Le médecin-pédiatre du Centre Hospitalier Universitaire Charles de Gaulle (CHU-CDG), Bernard Sawadogo, a invité dans un entretien accordé à Wakat Séra sur le paludisme, les populations à se «faire consulter le plutôt possible» pour éviter les «complications». Dans cette entrevue, M. Sawadogo nous renseigne sur le paludisme sur tout son processus et termine par des conseils pour prévenir cette maladie qui est considérée comme l’une des causes de morbidité et de mortalité dans le monde notamment au Burkina Faso, un pays sous-développé situé au cœur de l’Afrique de l’Ouest.
Comment peut-on simplement définir le paludisme et son processus de maturation ?
Le paludisme est une maladie parasitaire qui sévit partout dans le monde notamment dans les pays de l’Afrique de l’Ouest dont le Burkina Faso. Cela veut tout simplement dire que ce sont les parasites qui provoquent cette maladie. Ce parasite est véhiculé par un moustique dénommé l’anophèle femelle. Ce moustique pique une personne qui a déjà le paludisme, ingère le parasite et le processus va se continuer dans son tube digestif avec la phase de maturation du parasite. Cet anophèle qui a piqué encore une deuxième personne qui n’est pas malade va transmettre cette maladie à cette personne qui est saine. Et donc cette personne aura la maladie quelques jours plus tard. Voilà ce qu’on peut dire brièvement à ce stade.
Comment découvre-t-on qu’une personne souffre du paludisme ?
Quand l’anophèle femelle pique une personne saine, elle lui transmet des germes et au bout de deux à sept jours, le processus va continuer dans l’organisme de la personne et en fonction de la quantité du parasite, les premiers signes de la maladie vont être soient courts soit longs. Alors, le malade commence par avoir de la fièvre, des maux de tête, des fois ça peut-être la fatigue, les vomissements, la diarrhée ou bien même les convulsions. Et donc ces signes obligeront la personne à aller consulter. Quand la personne va dans une formation sanitaire, elle va pratiquer un prélèvement sanguin. Il y a des tests de diagnostic rapide pour permettre de dire s’il y a paludisme ou pas. Cela permet qu’au même moment où on interroge la personne on fait les examens et on attend quelques minutes pour dire à partir des résultats si elle est infectée ou pas, ce qui permet de procéder au traitement. Après le test rapide en consultation ou le test de diagnostic rapide à tout venant, il faut des examens complémentaires au laboratoire.
Quelle est la période où le paludisme sévit le plus?
Il faut d’abord savoir qu’en matière de lutte contre le paludisme, le territoire burkinabè est reparti en trois zones. Il s’agit de la zone sahélienne, de la zone du centre et celle de l’ouest. Au niveau de la zone sahélienne, il y a une rupture de transmission. Cela veut dire que ce n’est pas permanent. C’est idem un peu pour la zone du centre. Dans la zone de l’Ouest, la transmission est permanente. Tout au long de l’année il y a toujours des piqûres infectantes des moustiques. Mais dans toutes ces trois zones il y a une période où la transmission est plus intense. C’est la période à partir du moment où il commence à pleuvoir. Cette période peut aller de mai jusqu’en octobre mais c’est en général entre août et septembre où il y a beaucoup d’eau stagnante dans les ruelles et les concessions qui augmente les piqûres de l’anophèle femelle.
Comment prévenir le paludisme ?
Il faut savoir qu’il y a deux types de prévention à savoir celle collective et celle individuelle. La prévention collective concerne tout le monde. Et cette mesure à grande échelle doit être appliquée par l’Etat dans sa politique d’assainissement. Les milieux dans lesquels on vit doivent être assainis. Les eaux stagnantes doivent être-être dans des égouts fermés pour que les moustiques ne puissent pas en faire leur gîte pour déposer leur larve et que leur cycle de vie se poursuivent parce que le premier point du combat c’est le moustique. S’il n’y a pas de moustique, il n’y a pas de transmission de la maladie de personne à personne. C’est de personne à moustique puis de moustique à personne. Alors il faut assainir l’environnement pour éviter que les moustiques se multiplient. Les eaux stagnantes, malpropres, malodorantes, même si la quantité est petite sont des gites de moustiques. L’eau impropre d’une cuillère est suffisante pour permettre à l’anophèle de pondre ses œufs et propager la maladie du paludisme.
La prévention individuelle quant à elle concerne d’abord le traitement du malade le plutôt possible dès le déclenchement de la malaria. Si vous mettez du temps à vous traiter, cela va augmenter le temps de l’exposition. Deuxièmement, ce qui est plus conseillé de faire pour éviter d’être en contact avec les moustiques, c’est de dormir sous une moustiquaire. Actuellement on a les Moustiquaires imprégnées à longue durée d’action (MILDA) ou bien les insecticides intra-domiciliaires ou encore des lotions de la peau qu’on utilise pour imbiber les parties exposées du corps. Enfin il y a d’autres préventions médicamenteuses qui ciblent les personnes qui sont à risque. Ces personnes sont les enfants de moins de cinq ans, les femmes enceintes et aussi les drépanocytaires, c’est-à-dire ceux qui ont un problème de sang. Donc pour ces personnes, il faut leur donner vraiment des médicaments périodiquement pour qu’elles évitent d’être infectées par la maladie.
