Des riverains du pont situé dans le Sud de Bassinko, une agglomération à l’extrême Nord de Ouagadougou, sont toujours sous le choc, deux semaines après la mort par noyade de cinq personnes dont un étudiant en médecine. Visage pâle, Seydou Kaboré, mécanicien, installé près du pont où l’étudiant Rasmané Yaméogo a été emporté par l’eau de la pluie abondante tombée dans la nuit du 31 mai au 1er juin dernier, se rappelle avec consternation et amertume, de ce drame. En signe de protestation, les habitants jugeant « inacceptable » la situation, avaient barré la Route nationale 2 (RN2) dans la matinée du samedi 2 juin pour manifester.
Les populations de Bassinko qui avaient exprimé leur colère après le drame survenu le 1er juin, sont toujours sous le choc, après que cinq riverains, selon elles, ont été entrainés mortellement dans le courant de l’eau de la première grosse pluie dans la nuit du 31 mai au 1er juin dernier qui s’est abattue sur la capitale burkinabè. Parmi les cinq personnes décédées à différents niveaux de passages d’eau, figurait un étudiant en septième année de médecine qui devait soutenir le 19 juin prochain. C’était avec amertume et résignation que les populations de Bassinko se retrouvent endeuillées à cause de l’absence de ponts de franchissement et de canalisation d’eau dans leur localité.
Le mécanicien Seydou Kaboré, la trentaine, dit avoir assisté au repêchage du corps du médecin en formation aux abords du pont de franchissement menant à la sortie Sud de Bassinko qui relie cette localité à Boulmiougou, un quartier populaire situé dans l’Ouest de la capitale burkinabè. M. Kaboré, installé à côté du pont où a eu lieu le drame du médecin, dit être parmi les premières personnes à apercevoir la moto et le corps de Rasmané Yaméogo, au lendemain de la forte pluie. « Ce jour-là, nous (riverains) avions été vraiment attristés » quand on a vu le corps de l’étudiant, affirme-t-il la gorge nouée de douleur et le regard hagard sous la commisération de deux vendeuses installées également non loin du lieu drame.
Pour M. Kaboré qui se dit peiné de constater à chaque grosse pluie, le « calvaire » que subissent les riverains du pont qu’il côtoie, les autorités doivent construire des ponts en hauteur, de sorte à pouvoir bien permettre le ruissellement de l’eau. Il note que cette voie est fréquentée par de « nombreux riverains ». Le jeune mécanicien fait même remarquer que « quand il pleut abondamment, les gens de Bassinko ne peuvent pas aller au travail » puisque l’eau envahit le pont et empêche tout passage.
A quelques kilomètres de ce pont, à la sortie Est de Bassinko ralliant le quartier Bissighin, sur une autre passerelle, des habitants disent, aussi, avoir repêché un autre corps qui avait été emporté par l’eau. Ousmane Zongo, conducteur de tricycle confie qu’il s’agit d’un individu qui souffrait de troubles psychiques qui habitait près du cours d’eau. Pour lui, certainement le malheureux a été emporté par l’eau. Il juge l’absence de pont à ce niveau « révoltante ». Comme d’autres riverains, il est aussi formel que l’inaccessibilité de leur agglomération serait la base de « tous leurs malheurs » parce que « si tu ne peux pas sortir de chez toi, tu ne peux entreprendre aucune affaire ».
Mais sur ce canal communément appelé « Pont Bassinko », des travaux de construction sont constatables. Sur place, nous avons constaté la difficulté que surmontent les riverains pour pouvoir traverser le « Pont Bassinko » dont une partie du terrassement a été emportée par l’eau de pluie. A pied, vélos ou motos, une fois arrivée au niveau du pont, les riverains se font aider par des enfants qui se sont organisés en volontaires pour la circonstance afin de donner un coup de main aux passants. Le trajet des véhicules s’arrête à ce niveau puisque leur passage sur la passerelle est impossible.
M. Zongo se demande « souvent si les habitants de Bassinko comptent réellement parmi les Burkinabè » car cela fait plusieurs années que le problème du désenclavement de leur cité demeure sans suite favorable. Ce riverain qui n’arrive pas à dissimuler sa colère face à la situation, interpelle vivement les autorités à se pencher « sérieusement » sur leur préoccupation majeure à savoir l’aménagement de la voie principale qui rallie tous les autres quartiers de Bassinko, c’est-à-dire, la route du « Pont Bassinko ».
Sur les lieux, nous avons rencontré le superviseur du chantier du pont Bassinko, Salif Cissé pour qui les « travaux avancent bien ». Le délai d’exécution de la réalisation de cet ouvrage dont les travaux ont démarré mi-mai, est fixé pour trois mois. « On a déjà épuisé 45 jours mais d’ici les 45 autres jours (restants), le pont sera terminé », se presse-t-il de nous rassurer, l’air souriant. Face à l’amertume des populations de Bassinko, Salif Cissé dit comprendre leur « inquiétude et peine ». Mais contrairement aux habitants, M. Cissé affirme qu’« il n’a pas eu de perte en vie humaine » sur leur pont. Cette même position est partagée par son compagnon qui assistait à notre conversation. Ce dernier qui a requis l’anonymat se dit même étonné d’apprendre qu’il y a eu cinq personnes décédées après la pluie de la nuit du 31 mai au 1er juin.
Pour nos deux interlocuteurs, des habitants de Bassinko « aiment exagérer chaque fois sur des faits malheureux » en vue d’attirer l’attention des autorités et la sympathie des autres Ouagalais pour la prise en compte de leurs préoccupations. Il va même plus loin en laissant entendre que certains résidents « sont très compliqués », expliquant qu’ils « ignorent royalement les consignes » que la société en charge de la réalisation du pont, a donné en vue de permettre une célérité des travaux. Le maire central de Ouagadougou, Armand Roland Pierre Béouindé est passé le lendemain de la pluie du 31 mai au Pont de Bassinko pour visiter le site et les encourager à accélérer le travail, selon le superviseur du chantier.
Dans la famille de l’étudiant en médecine Rasmané Yaméogo où nous nous sommes rendus, l’ambiance qui y régnait témoigne toujours les durs moments que ses membres ont supportés. Adama Yaméogo, frère du défunt, qui nous a reçu, rassure cependant avec une voie emprunte d’amertume, que « les membres de la famille ont le moral haut ». Après nous avoir raconté comment la famille a vécu cette situation, l’Infirmier diplômé d’Etat dit s’en remettre à Dieu face à la situation.
M. Yaméogo a aussi interpellé le gouvernement sur l’impraticabilité des voies et l’inexistence de ponts qui constituent avec le manque d’eau potable, les soucis majeurs des résidents de Bassinko. « C’est vrai, aujourd’hui nous pleurons notre frère, mais c’est aussi une perte pour l’Etat », fait-il remarquer en attirant l’attention des autorités car la dégradation des routes de leur cité « n’épargne personne » en cas de forte pluie.
Après le lancement du programme de construction de 10 000 logements sociaux et économiques en 2007, par l’Etat burkinabè, 1 500 logements étaient prévus à Bassinko, un quartier de l’arrondissement n°8 de Ouagadougou, à la sortie Nord de la capitale. Cependant la viabilisation, notamment le désenclavement de la zone se pose avec acuité.
Par Bernard BOUGOUM