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Pêcheurs nigériens chassés ou pas chassés du Bénin: là n’est pas la question!

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Les pêcheurs nigériens ont-ils été chassés ou pas? (Ph. d'illustration/earthjournalism.net)

Chassés ou pas chassés de Kualou, les pêcheurs nigériens originaires des communes rurales de Gatwani et Tounouga, dans la préfecture de Gaya, frontalière du Bénin, ont précipitamment quitté ce pays ces derniers jours. Si les autorités béninoises, muettes comme une carpe sur la question, affirment n’avoir chassé personne, la réalité semble bien dire le contraire, car ceux que la partie béninoise, par la voix du chef du village béninois de Porga, pense être partis d’eux-mêmes, selon nos confrères de Rfi, par «peur des terroristes et des balles perdues», ne vivaient pas seuls dans ce village. Pire ces ressortissants nigériens qui vivaient en parfaite symbiose avec leurs hôtes, sont bien conscients qu’ils sont davantage exposés au Niger qu’au Bénin, à la folie meurtrière des terroristes et aux «balles perdues»!

Ils sont des centaines, ces pêcheurs nigériens et familles, qui ont quitté Kualou en territoire béninois, à la frontière entre le Bénin et le Niger. Ce rapatriement forcé, que nient les Béninois, mais qui a contraint ces hommes à tout abandonner derrière eux, même leurs champs non récoltés, intervient à la suite d’attaques djihadistes contre des positions de l’armée béninoise, notamment celle de Porga, ce 2 décembre. Hommes, femmes et enfants, sont donc rentrés dare-dare au Niger, alors qu’ils étaient installés dans cette localité depuis plus de 30 ans, pour la plupart. Ils se demandaient, certainement, pendant qu’ils retournaient sur la terre de leurs ancêtres, si les dieux de la légendaire hospitalité africaine ne sont pas tombés sur la tête. Mais ils peuvent s’estimer heureux de ne pas avoir subi davantage de dommages, car ils étaient simplement livrés à la vindicte populaire de part cette stigmatisation qui ne dit pas son nom.

Les djihadistes portaient-ils, inscrits sur le front, le drapeau nigérien? Les pêcheurs nigériens ont-ils été formellement identifiés comme des terroristes? Ce village aurait-il été vidé de ses habitants si ceux-ci étaient tous des Béninois? Autant de questions qui prouvent que la menace djihadiste fera exploser, si de tels faits se répètent, la légendaire hospitalité africaine qui fait que le Nigérien se sent chez lui au Bénin et que le Béninois vive en parfaite harmonie avec ses hôtes, dans sa patrie d’accueil le Niger. Au-delà de la chasse aux étrangers, qui n’est qu’un aveu d’impuissance et un faux-fuyant, il importe pour les pays dans l’œil du cyclone, de chercher la véritable stratégie de lutte contre l’hydre terroriste qui, est sortie du Sahel où elle s’est enkystée, pour tenter d’enlacer, désormais, tout le golfe de Guinée.

Si les autorités nigériennes, par la voix du gouverneur de la région de Dosso, rassurent leurs compatriotes que le Niger a pris toutes les dispositions pour les accueillir, il n’en demeure pas moins qu’il faut, à l’unisson, combattre ces expulsions qui ne font qu’apporter de l’eau au moulin des nations où le noir, notamment l’Africain, est considéré comme un pestiféré dont il faut se débarrasser à tout prix. A moins de cautionner ces images humiliantes et funestes de migrants vendus comme des esclaves et qui subissent les pires atrocités en Libye, avant d’être finalement engloutis par la Méditerranée, il faut sonner la révolte contre ces pratiques auxquelles se livrent des Africains contre les Africains.

L’affaire sera réglée par voie diplomatique! C’est une option appréciable, mais pourquoi ne pas l’avoir privilégiée en amont en lieu et place de cet acte ignominieux et irréfléchi d’expulsion de pauvres pêcheurs qui ne demandent que la quiétude pour gagner leur pitance quotidienne? Encore une plaie ouverte par les politiques par qui presque tous les malheurs arrivent, sur le continent! Depuis la nuit des temps, le vendeur de cola de la Haute-Volta (devenue Burkina Faso) et l’instituteur originaire du Dahomey (actuelle république du Bénin), ne connaissaient pas de frontière. Ils se sentaient, simplement, Ivoiriens ou Sénégalais, lorsqu’ils déposaient leur baluchon dans leurs pays d’accueil. De même, c’est spontanément, que la ménagère dahoméenne, traversait la frontière pour demander du sel à sa voisine togolaise, lorsque cet ingrédient essentiel pour sa sauce venait à lui manquer. Même la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (CEDEAO), outil d’intégration par excellence, n’a pas fait mieux.

En tout cas, les seuls à boire leur petit lait actuellement, ce sont bien ces terroristes qui profiteront de cette division entre nations africaines pour mieux accomplir leurs entreprises ignobles. Il faut donc, pour les Africains, éviter à tout prix de tomber dans ce piège démoniaque qui ne fera qu’écarteler davantage un continent qui lutte contre la pauvreté endémique et les maladies, paludisme, sida et désormais Covid-19, réunies.

Par Wakat Séra