27 978 bureaux de vote installés sur l’ensemble du territoire national. 25 830 bureaux de vote dont les résultats sont parvenus à la Commission électorale nationale indépendante (CENI). 7 446 556 électeurs inscrits. 4 684 572 Nigériens ont voté, soit 4 591 335 votants et 93 237 sur la liste additive. 197 377 bulletins nuls. 4 487 195 suffrages exprimés valables. 62,91 de taux de participation. Et ce sont ces chiffres égrenés par le président de la CENI, Me Issaka Souna, dans la soirée de ce mardi 23 février, qui ont donné, vainqueur du second tour de l’élection présidentielle du 27 décembre 2020, Mohamed Bazoum, avec 2 501 459 voix, soit 55,85%. Son challenger malheureux, l’opposant Mahamane Ousmane, s’en tire avec le score honorable de 1 985 736 voix, soit 44,25%.
100% de l’appréciation en pourcentage et 100% de l’appréciation en nombre de suffrages exprimés. Ces résultats provisoires, rendus publics par la CENI, attendront d’être validés, par la Cour constitutionnelle, après les recours classiques du candidat perdant. Un perdant qui ne doit pas rougir de son score, mais dont les partisans, mécontents, ont commencé à manifester, dès l’annonce des résultats, brûlant des pneus sur les voies et pillant même des biens privés, dénonçant, ainsi, un vol électoral du camp d’en face. Mais, Mohamed Bazoum n’a pas attendu cette confirmation de l’institution constitutionnelle pour afficher le triptyque qui guidera son actio: patriotisme, loyauté et probité.
Tout est accompli
Tout est accompli. En attendant les résultats définitifs qui sont de l’apanage de la Cour constitutionnelle, le Niger vient de tourner la page de l’élection présidentielle du 27 décembre 2020, avec la tenue, le dimanche 21 février, du second tour. «Félicitations», c’était donc, logiquement, le mot sur toutes les lèvres de militants heureux, qui, masques bien tendus sur le visage, Covid-19 oblige, se jetaient, dans les bras, les uns des autres.
La joie et la satisfaction était à son comble, au siège du Parti nigérien pour la démocratie et le socialisme (PNDS-Tarayya), dont le président, Mohamed Bazoum, vient d’être élu président du Niger, selon les résultats provisoires de cette présidentielle historique. Le successeur de Mahamadou Issoufou, de boubou bleu ciel vêtu, son bonnet rouge traditionnel vissé sur la tête, se fraiera, du reste, difficilement un chemin pour rejoindre l’estrade dressée pour la circonstance, devant l’immeuble rose, pris d’assaut par les dignitaires, militants et sympathisants du PNDS6Tarayya. Il était environ 18h55.
Le combat contre le terrorisme
Ses premiers mots, le croyant devant l’Eternel, les a adressés à Dieu. «Je rends grâce au Tout Puissant de m’avoir confié la charge la plus lourde dont il peut gratifier un homme». Mais, s’il est conscient que la tâche est immense, Mohamed Bazoum, est convaincu qu’il saura, «une fois investi après le jugement de la Cour constitutionnelle», s’appuyer sur sa majorité parlementaire de 129 députés sur les 171 qui siègent à l’Assemblée nationale, pour former son gouvernement qui se mettra au travail de façon immédiate. Le nouveau président a, à cœur, de «consolider» les acquis obtenus par son prédécesseur, Mahamadou Issoufou. Mais pas que, car, il doit «continuer», en prenant à bras le corps, la lutte contre les attaques terroristes qui endeuillent au quotidien le Niger.
