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Origines et adaptation des emprunts de la langue koromfe

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Le koromfe est une des langues autochtones du Burkina Faso. Les Koromba  dont le royaume s’appelait le Lorum utilisent actuellement comme seconde langue le moore ou le fulfulde. Dans cet article, Dr Inoussa Guiré de l’Institut des Sciences des Sociétés (INSS/CNRST) donne des éléments en faveur de la vulgarisation « des résultats d’une analyse faite sur les origines de certaines unités lexicales et des modalités de leur adaptation dans la langue koromfe, afin que cela soit pris en compte dans l’élaboration de certains ouvrages de base, notamment les dictionnaires et lexiques dans cette langue ».

Cet article tient à vulgariser les résultats d’une analyse faite sur les origines de certaines unités lexicales et des modalités de leur adaptation dans la langue koromfe, afin que cela soit pris en compte dans l’élaboration de certains ouvrages de base, notamment les dictionnaires et lexiques dans cette langue.  Il s’agit des mots empruntés à diverses langues, et dont le degré d’intégration n’est pas toujours perçu. Très souvent, lorsqu’on emprunte une notion, il arrive qu’on emprunte la réalité culturelle qui l’accompagne. Mais nous nous limitons dans ce travail à indiquer les origines et à décrire quelques aspects phonologiques et morphologiques des emprunts  pour une prise en compte au niveau de l’application lexicographique

De type Gur nordique de la famille Niger-Congo, le koromfe est une des langues autochtones du Burkina Faso. Dans ses travaux sur la typologie et l’identité des langues gur du Burkina Faso, Alain Delplanque évoque « les peuples qui étaient présents sur le sol burkinabè avant le 14ème siècle, à savoir les Mandé, les Sénoufo, les Bwaba, les Gurunsi et les Koromba » (Delplanque, 2009, p.25). Cette langue deux grandes variantes géographiquement reparties : la variante de l’Est parlée autour d’Aribinda et celle de l’Ouest parlée autour de Mengao. Les locuteurs se nomment eux-mêmes des Koromba et sont appelées “Tellem” par les Dogons, « Foulsé » par les Mossi et en français, et « kurminkoobe » et « deforoobe » par les Peuls. Les Koromba  dont le royaume s’appelait le Lorum utilisent actuellement comme seconde langue le moore ou le fulfulde.

En effet, l’un des tout premiers dictionnaires en koromfe semble sans doute être celui de l’autrichien John Rennison (1986). Dans cette œuvre, s’il est mentionné que certaines entrées lexicales sont des emprunts, mais sans précision des origines, d’autres ne sont pas identifiés comme étant un enrichissement externe. Il nous est paru nécessaire de combler cette lacune en tant que locuteur. Sur un total de 1457 entrées de ce dictionnaire, nous avons identifié près de 300 (292 exactement) entrées  que nous supposons être  des mots étrangers à cette langue.

Démarche méthodologique

Nous avons ensuite collaboré avec plusieurs locuteurs dont le principal est monsieur Harouna SAWADOGO, locuteur natif du koromfe, né en 1964 et est originaire de Bougué, actuellement en service au service de la documentation du ministère en charge de l’Education nationale. Lors de l’analyse, nous avons exploité le logiciel Toolbox contenant les travaux de John R. Rennison, les lexiques et dictionnaires bilingues suivants : lexique dioula-français (Bikaba, 2003), lexique fulfulde – français (Ba et al., 2003), dictionnaire arabe – français (Mitri, 1988), dictionnaire moore- français (Nikiema et al. 1997), dictionnaire zarma- français (Bernard et White-Kaba, 1994).

