300 millions de locuteurs dans le monde, 300 millions d’âmes pouvant se réclamer de l’espace francophone. C’est fort de ces avancées, peut-être pas énormes comparées à l’ascension vertigineuse de l’anglais, que se tiendra les 11 et 12 octobre à Erevan en Arménie, le XVIIè sommet de l’Organisation internationale de la Francophonie. Cette progression quantitative de la communauté francophone est d’envergure et met surtout en épingle les défis qui se dressent devant ce grand groupe qui est porté par les piliers de la langue, en l’occurrence le français, et la culture. Mais depuis un bon bout de temps, l’Organisation internationale de la Francophonie est de plus en plus présente sur le terrain politique, donnant de la voix contre la mauvaise gouvernance dans le monde, contribuant à la résolution des crises et se donnant surtout pour mission, la promotion de la démocratie et des droits de l’homme. De plus, il y a cette volonté manifeste de l’OIF de se consolider en tant que regroupement d’influence et de créer également une véritable francophonie économique pouvant rivaliser à armes égales avec la Commonwealth. Et pas que, car selon sa secrétaire générale sortante, Michaëlle Jean, qui est toujours dans la course pour sa propre succession, il est plus que prioritaire de faire de la Francophonie, le «quartier numérique». C’est donc clair, l’OIF affiche une détermination de faire de la Francophonie une locomotive qui devra pouvoir tirer les wagons des cinq continents.
Cependant, sans avoir pris du plomb dans l’aile, la Francophonie ne traîne pas moins les pas, la majorité des pays africains qui la composent étant encore incapables d’offrir à leurs populations, souvent le minimum vital. Vivant, pour ne pas dire survivant dans une précarité parfois sans commune mesure, les Africains doivent encore subir les caprices de dirigeants sans vision animés d’intérêts égoïstes et très personnels. Pour ces chefs d’Etat pour qui la médiocratie est le sport national le mieux pratiqué au détriment de l’excellence dans la démocratie, le pouvoir constitue une fin en soi et la présidence à vie l’idéal le mieux partagé. L’éducation, la création d’emploi par la promotion de l’entrepreneuriat privé et la formation des jeunes sont le cadet des soucis de dirigeants qui se complaisent dans des sommets comme ceux de la francophonie. A ces tribunes, par des déclarations fleuves, ils s’érigent en disciples de la paix et se transforment en véritables défenseurs de droits de l’homme alors que croupissent dans leurs geôles de nombreux prisonniers politiques. Face au monde, leurs propos font d’eux des soldats de la démocratie alors que chez eux, ils combattent avec la dernière énergie, la liberté d’expression et le droit pour leurs oppositions d’exister. De ce fait, lorsqu’ils font l’effort surhumain d’organiser des élections, ce sont de véritables parodies de vote que ces dirigeants gagnent souvent par des scores staliniens. L’affaire est toujours pliée pour eux, parfois dès le premier tour, avec pour modus operandi les fichiers électoraux truqués, les «machines à voler», les achats de voix et tout l’arsenal de fraudes massives. Et ironie du sort, ces scandales démocratiques s’opèrent avec la complicité d’organisations, dont les «observateurs internationaux» apportent un blanc-seing à des élections entachées du début à la fin.
Ainsi, le défi est grand pour ce XVIIè sommet, en plus de mieux positionner la langue française, de prendre les décisions, et les bonnes, pour aller davantage vers une francophonie des peuples où il fera mieux vivre pour les 300 millions d’âmes qui ont le français en commun et les valeurs culturelles du «vivre ensemble dans la solidarité, le partage des valeurs humanistes et le respect de la diversité: source de paix et de prospérité pour l’espace francophone». Véritables travaux d’Hercule pour la Rwandaise Louise Mushikiwabo, grande favorite au poste de Secrétaire générale de l’OIF, ou de Michaëlle Jean, si par miracle elle récupère son fauteuil, car elle est toujours officiellement dans la compétition.
Par Wakat Séra