«Je mènerai avec méthode et détermination, le combat contre le terrorisme, selon les aspirations du peuple avec qui j’ai séjourné longtemps», a affirmé l’ancien ministre de la Sécurité, qui connaît bien le phénomène. D’ailleurs, il a exprimé une pensée pieuse pour l’agent électoral fauché par une roquette assassine de la nébuleuse islamiste, Boko Haram dans le département de Diffa et les sept agents locaux de la CENI, dont le véhicule, transportant du matériel de vote, a explosé sur un engin improvisé dans le département de Gothèye, situé dans la zone dite des trois frontières que partagent le Niger, le Burkina Faso et le Mali, véritable sanctuaire des djihadistes et autres grands bandits. Et Mohamed Bazoum de s’incliner, alors, devant la mémoire de ces «martyrs de la démocratie», sans oublier «les rescapés de ces deux actes odieux», à qui il a souhaité «prompt rétablissement».
Fier de Mahamadou Issoufou
Le compagnon de route, depuis plus de 30 ans de Mahamadou Issoufou, n’a pas tari d’éloges à l’endroit de celui qui lui transmettra, en principe en Avril prochain, le flambeau présidentiel. «Je remercie le Président Issoufou pour le travail accompli pour le mieux-être des Nigériens. Il est définitivement rentré dans l’histoire et je suis fier des hommages qui lui sont rendus à travers le monde entier». En effet, le Niger est en train de vivre des moments historiques de sa vie démocratique, grâce à Mahamadou Issoufou, qui, arrivé en fin de ses deux quinquennats constitutionnels, a tenu à sa parole donnée, refusant de céder à la tentation du maudit 3è mandat, et de passer la main, donnant ainsi, l’occasion, au Niger, de voir, pour la première fois, un président démocratiquement élu, rendre le pouvoir à un autre président démocratiquement élu.
Le président de tous les Nigériens
«Je suis le président de tous les Nigériens. (…) C’est aussi avec autant d’humilité que je rends hommage au peuple nigérien. Le calme remarquable qui a caractérisé la double campagne électorale de décembre 2020 et de février 2021, malgré les enjeux combinés de scrutins multiples, est la preuve de l’adhésion totale de notre peuple au principe de la dévolution du pouvoir à travers ce mécanisme des élections. C’est aussi la preuve de sa confiance en la CENI qui aura travaillé, comme d’habitude, de façon totalement transparente et inclusive».
Ce pan d’un discours fondateur et rassembleur, comme toutes les autres séquences, a été applaudi à tout rompre par une assistance en liesse. Toute chose qui, loin de griser l’ancien professeur de philosophie qui avance lentement, mais sûrement, vers le fauteuil présidentiel, l’a plutôt poussé, chaque fois, à demander le calme, comme pour dire que le moment est certes à la joie, mais aussi à la réflexion pour trouver les axes nécessaires pour sortir le Niger de la pauvreté, donner du travail à la jeunesse confrontée au chômage et bien entendu lutter contre l’insécurité.
La main tendue à l’opposition
Conscient du fait qu’il aura entre les mains le gouvernail du navire Niger, le nouveau capitaine du bateau, n’entend abandonner aucun de ses concitoyens à quai. Tout en saluant les leaders politiques qui lui ont apporté leur soutien pour cette victoire finale, il leur a réaffirmé sa loyauté pour qu’ensemble, ils oeuvrent pour le mieux-être des Nigériens. «Cela passe, avant tout, (…) de la promotion d’une gouvernance toute d’éthique, en vue notamment de lutter contre la pauvreté, de réhabiliter notre système éducatif, de former les jeunes et de lutter contre le chômage». Un rappel important qui a conduit Mohamed Bazoum à tendre la main à l’opposition dont le rôle ne sera pas des moindres, pour faire vivre le processus démocratique nigérien. «Je voudrais, enfin, féliciter mon challenger, le président Mahamane Ousmane, pour le score remarquable qu’il a réalisé. Connaissant sa sagesse, je voudrais compter sur lui pour créer un nouveau climat entre le pouvoir et l’opposition, mettre fin aux tensions inutiles et nous donner la main sur l’essentiel, par ces temps de grands défis terroristes». La cohésion nationale, facteur fondamental pour vaincre les maux auxquels le Niger est confrontés, vient de trouver son apôtre.
Et les militants du PNDS-Tarayya peuvent exulter et faire la fête toute la nuit.
Par Morin YAMONGBE, Envoyé spécial à Niamey