Tous ces morts pour rien! On est bien tenté de le dire, suite au renoncement, ce mercredi, par le président kényan, William Ruto, de signer la loi des finances qui était sur la table des députés et qui a mis le pays en émoi sur plusieurs jours. Censée renflouer les caisses d’un Kenya en banqueroute et pour lequel, appelé au chevet du malade, le médecin expert des mesures antisociales, le FMI pour ne pas le citer, a proposé un remède de cheval, cette mesure a rencontré la révolte de populations qui en avaient déjà assez de tirer le diable par la queue. L’augmentation des taxes, même sur des produits du quotidien comme le pain, était le coup de massue de trop pour les Kényans asphyxiés. La pilule était trop amère pour passer. Si fait que le gouvernement, qui a voulu la faire avaler de force au peuple, a vu celui-ci se dresser comme un seul homme pour rejeter la nouvelle hausse des impôts. Pourtant, la potion magique, du Fonds monétaire international, bien que très impopulaire il faut le reconnaître, avait commencé à faire ses effets encourageants pour le redressement de la barque.
Mais les résultats qui avaient commencé à procurer une petite bouffée d’oxygène au pays sur le plan international, mettaient du temps à atteindre les poches du citoyen lambda et surtout le panier de la ménagère qui demeurait d’une maigreur désespérante. D’où l’enchaînement des manifestations de rue, dont la phase cruciale fut l’envahissement du parlement par la foule dont l’ire était aussi bruyante que le gargouillis des ventres affamés. Le bilan bien macabre du «mardi noir», dressé suite à l’assaut du siège des élus réunis pour statuer sur le fameuse loi des finances, a été alourdi par la répression sans commune mesure de manifestations dans plusieurs autres villes, fait état d’au moins 22 morts, de plusieurs blessés et de centaines d’interpellations. Un couvre-feu a été décrété pour contenir la fronde contre le gouvernement de William Ruto, qui, paradoxalement, a été élu sur la promesse de réduire le coût trop élevé de la vie pour les Kényans.
Mais pendant qu’elles mataient sans ménagement la révolte de leurs propres concitoyens, les forces de l’ordre kényanes étaient portées aux nues dans une autre partie de la planète où tout le monde espère qu’elle contribuera à ramener l’ordre. Les hommes de tenue kényans ne sont pas loués pour leur rudesse contre les manifestants à Nairobi ou à Mombasa, mais parce que la police kényane doit déployer un millier de policiers à Haïti, dans le cadre de la sécurisation de ce pays où les gangs font la loi, régnant en maîtres sur un pays qu’ils mènent au chaos et en terrorisent les habitants. Un premier contingent de policiers kényans a, d’ailleurs, déjà débarqué à Port-au-Prince, la capitale haïtienne, pendant que leurs collègues caressaient la gâchette à Nairobi. Véritable paradoxe kényan qui ne fait qu’accentuer l’échec de la gouvernance de William Ruto qui a dû, en tout cas pour l’instant, plié l’échine devant la hargne et la détermination de son peuple qui n’en peut plus de serrer la ceinture à l’étranglement.
Par Wakat Séra