Emmanuel Macron est attendu le 27 novembre 2017 à Ouagadougou dans le cadre du renforcement de la coopération entre la France et le Burkina Faso, pays qui vit une situation socio-politique difficile marquée par une économie morose et une fronde sociale tout azimut. Toute chose qui freine plus ou moins l’action gouvernementale et plombe l’activité économique dans la patrie de Thomas Sankara dont la partie nord subit de façon répétée des attaques terroristes depuis 2015.
Le président Macron est annoncé au Burkina Faso où la situation nationale n’est pas sans inquiéter gouvernants et populations. En effet, depuis l’installation du pouvoir du Mouvement du Peuple pour le Progrès (MPP), le parti du président Roch Marc Christian Kaboré, le régime fait face à de multiples remous, sur le plan de la gestion des affaires publiques.
Sur le plan politique, les Burkinabè attendent toujours la nouvelle Constitution dont l’avant-projet a été remis au président Roch Kaboré le 14 novembre 2017 pour amendement, avant son adoption. Au-delà de la loi fondamentale, plusieurs partis de l’opposition, dont le leader, l’Union pour le Progrès et le Changement (UPC), demandent par exemple au gouvernement de se séparer de son ministre d’Etat en charge de la Sécurité intérieure, Simon Compaoré, pour «incompétence».
Depuis l’investiture du président Kaboré (29 décembre 2015), l’opposition n’a de cesse, également, réclamé une «justice équitable» pour tous les détenus, notamment les inculpés dans l’affaire dite du coup d’Etat manqué du 16 septembre 2015 dont les généraux Djibrill Bassolé et Gilbert Diendéré, incarcérés il y a au moins deux ans. Marie Joseph Achille Tapsoba, président intérimaire du Congrès pour la démocratie et le Progrès (CDP), le parti de l’ex-président Blaise Compaoré, a, lors de son passage à la tête de la Coalition pour la démocratie et la réconciliation (CODER), un regroupement des partis politiques de l’ex-majorité, fait de la question de la «justice équitable» son cheval de bataille.
Situation morose, remous et démission
En plus de l’incivisme grandissant et la défiance de l’autorité de l’Etat que vivent les Burkinabè qui décriaient une «mauvaise gestion» des gouvernants, s’est invitée le 26 octobre 2017, le départ volontaire du gouvernement, du ministre de la Culture, des arts et du tourisme, Tahirou Barry. Celui-ci, après avoir déposé sa démission, a fustigé, dans un post sur les réseaux sociaux, le fonctionnement du gouvernement de Paul Kaba Thiéba et de son plan quinquennal de développement, le PNDES (Plan national de développement économique et social), qui ambitionne de mobiliser 18 000 milliards de francs CFA. Si pour M. Barry, le PNDES est un programme «mort-né», il accuse ouvertement «l’inaction» du président Roch Kaboré qui selon lui «est en crise d’imagination».
L’actuel pouvoir fait également face à une fronde sociale sans précédent au Burkina, mécontentement marqué par des revendications souvent spontanées des agents des ministères de la Fonction publique, de la Sécurité, de l’Economie, de la Santé, de l’Education, de l’Enseignement supérieur, de l’Action sociale, de la Communication, des Affaires étrangères, du Commerce et de la Justice, entre autres. Ces manifestations sont, pour la plupart, portées par la puissante Confédération générale des travailleurs du Burkina (CGT-B).
La répétition des grèves dans les administrations publiques ont ralenti et même bloqué le fonctionnement des services publics, toute chose qui a plombé l’activité économique au point de la rendre «morose». Face à l’ébullition du front social, l’ex-président de l’Assemblée nationale, Salifou Diallo, décédé en août dernier, avait, en guise d’encouragement au Premier ministre Paul Kaba Thiéba et son équipe, «salué les efforts du gouvernement pour son esprit d’ouverture et sa volonté de maintenir avec les syndicats un dialogue constant et constructif en vue de créer un climat apaisé». Mais, «le recours intempestif et systématique à la grève qui paralyse le fonctionnement régulier du service public est difficilement compréhensible», avait ajouté, celui qu’on appelait affectueusement «Gorba», lors de la première session ordinaire de l’année 2017 qui a eu lieu le 1er mars.
Plusieurs associations de commerçants dont l’Union des jeunes entrepreneurs du Burkina (UJEB), ont embouché la même trompette pour dénoncer à maintes reprises, les effets collatéraux des grèves intempestives. A la suite des innombrables pertubations d travail au niveau des finances et des impôts, le président de l’UJEB, Honoré Yonli, avait affirmé face à la presse à Ouagadougou que les manifestants devraient revoir leurs manières de faire les grèves car les «arrêts intempestifs, même s’ils sont légitimes au regard du contexte, ont sérieusement plombé l’activité économique et causé d’énormes préjudices aux entrepreneurs». M. Yonli avait même fait remarquer que seule l’administration publique, précisément celle des finances, leur permet d’obtenir les documents légaux. Mais les observations du président de l’UJEB ont-elles rencontré écho favorable? Rien n’est moins sûr car le Groupement des acteurs du petit commerce du Burkina Faso (GAPEC) a, tout récemment, lors d’une conférence presse, pour demandé la démission du ministre en charge du Commerce, Stéphane Sanou, qu’il accuse de «mauvaise gestion».
Et voici les «terroristes»
Devenu une cible privilégiée des attaques terroristes, le Burkina est aujourd’hui, contraint de conquérir sa souveraineté au plan sécuritaire. En effet, avec les multiples attaques d’individus armés identifiés par les autorités comme des terroristes, les populations du nord du pays vivent plus que jamais un niveau d’insécurité élevé qui obligent actuellement certains agents de la Fonction publique, à déserter la zone. De janvier 2016 à nos jours, au titre des attaques terroristes, dont celles emblématiques du café Cappuccino et du café-restaurant Aziz Istanbul, à Ouagadougou, le Burkina a dénombré des dizaines de morts et de nombreux blessés, tant dans les rangs des forces de défense et de sécurité qu’au sein des populations civiles.
Last but not the least, les autorités travaillent également de sorte à maîtriser le zèle des groupes d’autodéfense dits des Koglwéogo, dénoncés par des mouvements de droits de l’homme et certains partis politiques, comme auteurs de dérives sur le champ de la lutte contre l’insécurité. Ces exactions des Koglwéogo sont, du reste, en passe de créer des conflits sociaux, car d’une localité à une autre, les acceptations et les oppositions face à ces groupes d’initiative locale de sécurité varient, selon les cultures.
Par Mathias BAZIE