Dans cette déclaration, le collectif syndical Confédération générale du Travail du Burkina (CGT-B), en rapport avec le débat autour de l’Impôt unique sur les traitements et salaires (IUTS) « dénonce l’attitude du gouvernement sur la question ».
Camarades militants et militantes ;
Camarades sympathisants et sympathisantes ;
Camarades travailleurs et travailleuses ;
Une fois de plus, depuis l’adoption de la loi de finances gestion 2018 par l’Assemblée Nationale, la question de l’Impôt Unique sur les Traitements et Salaires (IUTS) a fait couler beaucoup d’encre et de salive au niveau de l’opinion publique en général et particulièrement chez les travailleurs du public comme du privé. Faut-il le rappeler, l’UAS a formulé depuis 2014 une revendication relative à la suppression de l’IUTS sur les primes et indemnités servies aux travailleurs du privé et des établissements publics de l’Etat. Aux négociations Gouvernement/Syndicats de 2015, le gouvernement de la transition s’est engagé à « mettre en place, en concertation avec les organisations syndicales, un comité pour examiner la question relative à l’impôt unique sur les traitements et salaires (IUTS) prélevé sur les primes et indemnités servies aux travailleurs du privé et des établissements publics et parapublics de l’Etat et déposer ses résultats d’ici le 11 octobre 2015 afin de régler le problème de justice sociale qui se pose en la matière »
En mai 2016, dans son cahier de doléances, l’UAS a exigé la mise en œuvre des engagements de 2015.
En rappel, dans la loi de finances Gestion 2017, en lieu et place d’une mise en œuvre de cet engagement, le gouvernement a opté d’appliquer aux travailleurs du public l’IUTS sur les primes et indemnités. La justification a consisté à dire que l’Etat a besoin de recettes et que pendant que les travailleurs exigent l’augmentation des rémunérations, il est normal qu’ils contribuent plus au paiement des impôts. En réaction à cette forfaiture, le président de mois des organisations syndicales, a dans son mot à l’ouverture de la rencontre Gouvernement/Syndicats 2016 tenue en janvier 2017, indiqué clairement ceci : « Nous condamnons cette pratique aux antipodes de nos valeurs de dialogue et exigeons de ce fait, une réponse claire et nette du gouvernement sur la question, séance tenante ». En effet, la loi de finances Gestion 2017, en prenant une décision qui est tout à fait le contraire de la revendication des syndicats, piétinait les principes élémentaires du dialogue social et constituait une injure à l’endroit du mouvement syndical.
Et au Premier Ministre Paul Kaba THIEBA de réagir: « Le Premier Ministre, pour sa part, demeure convaincu que lorsqu’une solution commune sera trouvée à un problème, celle-ci aura une meilleure chance de succès d’une part, parce que la solution bénéficiera d’un plus grand soutien et d’autre part, parce qu’elle serait réaliste. ». (Confère FASOZINE.COM DU 24 JANVIER 2017 A 13H52, article écrit par SAWADOGO DESIRE et intitulé : « dialogue social : l’IUTS, point d’achoppement entre le gouvernement et les syndicats. »).
En lien avec cette question, l’UAS a eu une rencontre avec le Premier Ministre Paul Kaba THIEBA le 2 mars 2017 pour lui transmettre la réponse à son allocution du 25 février 2017 contenant les accusations portées contre le mouvement syndical. A l’occasion, l’UAS a indiqué au chef de gouvernement qu’au lieu de s’acharner sur les revenus modestes des travailleurs, le gouvernement ferait mieux de travailler à recouvrer les sommes colossales que lui doivent de nombreuses sociétés et contribuables tels que :
- les restes à recouvrer (RAR) que les entreprises doivent à la DGI et qui s’élevaient à plus de 600 milliards dont plus de 500 milliards dus par les Grandes Entreprises ;
- Plus de 600 milliards de détournements (pertes) mises à nu par les enquêtes parlementaires sur le foncier et dans le secteur minier en 2016 ;
- Les chèques impayés émis par les contribuables à la Douane, aux impôts comme dans d’autres administrations publiques au 31 décembre 2016 qui s’élèvent à une centaine de milliards ;
- Les restes à recouvrer révélés par le rapport d’enquête parlementaire du Conseil National de la Transition (CNT) restés dans les tiroirs ;
- Selon le Président de la commission d’enquête parlementaire sur le foncier, le député Boureima Barry, «pratiquement tous les promoteurs immobiliers ne sont pas à jour. La dette fiscale est estimée à plus de 16 milliards».