Cette année, il y a un certain nombre de districts que l’Etat avec la collaboration des partenaires financiers ont pulvérisé (utilisé l’insecticide pour tuer) les moustiques qui sont hors et dans les concessions. Donc voilà certains conseils non exhaustifs pour lutter contre le paludisme.
Comment s’y prendre quand vous découvrez qu’une personne notamment un enfant souffre du paludisme ? Qu’est-ce qu’on doit avoir dans les premiers moments comme réflexe ?
Etant donné que le paludisme s’intègre dans d’autres maladies, d’office un enfant qui fait la fièvre, vomit ou bien qui fait la selle fréquemment que d’habitude, c’est toujours mieux d’aller se faire consulter. C’est à l’issue de ça qu’on peut faire des tests pour savoir si la personne a la malaria ou pas. Il y a deux formes de paludisme. Il y a le paludisme simple et le paludisme grave. Pour le paludisme simple on n’a pas besoin de garder l’enfant à l’hôpital pour son traitement. Après la consultation, on fait des prescriptions pour montrer au parent comment et combien de temps il faut prendre les médicaments.
Pour le paludisme grave, on ne peut pas faire autrement que retenir le malade pour qu’on l’hospitalise dans la formation sanitaire pour permettre un traitement plus intense parce que ce paludisme peut conduire à la mort. C’est une situation que les parents ne peuvent pas gérer et les complications peuvent survenir à n’importe quel moment. Ce cas est encore plus grave si ça concerne un enfant de moins de cinq ans.
Quels sont les problèmes que vous rencontrez dans la mise en œuvre de la mesure de gratuité des soins ici à la pédiatrie Charles de Gaulle concernant le paludisme ?
La gratuité des soins vise les enfants de zéro à cinq ans et les femmes enceintes. C’est effectif ici depuis son début. La preuve est que la consultation de cette cible-là est gratuite. Les examens concernant cette frange dans notre structure sont gratuits. Il y a maintenant un problème qui est général, c’est le problème du manque des médicaments. Surtout les médicaments qu’on n’a pas besoin de mettre dans les perfusions, il y a en permanence des ruptures. C’est ce qu’on constate amèrement. Donc c’est notre principal souci.
Quel peut être le coût maximal du traitement du paludisme ?
Le coût est vraiment très varié puisque c’est en fonction d’abord des formes de paludisme. Si c’est un cas simple, on fera le traitement seulement avec des comprimés et ça sera moins cher. Mais si c’est le paludisme grave, qu’on soit enfant ou adulte le coût va se renchérir parce que non seulement vous allez traiter le paludisme aussi ses conséquences à savoir les complications. C’est pour cela nous lançons un appel à l’endroit des populations pour qu’elles viennent se faire consulter le plutôt tôt possible avant que ç’a n’atteigne une étape de gravité au risque de voir les coûts multipliés. Or, cela devient insupportable puisque ça ne prévient pas jusqu’où la complication peut aller.
Les populations ont elles pris conscience du paludisme actuellement qu’avant ? Quelle comparaison pouvez-vous faire du taux de mortalité à ce sujet ?
Cette question est complexe et ne dépend pas de l’agent de santé. Mais ce qui est sûr, avec la gratuité notre fréquentation ici a augmenté. Les gens ont la facilité qu’avant de venir dans la formation sanitaire pour se faire consulter. Ca c’est déjà un point positif de cette mesure. Et ça tout agent de santé le sait parce qu’on travaille plus maintenant. Ce qui est intéressant, c’est que cela permet de s’approcher de la réalité. Avant les gens pouvaient être malades et tenter plus de se soigner à la maison. Ils attendent la phase de complication avant de venir à l’hôpital. Donc cette barrière financière étant allégée plus ou moins pour certaines catégories de personnes (enfants de 0 à cinq ans et femmes enceintes), les gens ont plus maintenant le contact facile avec le personnel soignant. Donc en termes de comparaison, je dirai que de façon pratique, plutôt on prend les cas, moins il y aura des complications parce qu’un malade qui se confie à une formation sanitaire, il sera pris en charge le plus rapidement possible par un spécialiste et moins il y aura de complications, moins il y aura de décès.
Il faut mettre des grilles de protection dans les ouvertures de nos domiciles. C’est par les portes et les fenêtres que les moustiques rentrent dans les maisons.
Par Bernard BOUGOUM