Une indépendance bien triste! Ce fut le cas pour les férus de la démocratie qui, certains que le Niger tournait le dos aux coups de force, avec le passage de témoin à un chef de l’Etat démocratiquement élu par son prédécesseur lui aussi démocratiquement élu, ont déchanté un peu plus de deux ans après. Un coup de poignard bien regrettable a été planté dans le dos de la démocratie nigérienne, replongeant le pays dans la nuit noire d’incertitudes. Dire que tout se passe à la veille de l’accession à la souveraineté du Niger qui commençait à éloigner de ses terres les terroristes et avait recommencer à bénéficier de la confiance de nombreux partenaires et investisseurs, locaux comme étrangers. Son 63e anniversaire, le pays de Amani Diori l’a célébré alors que le blanc-bleu-rouge russe y flotte de plus en plus lors des manifestations pro-putschistes, signifiant la disparition du bleu-blanc-rouge français, descendu de son mât, au son des «à bas la France» et «à bas la CEDEAO».
L’organisation sous-régionale ayant commis, le seul et unique crime d’avoir pris des sanctions contre les militaires, pour une prise de pouvoir par la force, avec la détention du président Mohamed Bazoum et des membres de sa famille depuis le mercredi 26 juillet. Et toutes les négociations pour que la junte militaire au pouvoir puisse libérer et réinstaller le président Bazoum dans ses fonctions soldées par l’échec, la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest et son président en exercice, le Nigérian Bola Ahmed Tinubu, menacent de passer à la force pour sauver Mohamed Bazoum et restaurer l’Etat de droit. L’ultimatum lancé par la CEDEAO expire ce dimanche! Que va-t-il donc se passer les jours à venir, alors que la CEDEAO, certes déterminée mais consciente de la complexité de l’opération sabre au clair, multiplie les missions en direction des putschistes de Niamey?
En tout cas, le compte à rebours est bien lancé et ne peut être rattrapé que par la dernière chance que représentent l’ancien président nigérian Abdulsalami Abubakar, l’influent Sultan de Sokoto Alhaji Muhammad Sa’ad Abubakar III et le président de la commission de la CEDEAO, Omar Allieu Touray, envoyés à Niamey par Abuja pour faire entendre raison à la junte militaire. Mais la junte militaire dirigée par le général Abderahamane Tiani, n’est visiblement plus prête à faire machine arrière! Les militaires qui annoncent avoir pris le pouvoir au Niger peuvent compter sur le soutien des voisins burkinabè et maliens. Ceux-ci sont prêts à s’aligner aux côtés de la junte, car pour eux, toute velléité belliciste contre leur alliée sera considérée comme «une déclaration de guerre» contre Ouagadougou et Bamako.
Pendant ce temps, les putschistes nigériens multiplient les actions contre l’ancienne colonie et ses symboles: tentative de vandalisme et d’incendie des locaux de la représentation diplomatique, suspension des signaux de RFI et de France 24, et dénonciation des accords de coopération en matière de sécurité et de défense avec la France. Sans oublier que les putschistes, ont mis fin aux fonctions des ambassadeurs du Niger, en France, au Togo, au Nigeria et à Washington. Ce sont les trois dernières décisions prises par la junte militaire, une semaine après leur coup d’Etat, et surtout le jour de la commémoration de l’indépendance, comme pour bien marquer le coup.
Tic tac tic tac! Les aiguilles de l’horloge tournent et attendent un modus vivendi entre les putschistes et leurs supporters et la CEDEAO et les anti-coups d’Etat, pour arrêter ce bruit lancinant qui angoisse tant, même hors des frontières nigériennes. Que va-t-il se passer, si les dernières démarches pacifistes pour ramener l’ordre constitutionnel au Niger ne produisent pas l’effet escompté? La force sera-t-elle mise branle pour vaincre le coup de force? Ce ne sera certainement pas la meilleure des issues à cette crise qui ne fera qu’aggraver la situation du Niger, en ouvrant un grand boulevard au terrorisme et à l’instabilité chronique.
Par Wakat Séra