Propos recueillis par Bruno FANUCCHI
pour AfricaPresse.Paris (APP) @africa_presse
APP – Avec ce Forum, votre pays renoue avec la communauté économique et le monde des affaires ?
Oumarou YUGO – Après le rendez-vous manqué de 2020, lié à la Covid 19 qui a causé des souffrances considérables et des bouleversements sans précédent de l’économie mondiale, la Chambre de Commerce et d’Industrie (CCI) du Burkina organise la tenue, du 19 au 21 octobre prochains, du Forum ouest-africain de développement des entreprises, « Africalllia ».
Sa première édition remonte à 2010 et l’objectif visé par la CCI est d’offrir aux entreprises de notre espace économique de réelles opportunités de se rencontrer, de nouer des relations d’affaires entre elles et avec des entreprises étrangères.
Force est de reconnaître qu’Africallia est devenue l’une des plus importantes manifestations économiques internationales de notre sous-région, grâce à la qualité et au professionnalisme de son organisation et aux retombées positives pour les entreprises participantes.
Depuis dix ans, quelque 3 000 chefs d’entreprise ont participé à nos différentes éditions et les retombées économiques sont indéniables, aussi bien sur les activités de nos entreprises que pour le Burkina et toute la sous-région. Ce Forum a fortement contribué à l’intégration des économies de l’Afrique de l’Ouest, ainsi qu’au développement de nos relations économiques et commerciales avec le reste du monde.
APP – Quelles sont précisément les retombées économiques que vous attendez de cette VIIe édition ?
Oumarou YUGO – Que les entreprises étrangères qui vont venir à Ouagadougou puissent nouer des relations d’affaires avec les entreprises africaines, pouvant se concrétiser soit par de la représentation locale soit par de la coentreprise, ou encore de la prise de participation, afin que se développent nombre de contrats avec l’État ou le secteur privé. Voilà les retombées que nous espérons de ce Forum dont la préparation mobilise toutes nos énergies.
L’objectif de cette édition 2022, qui se déroule dans un contexte sécuritaire particulier, est de réunir au moins 300 chefs d’entreprise d’une quinzaine de pays. Avec un focus sur la diaspora africaine à travers le monde…
APP – Quelles sont les nouveautés de cette année ?
Oumarou YUGO – Nous y avons ajouté, en effet, une Conférence thématique qui portera sur les outils de financement international des projets du secteur privé et des grands projets de l’UEMOA. Ces outils de financement sont souvent ignorés des entreprises locales et l’objectif de cette Conférence est non seulement de le faire savoir, mais également de permettre aux entreprises africaines, comme à toutes celles qui seront présentes, de maîtriser l’instrument pour avoir accès à ces financements.
Pour vous donner un exemple, avec la BOAD, la BIDC et la BAD, on est souvent bloqué pour les financements car on ignore les procédures, les dossiers sont mal ficelés et les contacts auprès de ces institutions bien souvent ignorés. L’objectif de cette Conférence est donc de permettre aux entreprises africaines de mieux maîtriser les instruments et d’acquérir la capacité à lever des fonds.
C’est en effet une grande première. La seconde particularité, c’est qu’en raison de la Covid, une partie de la Conférence se tiendra en visioconférence avec des rencontres BtoB en virtuel car certains pays comme la Chine sont actuellement bloqués et complètement fermés, nous obligeant à nous adapter à cette nouvelle donne.
Le ministre plénipotentiaire et Chargé d’affaires Jean-Claude BAKIONO (à gauche) et Félix SANON, Secrétaire permanent du Forum Africallia, ont participé à la présentation de la VIIe édition. © AM/APP
« Avec 30 milliards de chiffre d’affaires,
notre CCI est l’une des meilleures d’Afrique »
Quelles conséquences a, pour votre pays et l’économie régionale, l’embargo de la CEDEAO contre le Mali ?
Oumarou YUGO – Cela n’arrange personne. Mais, contrairement à l’embargo que subit le Mali depuis janvier dernier et qui a de graves répercussions économiques sur tous les pays voisins, le Burkina ne fait pas l’objet de sanctions de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest. Nous espérons bien d’ailleurs que cet embargo soit levé lors du prochain Sommet de la CEDEAO, le 4 juillet, que nos populations puissent revivre et nos entreprises reprendre leurs échanges. Le slogan d’« Africallia » n’est-il pas : « L’Afrique de l’Ouest ouvre ses portes à votre entreprise » ?
Dans la foulée du Forum « Africallia », se tiendra d’ailleurs sur dix jours, à partir du 28 octobre, le Salon International de l’Artisanat de Ouagadougou (SIAO), qui lui a dû suspendre ses activités avec l’épidémie. C’est une bonne nouvelle pour notre pays.
Quels sont aujourd’hui vos principaux partenaires ?
Oumarou YUGO – Pour l’organisation de ce Forum, citons entre autres la Commission de l’UEMOA, la Chambre de Commerce régionale de l’UEMOA, les ambassades de France, du Royaume Uni et des Pays-Bas, la Conférence permanente des Chambres consulaires africaines et françaises (CPCCAF), la Maison de l’Entreprise du Burkina Faso, dont j’ai l’honneur de présider le Conseil d’administration, et l’Agence burkinabè des investissements.
