en mesure d’assurer correctement ses fonctions de crédit, notamment à destination des PME, des collectivités locales ou des opérateurs agricoles.

Un test pour la Sonibank… et pour tout le secteur bancaire nigérien

Cette recapitalisation permettra-t-elle à la Sonibank de se redresser durablement ? Rien n’est moins sûr. Le soutien financier de la BOAD agit comme un filet de sécurité, mais les défis restent nombreux : la banque devra revoir sa gouvernance, assainir la qualité de ses actifs, renforcer ses mécanismes de contrôle interne, et restaurer la confiance des déposants et des investisseurs institutionnels.

Mais au-delà du cas Sonibank, c’est l’ensemble du secteur bancaire nigérien qui traverse une phase délicate. Selon les dernières données du FMI, quatre établissements sur quatorze ne respectent plus les exigences minimales de solvabilité fixées par la BCEAO. Le ratio de prêts non performants (NPL) a dépassé les 24 % du total des crédits, un niveau très supérieur à la moyenne régionale de l’UEMOA. Plusieurs banques sont également en infraction avec les normes de liquidité, certaines ayant même du mal à satisfaire les demandes de retrait en cash.

Ce tableau met en lumière des fragilités structurelles persistantes : une dépendance excessive au financement public, une faible diversification des portefeuilles de crédit, et une exposition croissante aux risques souverains. À cela s’ajoutent les effets de la crise politique post-putsch de 2023, les sanctions régionales, et la fermeture prolongée de la frontière avec le Bénin, qui ont contribué à assécher les dépôts et à fragiliser davantage les institutions financières.

Pour les autorités nigériennes, le défi est donc double : soutenir la stabilisation immédiate des banques les plus exposées, tout en engageant une réforme de fond du secteur, avec un encadrement plus strict, une meilleure supervision et une gouvernance bancable. Car au-delà de la Sonibank, c’est la capacité du pays à maintenir une intermédiation financière efficace qui est en jeu.

Source: Agence Ecofin