Résultats

Sur l’ensemble des mots candidats, il ressort que 183 sont issus du moore, soit 63%. Les autres langues d’origines par ordre d’importance numérique sont : l’arabe (15,14 %), le français (12,32 %), le fulfulde (5,28 %), le songhaï (2,48 %) et l’anglais (1,76 %). En effet, en écoutant  parler la langue koromfe variante de Mengao, pour un locuteur du moore, on pourrait être amené à penser à une variante du moore, tant le nombre de mots moore employé dans cette langue semble élevé. . Et bien non, cette une langue à part entière.

Les emprunts d’origine moore

En moore du Yatenga (yaadre), il y a une certaine de voyelle qui fait que la dernière syllabe des mots est ouverte et terminée par une voyelle mi- fermée. Nikiema (2000) souligne que « ce phénomène commande que les voyelles /e/ et /o/ soient transformées en [ɛ] et [ɔ], respectivement après les voyelles ɩ, ʊ et a. » (Nikiema, 2000, p. 223). Pour désigner cette harmonie, Malgoubri (1988) préfère le terme variation libre interne. En passant du yaadre au koromfe, c’est le phénomène contraire ; les lexies de cette langue se terminant par une voyelle mi- ouverte subissent une modification: cette voyelle subit un relèvement de degré d’aperture. Ainsi : /ɛ/ et /e/ deviennent [ɩ], /o/ devient [u].

Exemple :

Yaadre      koromfe        sens

gaarɛ  — gaarɩ              « selle »

gãmbrɛ — gãmbri          « sac spécial pour femme à l’occasion d’un mariage »

kɔ̃ɔ̃drɛ — kɔ̃ɔ̃drɩ   « jaune »

kiparɛ — kiparɩ   « piment »

sɩlaallɛ   — sɩlaalɩ            « hirondelle »

salbrɛ    —saləbrɩ          « bride d’un cheval, mors »

sãm pogrɛ  —sãm pogri    « personne tuée par accident, blessure »

vɛ̃ɛ̃ndɛ   —  vɛ̃ɛ̃ndɩ        « plomb »

On constate également une fermeture du noyau de la dernière syllabe ouverte ; ainsi /ɔ/, /o/ et /ɔ̃/ deviennent

Yaadre      koromfe     sens

bãŋɔ̃    —  bãŋgʊ      « circoncision, excision »

koko:do  —  kɔkɔɔdʊ     « salive »

kargɔ   —  karəgʊ    « moule pour fabriquer les briques »

makɔ   —  makʊ    « case rectangulaire à toiture en bois et en terre »

muko   —  muku      « muet, sourd- muet »

miisgo   —  miisəgu     « galette »

tooko    —  toku      « nid »

Au niveau du passage du singulier au pluriel, les mots empruntés au Yaadre se sont soumis à la flexion grammaticale du koromfe. On a les exemples suivants :

Yaadre      koromfe  (singulier pluriel)     sens

pɛka  — pɛka     —          pɛgsʊ     « gifles »

zaka  — zaka     —          zagsʊ     « cours, concessions »

Pour ce qui est des mots commençant par /r-/ en yaadre et ayant pour variante libre [d-] de façon générale en moore, le koromfe n’admettant cette consonne vibrante [r-] à l’initiale, a préféré sa variante[d-] en empruntant les mots.

Yaadre      koromfe        sens

di:ge —  diigam             « s’approcher »

 ra:ga —  daaga             « marché »

rilge  — diledam           « nourrir »

rulgu — duləgu             « corbeau »

ru:dgʌ — duudgu          « violon indigène »

Les emprunts issus de l’arabe

Pour les mots issus de l’arabe, le koromfe a conservé la lexie arabe et son article. Et le tout forme une lexie intégrée de sorte que ce déterminant n’est plus perçu comme tel mais comme une partie du mot emprunté ; le tout forme un seul lemme auquel le koromfe adjoindra son article [a] pour former un constituant syntaxique nominal. On aura donc [a albasla] « l’oignon ». Ici la première syllabe n’est plus [Bas-] étymologiquement mais plutôt [al-]. Pour ce dernier mot, Rennison (1997) en a déjà évoqué en ces termes: « word-initial vowels are extremely rare in the major word classes (nouns, verbs and adjectives of both types), where they are restricted to loan words […] and occur primarily in loans from Arabic like [albasla] « onion » » (Rennison, 1997, pp.411,412).  ET comme dans son vocabulaire natif, le koromfe n’a pas de syllabe de type VC à l’initiale des lexies , les mots commençant par une voyelle ne se rencontrent que dans les emprunts. Ce sont par exemple : alkamisʌ, alhaali, albasla, arzana, arzɛkɛ, arzumʌ.