- Les évasions fiscales et les exonérations fiscales injustes opérées au niveau des sociétés minières qui ne paient pas d’impôts à la hauteur de leurs productions compte tenu;
- la fraude douanière des motocyclettes qui fait perdre à l’Etat plus de 60 millions de francs par jour (soit plus de 20 milliards dans l’année) ;
- Les prêts indument contractés par des anciens ministres, députés, présidents d’institutions, personnalités morales non encore remboursés et qui s’évaluent en milliards de francs CFA.
- La fraude de la TVA fait perdre à l’Etat des centaines de milliards par an.
- Les redressements fiscaux à la douane comme aux impôts anormalement transigés par l’administration financière et qui ont fait perdre à l’Etat des centaines de milliards FCFA.
Les tergiversations du gouvernement ont conduit l’UAS à inscrire dans le cahier de doléances du 1er mai 2017 la « révision de l’article 57 du code des impôts en vue de l’exonération de l’IUTS sur les primes et indemnités des travailleurs du public, du parapublic et du privé. »
Il importe de noter que la rencontre Gouvernement/Syndicats de 2017 qui devrait examiner le cahier de doléances 2017 n’a pas été convoquée jusque-là.
C’est donc avec indignation que le Collectif Syndical CGT-B constate que la loi de Finance Gestion 2018 a violé, non seulement, une fois de plus les engagements pris par le gouvernement en 2015 et 2016 sur l’exonération de l’IUTS sur les primes et indemnités dans le privé, et pire elle a saccagé le contenu du protocole d’accord Gouvernant-Syndicats du 17 décembre 1991 en réduisant le nombre d’enfants à charge de six (6) à quatre (4) enfants. Par ailleurs, elle a aussi supprimé le conjoint non salarié comme 7e charge, avec par conséquent un taux de réduction d’IUTS maximum à 14% au lieu de 20%.
Comment un gouvernement post-insurrectionnel et post-résistance et l’Assemblée Nationale à majorité MPP peuvent-ils s’entendre pour remettre en cause un protocole d’accord conclu au nom de l’Etat avec les organisations syndicales ? Voilà une preuve de plus de violation des principes élémentaires de la parole donnée sur des conclusions « du dialogue social » !
Ainsi donc, malgré les nombreuses interpellations, le gouvernement choisit de s’attaquer aux couches défavorisées, en se montrant au contraire complaisant envers les acteurs des secteurs à fort potentiel fiscal tels que le foncier, l’or, les télécommunications, les banques, et en banalisant des tas de malversations dans la gestion des biens publics etc.
Quant aux communiqués administratifs diffusés sur cette question, dont le contenu entre autre est: «Le directeur général des impôts a l’honneur d’informer tous les travailleurs du public et du privé ainsi que tous les employeurs que le nouveau Code général des impôts, adopté le 20 décembre 2017 et promulgué par le Chef de l’Etat le 29 décembre 2017 n’a apporté aucune modification …en matière d’IUTS… La seule modification est la réduction d’impôt pour charges de famille… C’est un travail essentiellement technique …» ; le Collectif Syndical CGT-B fait la remarque simple que dans un environnement de dialogue social où règne la bonne foi, avec une législation au service d’un peuple, les notions « Aucune modification » et « la seule modification » ne cohabitent pas. De même, la « technique essentielle » aux ordres du politique sans repère social débouche généralement sur le désastre.
Une telle situation est inacceptable quand on sait que les travailleurs, comme de nombreux simples citoyens honnêtes ploient sous le coup des impôts et taxes sans que la contrepartie pour eux en termes d’infrastructures, de prise en charge des secteurs sociaux ne soit vraiment sensible.
Face à cette situation, le Collectif syndical CGT-B dénonce l’attitude du gouvernement sur la question de l’IUTS. Tout en restant ouvert au dialogue, notre Collectif syndical exige du gouvernement :
- le respect des engagements de 2015 et 2016 sur l’exonération de l’IUTS sur les primes et indemnités dans le privé ;
- le rétablissement du nombre des charges à sept (07) conformément au protocole d’accord du 17 décembre 1991 ; (Confère protocole d’accord du 17 décembre 1991, au point N°2, alinéa 1 ; Protocole signé, pour la délégation Gouvernementale, le Ministre de la Fonction Publique et de la Modernisation de l’Administration, Juliette BONKOUNGOU) ;
- la reprise des discussions sur les questions restées en suspens depuis le début de l’année 2017.
En tout état de cause, le Collectif Syndical CGT-B se dressera toujours contre l’exploitation vile des travailleurs et des populations et se battra pour une gouvernance démocratique et vertueuse, une attente forte des populations, particulièrement depuis l’insurrection populaire et la résistance, des événements majeurs pour l’avènement desquels de nombreux burkinabè ont sacrifié leurs vies !