Ces évènements se déroulent entre le 9 et le 10 janvier d’Accra à Bamako….
Toute la communauté, au grand désarroi des fins et purs panafricanistes assiste à un ping-pong de sanctions et de répliques entre la CEDEAO et le Mali.
Un véritable bras de fer qui met à nu une fois de plus, les discordances sur la construction des états africains et la vision globale d’une Afrique progressiste.
Tant de débats sur l’illégitimité, l’illégalité ou encore sur le caractère de ces sanctions qui balaient en réalité les dessous de cette guerre sans merci entre souverainisme nationaliste et souverainisme sous tutelle régionale ou « internationale ».
Si les Aigles assument aujourd’hui ce qu’on peut qualifier d’autarcie politique, c’est bien en rétrospective fâcheuse de l’histoire des grands « démoncrates » qui sont les porte-étendards de l’illégitimité démocratique avec comme corollaire les maintes violations de constitutions.
Seulement à partir de ce moment-là, la crise de légitimité qui prévaut sur le continent entre transitions militaires et régimes dictatoriaux ou autocrates revêt une interprétation distincte.
En effet, les 1ers seraient motivés par une rectification des dérapages démocratiques et donc prôneraient un nettoyage politique en raison de l’incompétence des politiciens à résoudre les tares sociaux-économiques et politiques d’une part. D’autre part, elles accompagnent le mouvement de ras-le-bol social contre quelques « politi-chiens » qui ont le brassard du népotisme, du despotisme et de l’enrichissement de masse au détriment du peuple presque mourant, en un mot, le brassard du désespoir.
Les 2nds sont contaminés par la fièvre du troisième mandat. Sous le prisme de la déferlante politicienne aux discours démagogiques, ils prônent l’anti-constitutionalité comme principe et font des coups d’États des exceptions à cette règle. Alors même que l’orthodoxie de leurs objectifs ne repose aucunement sur la volonté populaire dans certains cas. Leurs motivations sont pernicieuses et teintées souvent d’immoralités populaires.
C’est donc dans le paradoxe de l’essence même de la démocratie que se pose la question de la gestion de nos états africains et la portée des cycles transitionnels répétitifs sur le continent.
Il serait très facile de gonfler les biceps face aux coups d’états qui rompent avec l’ordre constitutionnel mais dont les motivations obéissent à une aspiration populaire quelques fois majoritaire.
Mais, ne pas baisser “les frocs“ lorsqu’on est en « syndicat de chefs d’États » quand il s’agit aussi de revenir à l’ordre constitutionnel en respectant la norme fondamentale relève là, apparemment d’une certaine ingéniosité humaine.
Au vu de ce qui précède, il n’est donc pas étonnant que là où des intérêts inter-régionaux se mêlent à des politiques néocoloniales économiques et géostratégiques comme c’est le cas au Mali, le conformisme régional est guidé par la politique de la chicote pour montrer la voie règlementaire à suivre.
Au-delà de ces analyses très politico-centrées , le cours de l’histoire nous permet de rappeler que la CEDEAO n’est pas à sa première contradiction et subit une crise d’impopularité issue de ses propres dérapages diplomatiques, politiques et juridiques.
Pour le cas du Mali, elle a peut-être opté pour le choix du « meilleur mal » : celui de punir les coups d’états populaires et de « tolérer » les violations constitutionnelles impopulaires. Ainsi, les dictatures et régimes sous 3e mandats sont placés du bon côté de la balance de la gouvernance démocratique au contraire des coups d’états, considérés comme une forme de contre-démocratie!
Cette dernière hypothèse n’est pas à écarter d’autant plus que sur le dossier malien, la CEDEAO joue ce qui lui reste de crédibilité mais surtout, sa viabilité en tant qu’institution supranationale censée garantir les intérêts des peuples africains car elle ne se serait pas à l’abri d’une dislocation progressive si les résultats de ces sanctions prennent la forme d’un boomerang.
Enfin, il convient de dire que les sorties de crise dans ce cas de figure nécessitent de tenir compte du paramétrage des relations de voisinages et des tendances géopolitiques qui s’offrent au peuple malien.
La complexité et la particularité de cette crise sont des facteurs aggravant l’improductivité de ces sanctions pour le Mali et l’ensemble de la sous-région.
En clair, les africains doivent avoir à l’esprit que le monde et encore plus l’Afrique est dominée par les rapports de forces. Et, le vrai combat pour sortir de la tutelle coloniale telle que scander par le Mali ne devra pas se confondre avec celui qui consolide l’idéal panafricain dans sa globalité.
Tall Madina
≠Colombe Noire
Analyste politique et géostratégique, diplômée en Études Stratégiques, Sécurité et Politique de Défense. Chercheuse sur les questions de terrorisme dans la zone sahélo-saharienne, éditorialiste et écrivaine. Présidente du Mouvement Nouvel Afrique – Nouvelle Génération
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