Nous invitons toutes les institutions et entreprises qui voudraient participer au parrainage de cet important Forum à nous contacter dès à présent. Car le Forum Africallia est une vitrine d’excellence offerte pour la promotion de leurs activités et du secteur privé en général.
La promotion internationale de cette VIIe édition a commencé et nos équipes sont déjà en Tunisie, au Maroc et dans certains pays de l’UEMOA pour y assister les CCI et accroître la participation des entreprises à ce Forum.
Quel est le poids de la CCI du Burkina, que vous représentez ?
Oumarou YUGO – La CCI du Burkina est assurément l’une des meilleures d’Afrique avec plus de 30 milliards de francs CFA de chiffre d’affaires. Ce qui explique que nous avons pas mal de projets de formation, de promotion et d’initiatives que nous pouvons financer sur fonds propres.
Les autres Chambres en sont souvent incapables si elles n’ont pas l’appui de l’État. À Ouaga, c’est l’inverse, c’est nous qui appuyons l’État pour un certain nombre de projets. Avec des sociétés qui se créent ou des événements économiques comme celui-ci et bien d’autres. C’est un avantage comparatif que nous voulons utiliser pour combler le fait que nous sommes un pays enclavé.
Dans un pays de ce type, vous n’avez pas les mêmes facteurs de développement et il faut toujours aller chercher cette plus-value. C’est ce que nous faisons au travers de cet événement. Cela est dû aussi au dynamisme de l’institution et à sa capacité d’auto-financer un certain nombre de projets.
Pour vous donner un exemple : après l’organisation de notre VIe édition en 2019 à Abidjan, en Côte d’Ivoire, nous avons fait la même offre au Sénégal, mais ce pays dû jeter l’éponge car, à Dakar, la Chambre de Commerce est en souffrance. Nous avions pensé aussi au Mali, mais vu le contexte cela paraît bien difficile et nous allons donc négocier avec le Bénin, le Togo ou un autre pays de la sous-région, pour que l’événement garde sa particularité ouest-africaine. Et sauvegarder ainsi notre volonté première de tourner dans la sous-région pour valoriser la culture économique de chacun de nos pays.
Intervention d’un participant à la conférence. Au premier rang, on reconnaît, de gauche à droite : Denis DESCHAMPS, Délégué général de la CPCCAF ; Mme Absatou GARBA KANANA, Attachée commerciale à l’Ambassade du Niger ; Pierre-Élie de ROHAN CHABOT, journaliste Africa Intelligence ; Bruno FANUCCHI, Grand Reporter AfricaPresse.Paris
© AM/APP
« Venir au Burkina cette année,
c’est vraiment lutter contre le terrorisme »
APP – Rappelez-nous comment est née « Africallia »…
Oumarou YUGO – Le Forum « Africallia » est né du Forum « Futurallia », auquel nous participions depuis une dizaine d’années avec à chaque fois 30 à 40 chefs d’entreprise burkinabè. Le Burkina a intégré un jour, avec le Maroc je crois, le conseil d’administration de « Futurallia » qui avait été fondée par Mme Françoise Vilain, la sœur de l’ancien Premier ministre français Jean-Pierre Raffarin, en marge du Futuroscope de Poitiers, et l’idée de créer un événement africain du même genre s’est rapidement imposée.
APP – N’y a-t-il pas cependant quelques risques à se rendre aujourd’hui à Ouagadougou ?
Oumarou YUGO – La meilleure sécurité, c’est celle qui est discrète. Comme l’État est associé à l’événement, les forces de sécurité seront bien évidemment en alerte avec tout un système de patrouilles. Je n’en dirai pas plus, mais la sécurité sera assurée à tous les participants venant à Ouagadougou. C’est un événement économique et j’exhorte à y participer massivement. Car venir à « Africallia » et au Burkina cette année, c’est vraiment lutter contre le djihadisme.
Il faut clairement que le secteur privé et les Chambres de Commerce en général fédèrent toutes les énergies et les bonnes volontés pour faire un pied-de-nez aux djihadistes ! Ils n’arrêteront jamais notre démarche de développement. Dans toute la sous-région, nous sommes obligés de vivre désormais avec ce phénomène du terrorisme qui prendra probablement une ou deux décennies avant de revenir à sa valeur infinitésimale…
Notre CCI a décidé de maintenir Africallia au mois d’octobre pour briser l’image que le Burkina a malheureusement aujourd’hui de « terrorisme et de tueries incessantes ».
Malgré ces événements douloureux qui frappent nos villages et certaines zones, le pays des « hommes intègres » est encore debout et l’économie tourne. Pour donner un ordre d’idées, le secteur privé burkinabé a cotisé l’année dernière à hauteur de 1 500 à 1 600 milliards de francs CFA aux caisses de l’État. Nous sommes donc encore debout et réussir « Africallia », c’est une défiance vis-à-vis de ces acteurs du terrorisme qui veulent détruire notre économie et la vie tout court !
EN SAVOIR PLUS :
www.africallia.com
www.cci.bf
Source: Africapresse.Paris