Le Conseil de l’Ordre, entre autres décisions, estime qu’il lui faut saisir le Conseil supérieur de la magistrature (CSM), pour dénoncer des propos du Procureur général (PG) près la cour d’appel de Ouagadougou qui selon les avocats, portent atteinte aux droits des justiciables qui ont recours aux Conseils. Entre autres actions, cette option a été retenue au cours d’une réunion extraordinaire que le Conseil de l’Ordre a tenue ce lundi 1er juin 2020, à la Maison de l’Avocat.
Qu’est-ce qui fait brûler le torchon entre le Procureur général et l’Ordre des avocats? Il faut remonter au 29 mai 2020, date des derniers échanges épistolaires entre le Bâtonnier de l’Ordre des Avocats et le PG. Dans sa réponse à la sollicitation de commission d’office d’avocats pour la session de la Chambre criminelle de la Cour d’appel de Ouagadougou prévue se tenir à Ziniaré du 1er au 5 juin, le Bâtonnier, Maître Paulin M. Salambéré, a fait «retour des dossiers relatifs à ladite session», suite à sa «décision de suspendre toute commission d’office d’Avocat». Cette réaction fait suite à la prestation de serment d’un avocat qui, selon l’Ordre des Avocats n’a rien respecté de la procédure en vigueur. Et c’est pour mettre fin à cette pratique qui a eu cours pendant longtemps au Burkina, a affirmé une source proche de la Maison de l’Avocat, que le Bâtonnier, à cheval sur les normes et leur respect pour contribuer à une justice burkinabè de qualité, a pris cette mesure de suspension de commission d’office d’Avocats.
En réponse, le même jour, évoquant cette décision du Bâtonnier de l’Ordre des Avocats et comparant cet acte «(…) à une réquisition à laquelle on ne peut déroger impunément» et qui «viole le droit constitutionnel des détenus à voir leurs causes entendues et jugées dans les formes requises par la Loi», le Procureur général, Laurent Poda, a donné «instruction urgente» à tout Procureur du Faso du ressort territorial de la Cour d’appel de Ouagadougou de «ne point audiencer tout dossier correctionnel dans lequel se trouve constitué un Avocat; de ne répondre à aucune correspondance d’un Avocat, qui –leur- serait adressée; de retirer des rôles d’audiences tout dossier dans lequel se trouve constitué un Avocat; de ne recevoir en –leurs-Parquets aucun Avocat et pour quelque cause que ce soit».
Et c’est déjà la guerre des mots. Alors que le Procureur général dénonce «un énième affront d’un Conseil de l’Ordre», les robes noires crient à une énième désinvolture du Procureur général. En tout cas, à moins d’une diligence extraordinaire dans le règlement de ce différend, le Burkina se dirige certainement vers une énième crise qui paralyserait, à n’en point douter, son appareil judiciaire déjà bien éprouvé.
Par Wakat Séra