Emmanuel Macron était en visite au Tchad ce weekend, veille de la Nativité. A N’Djamena, centre névralgique des opérations de la Force Barkhane, le président français a respecté le rituel de repas de Noël avec ses «boys» qui séjournent dans la bande sahélo-saharienne pour contrer la montée des terroristes qui ont fait de cet espace leur Quartier général. Le premier des Français n’a pas manqué non plus d’échanger avec les éléments estoniens, allemands, britanniques ou espagnols, engagés aux côtés de ses soldats dans cette lutte qui n’a jamais baissé d’intensité. Si Emmanuel Macron a eu de longs tête à têtes avec Idriss Deby Itno (IDT) et rencontré la société civile, il n’a pas, officiellement en tout cas, rencontré l’opposition très hostile à son hôte, à qui elle et le peuple reproche sa frilosité à l’alternance et au non respect des droits de l’homme, sans oublier la mal gouvernance. Mais la perfection n’étant pas de ce monde, ce serait sans doute trop en demander à IDT, au pouvoir depuis décembre 1990, d’être en même temps démocrate et général d’armée spécialisée dans la lutte contre le terrorisme. Et c’est ce côté de gendarme du Sahel, les autres pays de la région, notamment le Mali et le Burkina Faso, étant considérés comme ventre mou, que la France privilégie dans ses relations avec Idriss Deby Itno. Du reste, c’est cette même France qui a apporté son appui au chef de l’Etat tchadien dans sa conquête par les armes, du fauteuil dans lequel était assis Hissène Habré qui lui-même avait chassé Goukouni Weddeye.
Dans ce jeu du «tu me tiens, je te tiens par la barbichette» et de quelques infidélités vite gommées par des contrats puant le pétrole, le Tchad et la France ne peuvent être que de solides alliés, ce que les deux présidents se sont ressassé, à longueur de visite. Mais si les déclarations du genre «la France, seul soutien du Sahel contre le terrorisme» venant de Idriss Deby ont l’avantage de flatter l’ego de Emmanuel Macron qui, malmené par les «Gilets jaunes» apprécie bien cette bouffée d’oxygène et cette chaleur du soleil brûlant tchadien, il n’en demeure pas moins que les soldats de la Force Barkhane, tout comme les armées nationales du Sahel n’arrivent pas vraiment à contenir les ardeurs de Boko Haram et autres djihadistes du même acabit. Pour preuve, le Burkina Faso, l’un des cinq pays avec la Mauritanie, le Mali, le Niger et bien entendu le Tchad, demeure sous dans certaines de ces régions, surtout le Nord et l’Est, presque sous coupe réglée de présumés terroristes. Pas plus tard que ce samedi 22 décembre, c’est un sordide cadeau de Noël que ces présumés terroristes ont servi à l’armée du Burkina, en tuant trois et blessant quatre de ces éléments, une fois de plus dans le Far West, pardon dans l’Est burkinabè. Le 20 décembre, soit deux jours avant, dans le Nord burkinabè, ce sont 3 civils, en l’occurrence un conseiller municipal et son fils et le président du comité villageois de développement de Manssifigui, qui ont été enlevés et trucidés par des individus armés. Ces attaques mortelles devenues trop fréquentes, malgré la bravoure des Forces de défense et de Sécurité burkinabè se banalisent pratiquement dans ces zones de l’Est et du Nord qui, si rien n’est fait sont en passe d’échapper à la république.
Pendant ce temps, le G5 Sahel râle. Cette force formée par le Mali, la Mauritanie, le Burkina Faso, le Niger et le Tchad sous la houlette de la France, peine à être opérationnelle, le nerf de la guerre faisant cruellement défaut. Mais comme l’espoir demeure, de voir le bébé marcher de nouveau, en janvier 2019, comme l’a promis le président tchadien, le Sahel n’est peut-être pas perdu. Puisse le Petit Jésus des Chrétiens apporter la paix dans le monde et surtout dans ce Sahel dont le sable est rougi au quotidien du sang des courageux militaires et d’innocents civils.
Par Wakat Séra