 Les consonnes comme [ ɟ, kh, ʃ] n’existent pas en koromfe. Ainsi, une modification s’impose pour les emprunts les contenant ; /al ɟum atu/الجمعة devient [arzuma]. Il y a donc une stratégie de réparation dans cette lexie qui consiste en la modification de la latérale[l] en vibrante [r] et de l’occlusive palatale sonore [ɟ] en fricative alvéolaire sonore [z]. Ainsi /ɟ/ devient [z] dans :

arabe                    koromfe              sens     

[ɟin]جِنَّة  —›           zini                       « génie »

Mais certains emprunts résistent à ce changement. Ce sont.

arabe                    koromfe              sens     

[ha:ɟat] حاجة —    [ha:ɟa]                          « besoin »

 [haɟɟ]  —            [haɟɟɛ]                            « pèlerin »

-[θ ] devient [t] (fortition)et l’article est omis (élision) dans :

arabe                      koromfe              sens 

 [aθalaaθatu]الثّّلاثة —[talaata]                « mardi »

[aliθnajni] الاءثنين  —›       [tɛ̃nɛ ]                 « lundi »

-L’article /al-/ et ses variante /as/ et /a/ sont omis dans les contextes suivants :

arabe                             koromfe      sens 

[al ahad] الءحد        —›   hati            « dimanche »

 [al iθnajni] الاءثنين —›    tɛ̃nɛ             « lundi »

[aθalaaθaau]الثّّلاثاء  —talaata                 « mardi »

 [al arba a :u,] الءربعاء —›         arba           « mercredi »

 [as:abt] السّبت        —›    sibri            « samedi »

 [Kh] aspiré tout comme [q] n’existent pas en koromfe. Face à la contrainte qu’il y a à lexicaliser les emprunts qui les contiennent, la stratégie de réparation adoptée par le système phonologique koromfe a consisté à remplacer ces deux sons inexistants par un son plus proche, la vélaire [k].

arabe          ›              koromfe       sens   

 [alkhami:s]الخميس —›     alkamisa     « jeudi »

[arrizq] الرّزق   —›          arzeke        « richesse »

[waqtun] وقت   —wãŋkati      « temps »

[haqi:qa [ حق   —hakkɛ                   « droit ».

Traitement des voyelles

Comme susmentionné, très souvent le noyau des syllabes médianes tombe en koromfe. De ce fait, certains emprunts subiront ce même phénomène. Aussi, dans certains emprunts /a/ devient [i].

arabe          koromfe      sens

[ka:fir]كافر —›   kifra      « mécréant »

[as:abt] السّبت —›  sibri   « samedi ».

L’emprunt à l’arabe n’a certainement pas été direct quand on sait que c’est l’enseignement du coran qui fut le premier facteur d’islamisation et d’introduction des termes arabes dans nos langues. Ce qui s’est d’ailleurs fait par étape. Les Koromba fortement animistes ont certainement dû apprendre l’islam et les termes arabes soit par les Peuhls, soit par les Moosi. Par nécessité, certaines lexies désignant des notions nouvelles comme « incrédule, musulman » et d’autres, par simple influence des traducteurs, ont été empruntées. Et la forte résonance et les similitudes de la prononciation moore et koromfe des emprunts issus de l’arabe laisse présager que ces emprunts ont dû transiter par le moore. Si nous prenons l’exemple de la lexie arabe [ɟɩ:ba] « poche », elle est connue chez les Peuhls et intégrée sans changement phonétique ni sémantique. Mais chez les Yaadse elle est intégrée et prononcée [zɩ́fɔ̀] et [zefʌ] chez les Koromba de Mengao sans modification sémantique. De même, [muslim]مُسلِم « musulman » est devenu [alsila:me] chez les Peuhls, [mɔ́rɛ̀] chez les Mossi et [mɔrɩ] chez les Koromba.

