«Nous n’avons pas le droit de passer cinq années au pouvoir, il faut être élu pour cela». Déclaration forte d’Abdourahamane Tiani, au cours de deux interviews qu’il a données ce samedi en langues locales Haoussa et Djerma. C’est la première fois que le chef de la junte militaire s’adonnait à cet exercice depuis son coup d’Etat du 26 juillet contre le régime démocratiquement élu de Mohamed Bazoum, que les militaires retiennent toujours, lui et sa famille, dans des conditions peu enviables au palais présidentiel. Eau et nourriture rationnées, électricité coupée, etc., sont le lot du président déchu qui, malgré tout, et pour donner encore la chance à la démocratie de retrouver ses droits.
Celui qui est toujours considéré par la communauté internationale comme chef de l’Etat du Niger refuse, d’ailleurs, de signer cette démission à laquelle les putschistes tiennent dur comme fer, même s’ils s’installent, de plus en plus dans la durée, à travers la mise en place d’institutions et surtout de musèlement du peuple, notamment la confiscation de la liberté d’expression. La journaliste et blogueuse Samira Sabou qui n’a jamais eu sa langue dans la poche face aux dérives des pouvoirs nigériens, vient d’ailleurs de faire les frais de la détermination des nouveaux maîtres kaki du Niger à faire taire toute voix discordante. Elle a été interpellée ce samedi, par des services inconnus, jour même où, le général Tiani justifiait encore un coup d’Etat, au nom du peuple.
«Nous n’avons pas le droit de passer cinq années au pouvoir, il faut être élu pour cela». Le général Tiani semble oublier qu’il est resté, sur plus d’une décennie, au cœur du pourvoir avant de l’arracher par la force. Combien de temps allez-vous donc rester à la tête d’un pays où votre seul programme de gouvernance est la chasse aux Français? Il faut reconnaître que Emmanuel Macron vous facilite bien la tâche par sa politique paternaliste et françafricaine, foncièrement en déphasage avec les nouvelles aspirations d’une bonne partie des Africains. Macron est-il conscient qu’il est le seul responsable de cette humiliation subie par ses militaires et diplomates qu’il a fini par faire voir comme une force d’occupation et des néo colons? Certes, la France peut et doit défendre ses intérêts sur le continent noir, mais pas comme cela se fait depuis des temps immémoriaux au détriment des Africains qui veulent passer désormais à des partenariats «gagnant-gagnant».
Malheureusement, cet entêtement incompréhensible du président français, dénoncé par ses propres concitoyens est largement mis à profit par des putschistes nigériens qui s’en servent et en abusent, pour consolider leur pouvoir usurpé, le sentiment anti-français étant devenu un véritable fonds de commerce pour eux et leurs activistes de service. Au nom de la propagande sur la base de principes souverainistes qui ne consistent, paradoxalement, qu’à quitter la France pour la Russie, le général Tiani et ses hommes sont dans l’incohérence totale.
Le président Mohamed Bazoum dont les putschistes ont précipité la chute, ayant déjà largement diversifié les partenariats économiques et militaires du Niger, avec plusieurs pays comme la Chine, l’Inde, la Turquie, les Etats-Unis, la Belgique, l’Allemagne, la France, et même la Russie, pour ne citer que ceux-là. Mieux, les succès de Mohamed Bazoum, ont été salués dans des discours éloquents par ceux mêmes qui essaient, aujourd’hui, gauchement, de justifier leur acte par la recrudescence des attaques djihadistes.
«Nous n’avons pas le droit de passer cinq années au pouvoir, il faut être élu pour cela». Pourtant, l’expérience a démontré que les transitions dans bien de pays, le Mali pour ne pas en citer un, s’étirent à l’infini. Mieux, le colonel Assimi Goïta et ses affidés auteurs de deux coups d’Etat en moins de 12 mois, se sont taillés une constitution qui…interdit les coups d’Etat, tout en concède la possibilité au chef de la junte de se donner une virginité par les urnes, en troquant le treillis des militaires contre le boubou des civils. Ainsi, le général Abdourahamane Tiani, est conscient qu’il faut être élu pour venir au pouvoir et y «passer cinq années».
Question simple: au lieu de se livrer platement à ce mea culpa qui ne dit pas son nom, pourquoi le général, patron de la garde présidentielle à l’époque, a-t-il préféré prendre le pouvoir par les armes achetées par les contribuables nigériens pour veiller sur cette démocratie qui les a toujours fuis?
Général Tiani, ce coup d’Etat, derrière lequel se cache cette main invisible mais vite découverte, était inutile pour le Niger!
Par Wakat Séra