Il n’y a pas eu de mauvaise surprise vendredi à la Trésorerie régionale du Centre. Comme nous vous l’annoncions dans notre rubrique « Une lettre pour Laye », le parquet général devait procéder à l’ouverture des fameuses cantines d’argent appartenant à l’ancien directeur général des douanes Ousmane Guiro. Les malles contenaient effectivement plus d’un milliard neuf cents millions, correspondant au montant qui avait été saisi. L’opération vise à introduire dans le circuit financier les billets de banque entreposés depuis près de huit ans.
C’est une affaire de gros sous qui n’en finit pas de faire les choux gras de la presse et dont on attend toujours l’épilogue.
Tout a débuté par la découverte en fin d’année 2011 au domicile d’un de ses parents de cantines appartenant au chef des gabelous à l’époque, Ousmane Guiro. Les malles contenaient des effets d’habillement et surtout des liasses de francs CFA et de devises étrangères. Les pandores mettent des heures à compter ce « pognon de dingue » : plus d’un milliard neuf cents millions au finish. Le propriétaire des cantines est arrêté le 1er janvier 2012 et inculpé pour corruption passive, enrichissement illicite et violation de la réglementation des changes.
Ousmane Guiro plaide non coupable lors de son procès, mais est condamné le 20 juin 2015 par la Chambre criminelle de la Cour d’appel de Ouagadougou à 2 ans de prison avec sursis et à une amende de 10 millions de francs CFA. La Cour a en outre ordonné la confiscation des scellés à hauteur de 900 millions.
Jugeant la sanction clémente, le parquet général s’était aussitôt pourvu en cassation. La Cour de cassation a examiné le recours en août 2016 en cassant l’arrêt de la Chambre criminelle. Le dossier a été donc renvoyé devant la Cour d’appel pour être rejugé. Depuis, on est toujours dans l’attente de ce second procès Guiro.
Pendant ce temps une autre bataille s’est ouverte sur l’autre volet de l’affaire : le sort à réserver aux billets de banque immobilisés depuis.
A ce propos, le 11 avril 2017, le procureur général avait informé la presse qu’il a reçu le 2 février 2017 une correspondance des conseils de l’Etat demandant l’ouverture des cantines en vue de procéder à la réintroduction de l’argent entreposé dans le circuit pour éviter la dégradation des billets.
Après quoi, les avocats de l’ancien directeur général, qui n’épousaient pas cette idée, avaient commis un huissier afin qu’il vérifie auprès du Trésor public si les sous de Guiro avaient été effectivement introduits dans le circuit. En réponse, le Trésor avait indiqué n’avoir pas reçu d’ordre dans ce sens.
Depuis plus rien, jusqu’en mars 2019, date à laquelle le procureur général a adressé une correspondance intitulée « remise des sommes dans le circuit financier » dans laquelle il invitait les différents avocats constitués dans le dossier à une rencontre en début avril. La réunion s’est déroulée sans les conseils de Guiro. C’est ce 31 mai qui avait été choisi pour l’ouverture des cantines. Ni Guiro ni ses conseils n’étaient présents pour assister à l’opération, qui a mobilisé les autres parties concernées, des huissiers, des gendarmes, des agents du Trésor et un serrurier. Un serrurier parce qu’en janvier 2019, les avocats de l’Etat avaient informé le parquet que « toutes les démarches en vue de retrouver les clés de la salle où sont déposées les cantines supposées contenir les billets de banque sont demeurées vaines ».
Dans la matinée du vendredi dernier, on a procédé à l’ouverture des cantines. Selon Me Guy Hervé Kam, un des conseils de l’Etat, il n’a pas été facile d’avoir accès aux malles. Il nous a expliqué qu’il y avait trois clés censées être détenues séparément par la gendarmerie, le Trésor et le greffe du tribunal. Sans l’ensemble, personne ne pouvait atteindre la salle du trésor. L’avocat nous a confié qu’aucune des clés n’a été trouvée, obligeant le parquet à faire appel à une entreprise spécialisée. Il aura fallu quand même plus d’une heure à cette entreprise pour venir à bout de la porte blindée et accéder aux scellés, visiblement intacts à l’exception de quelques billets qui auraient été endommagés par la fonte des plastiques qui les liaient.
Plusieurs équipes munies de compteuses de billets ont ensuite procédé au comptage de l’argent contenu dans les cantines pour s’assurer que le montant exact y est. Et visiblement tout y est puisqu’aucun problème dans le sens contraire n’a été signalé.
Après cette opération de comptage, ces billets de banque devraient être introduits dans le circuit financier par le biais du Trésor public qui sera redevable de la somme lorsqu’une décision définitive sera rendue par la Cour d’appel.
Ousmane Guiro pourra ainsi entrer en possession de son argent si par exemple il était décidé de lui en restituer tout ou partie. A ses collègues de la défense (les avocats de Guiro) qui s’opposent à la réintroduction de cet argent dans le circuit parce que cela équivaudrait à « faire disparaître le corps du délit », Me Kam répond que nous sommes en face d’un bien fongible qui peut se détériorer.
Pour lui, c’est dans le cas par exemple où il s’agissait de faux billets qu’on pouvait parler de corps de délit à préserver. Selon lui, dans le cas d’espèce, les sommes d’argent saisies n’en constituent pas un, puisque l’Etat en est le garant et pourra représenter la somme équivalente à tout moment. « L’argent est un bien fongible. On n’a pas besoin de l’argent physiquement pour savoir que ça a existé, vu qu’il y a même des P-V de constatation. Ousmane Guiro lui-même n’a jamais contesté le contenu des cantines », a expliqué le conseil de l’Etat.
Pour avoir assisté à l’ouverture d’une des cantines, Me Guy Hervé nous a rapporté avoir constaté que l’élastique utilisé pour attacher les liasses avait « complètement fondu ». Chose qui le convainc davantage qu’il fallait sauver les sous de Guiro.
Source: L’Observateur Paalga