L’on voit donc que les deux dernières formes moore et koromfe sont plus proches l’une de l’autre. Et les exemples de ce genre sont nombreux. Ce qui permet de dire que la langue de transit pourrait être le moore. Et de ce fait, il est difficile, si l’emprunt n’a pas été étudié dans les langues de transit, de justifier le changement phonétique intervenu depuis l’étymon jusqu’à la forme actuelle dans la langue d’arrivée.

Les emprunts d’origine française

Après le moore et l’arabe, le français, langue de tradition écrite, vient en troisième position comme langue source. Tout comme en français, le ton n’est pas pertinent en koromfe. Il n’y a pas de différence de phonèmes entre les deux langues pouvant compliquer la lexicalisation et nécessiter des réadaptations phonologiques des emprunts d’origine française, d’autant plus que les phonèmes français existent en koromfe. C’est au niveau de la syllabique que se font les adaptations, notamment les harmonies, les insertions et les élisions.

D’abord au niveau des consonnes il y’aura une violation du paramètre interdisant la vibrante [r-] comme attaque de la syllabe initiale. Cette violation n’a pas subi de réparation. Elle permet ainsi d’identifier les nouvelles lexies empruntées par nécessité. Cela constitue selon les visions, un enrichissement ou une dégradation progressive de la langue koromfe. Martinet souligne que « tout peut changer dans une langue » Il précise que « de nouveaux phonèmes, de nouveaux mots, de nouvelles constructions apparaissent tandis que d’anciennes unités et d’anciens tours perdent leur fréquence et tombent dans l’oubli » (Martinet, 1991, p.173). En témoignent les emprunts suivants :

francais     koromfe       sens    

[ʀɛjɔ̃]   —›  rɩỹɔ̃    « rayon »

[ʀadjo]  —›  ragyo          « radio, poste récepteur »

 Les syllabes initiales CCV seront modifiées par l’épenthèse d’une voyelle en CVCV comme réparation de la contrainte interdisant les séquences de consonnes interdites dans cette position. Ainsi :

Français        koromfe             sens    

[plak]   —     palaki                 « plaque (d’immatriculation) »

[kʀavaʃ]  —     kaləwaasa                  « cravache »

[dʀapo]  —     darəpo             « drapeau »

Les [ʃ] et [ʒ] méconnues du koromfe seront remplacées par la fricative alvéolaire [s] :

Français              koromfe      sens    

[ʃu]   —                sʊ               « chou »

[kʀavaʃ]  —                   kaləwaasa  « cravache »

[tɔrʃ]   —               tɔrsa          « torche »

[ʒaʀdɛ̃]  —                     sʌdĩĩŋʌ        « jardin »

Les synthèmes verront leurs syllabes réduites :

Français                        koromfe        sens    

 [lãp elɛctʀik] —            lamptrɩkɩ     « Lampe électrique »

[kaʀt didãtite] —            cardantike            « Carte d’identité »

[lodkolɔɲ]  —›      latkɔlɩ           « l’eau de Cologne »

Au niveau de la syllabe médiane il y’aura l’assourdissement de la labio dentale sonore [v] en [f-] ,de[d] en [t-] ou [p-] :

 

Français                koromfe              sens    

[savɔ̃]    —           safãndi       « savon »

[lodkolɔɲ]  —    latkɔlɩ             « l’eau de Cologne »

[pɔmdtɛʀ]  —    pɔ̃mpәtɛɛri     « pomme de terre »

Il y’a épenthèse de la voyelle haute [-ɩ] comme noyau de la syllabe finale. En rappel la dernière syllabe est toujours ouverte en koromfe alors qu’étymologiquement elle est fermée :

Français                koromfe                         Sens

[lodkolɔɲ]  —   latkɔlɩ                      « l’eau de Cologne »

[pɔmdәtɛʀ]   —   pɔ̃mpәtɛɛri              « pomme de terre »

 [lãp elɛktʀik] —   lamptrɩkɩ    « Lampe électrique »

 [plak]    —          palaki                    « plaque »

[patãt]    —          patanti                  « patente »

[pwɛ̃t]    —          pɔ̃ntɩ                     « pointe »

[sigar]    —           sɩgaarɩ                  « cigarette »

[sykʀ]    —          sɩkarɩ                     « sucre »

Les emprunts d’origine fulfulde

Si l’on compare les phonèmes du fulfulde et ceux du koromfe, on constate qu’il y a une différence. Il y a des phonèmes qui n’existent pas en koromfe ; ce sont les prénasalisées, les implosives (glottales) et la palatale sourde. On aurait alors tendance à s’attendre à une réparation, voire une modification de ces phonèmes étrangers. Mais, parmi les emprunts d’origine fulfulde un seul contient l’occlusive palatale sourde. Cette dernière est remplacée par une vélaire sourde :

Fulfulde               koromfe     sens   

[lacciri]  —                   lakɩrɩ             « sorte de couscous de petit mil »

 A l’initiale des lexies, toutes les syllabes sont de structure CV à l’exception d’une qui est de structure VC. Cette dernière [arkilla] n’obéit pas aux contraintes phonotactiques comme précédemment cité. Elle n’a pas non plus subi de réparation.

En finale, les syllabes étymologiquement fermées sont modifiées en syllabes ouvertes ; il y a eu insertion ou adjonction de voyelle qui conserve l’harmonie:

Fulfulde               koromfe     sens     

[girbal]  —                     gɩrəballɛ    « cuillère »

[kʌmsel]  —                   kʌmseli    « camisole »

Les emprunts d’origine anglaise

Il n’y a que cinq (5) lexies empruntées à l’anglais parmi lesquelles une seule contient des séquences inexistantes en koromfe. Ce sont [tʃ-] et [-æ-]. Elles sont respectivement remplacées par [k] et [a] :

La lexie anglaise matches [mætʃiz] devient en koromfe [maŋkɛ̃sɩ]  « allumettes ». Il y’a une épenthèse de la consonne nasale /N/ qui copie le point d’articulation de la palatale k pour se réaliser [ŋ]. La fricative alvéolaire sonore /z/ s’assourdit et devient [s]. La voyelle antérieure fermée /i/ de la dernière syllabe devient mi-ouverte [ɛ]. Enfin, il y’a l’ouverture de la voyelle de la dernière syllabe par l’adjonction d’une voyelle fermée lâche ɩ.

Quant aux lexies anglaises bicycle /baisikl/ et light /lait/ elles deviennent respectivement en koromfe [baskur] « vélo » et [laita] « torche ». Dans /baisikl/ la diphtongue /ai/ devient [a]. La voyelle fermée et tendue /i/ s’élide et la latérale /l/ devient une vibrante [r]. Dans la lexie [lait] l’adaptation se fait seulement par l’ouverture de la syllabe finale par l’adjonction d’une voyelle basse [a].

Les emprunts d’origine songhaï

Nous n’avons pas une connaissance exacte des phonèmes du songhaï pour procéder à une comparaison. Les modifications apportées ici concernent la phonotactique. En effet, une syllabe entière a été supprimée à l’initiale d’une lexie parce qu’elle était de structure VC qui n’y est pas attestée :

Songhaï               koromfe    Sens

[álbɔ́rɔ̀]       —›     [bɔrɔ]     « homme »

En médiane la vélaire a été dévoisée :

[ka:gɔ]                  —›    [kaka]    « grand père, grand-mère »

Il y’a réduction de la longueur vocalique et assourdissement de la vélaire /k/ en [g]. La voyelle postérieure arrondie /ɔ/ de la syllabe finale devient antérieure non arrondie [a]. Exemples :

/hawaj/         —› [hʌwei]   « tante, témoin de mariage ».

 La voyelle antérieure ouverte /a/ de la syllabe initiale devient postérieure mi ouverte [ʌ] et la semi-voyelle /j/ se vocalise en [i]. Exemple :

/wájme/        —› [woimej]    « soeur ».

Nous pouvons retenir que les mots koromfe d’origine étrangère sont la conséquence du contact que le koromfe a eu avec diverses langues, et principalement le moore. L’intégration phonologique a consisté en l’apparition, la disparition ou la modification d’un son en un autre plus proche dans le système phonologique du koromfe. Sur le plan morphologique, la plupart des mots empruntés étant des notions de désignations d’objets, chaque unité lexicale a servi de base nominale à laquelle s’affixent les modalités nominales conformément à la grammaire du koromfe qui ne connait que la suffixation.

Certains mots ont gardé des dispositions syllabaires non autorisées dans la phonotactique koromfe, gardant ainsi les traces de leur origine et la preuve de l’enrichissement du vocabulaire natif du koromfe. Au niveau sémantique, si certains mots ont gardé leur sens d’origine lors que l’objet est nouveau dans la langue réceptrice, d’autres ont acquis des signifié parfois très éloigné de sa dénotation initiale. Cette évolution sémantique reste cependant moins fréquente que les modifications phonologiques et morphologiques qui sont toujours obligatoires. Quant au nombre d’emprunt par langue, il est proportionnel au degré d’influence  et à l’impact du modernisme que celle-ci a eu sur le koromfe. Ces aspects extralinguistiques ainsi que le sémantisme de ces emprunts feront l’objet du prochain article.

Dr GUIRE Inoussa

Institut des Sciences des Sociétés (INSS/CNRST)

Bibliographie

Ba, Nassirou et Al. (2003).-Dictionnaire de poche bilingue fulfulde- français, 2è version révisée, FGZ-Trading, Ouagadougou,141p.

Bernard, Yves et White-Kaba, Mary (1994). Dictionnaire zarma-français (république du Niger), Niamey, ACCT, 347 p.

Bikaba, Rosalie et Al. (2003).-Dictionnaire de poche bilingue Dioula- français, 2è version révisée, PAEN, FGZ-Trading, Ouagadougou,179 p.

Delplanque, Alain (2009). Identité des langues gur du Burkina Faso, 33 p. https://hal.archives-ouvertes.fr/file/…/Identite_des_langues_gur_du_Burkina_Faso.pdf

Malgoubri, Pierre (1988). –Recherche sur la variation dialectale en mooré, essai dialectométrique, thèse de Doctorat de 3e Cycle, FALSHS, Université de Nice, 313 p.

Martinet, André (1991). –Elément de linguistique générale, Armand Colin, Paris, 221 p.

Mitri, Helias (1988). –Dictionnaire de poche arabe/français , Zaher, Caire , 519 p.

Nikiema, Norbert (2000). – Gradin et harmonie vocaliques en moore , Africa und Übersee, band 83, PP 209-251.

Nikiema, Norbert et Al. (1997). –Dictionnaire orthographique du Moore, Sous-commission du Moore, SOGIF, Ouagadougou, 1303 p.

Rennison, R. John (1986). – Dictionnaire Koromfe (dialecte de Mengao), Buske,Vienne, 276 p.

Rennison, R. John (1997). –Koromfe descriptive grammars, London Routledge , London, 541 p.