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Pont sur le fleuve Congo: pourquoi faire?

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Une vue du fleuve Congo (Ph. energies-media.com)

Le projet de jeter un pont sur le fleuve Congo entre Kinshasa, capitale de l’ex-colonie belge, et Brazzaville, capitale de l’ex-colonie française, date de l’époque coloniale. Si les deux pays, de part et d’autre du fleuve, sont homonymes, leurs capitales sont aussi les plus rapprochées au monde. Quatre kilomètres les séparent. Faut-il y voir un intérêt?

Il y a près de dix ans, nous écrivions (Ouest-France, 16 octobre 2009) sur le même sujet, alors que la Banque de développement africaine (BAD) annonçait que le montage financier ayant été agréé par les institutions financières, les travaux de la construction du pont allaient démarrer. Les avis étaient très partagés, mais la BAD y a un autre regard. Elle est donc revenue à la charge.

Belges et Français, au début de la colonisation de deux pays, manifestèrent l’intérêt à bâtir cet ouvrage. Mais, le roi Léopold II, après tractations, déclina finalement la mise en œuvre d’un tel projet, ayant estimé qu’il fallut ouvrir sa colonie à l’océan Atlantique par Matadi (ouest), en partant de Kinshasa. Une voie ferroviaire difficile, à travers les escarpements. Il évita ainsi une dépendance vis-à-vis de la France.

En 1990, ce projet centenaire fut sorti des tiroirs. Sans lendemains. Mais avec une nouveauté :  ce ne sera plus un pont classique, mais « un pont-route-rails », limité par un péage, de part et d’autre. Il aura fallu attendre une décennie pour en entendre parler concrètement, chiffres et promesses de financement à l’appui. De passage à Brazzaville, mi-mai, le président de la BAD, le Nigérian Akinwumi Adesina, a annoncé le début effectif de la construction du pont en août 2020.

Les deux jumeaux de l’Afrique

Ce gigantesque ouvrage coûtera, au total, 550 millions de dollars (495 millions d’euros). La BAD y contribuera à hauteur de 210 millions de dollars, tandis que le reste sera financé par Africa 50, une plate-forme fédérant des pays africains pour le financement d’infrastructures de développement.

Ce projet est-il porteur?  La BAD y voit un moyen sûr d’intégration régionale, en Afrique centrale et au-delà, à l’instar du pont inauguré récemment sur le fleuve Gambie, entre la Gambie et le Sénégal. Tel n’est pas l’avis des Congolais des deux côtés du fleuve Congo. A Kinshasa, on assure qu’un tel lien – puisqu’il aboutit à Pointe-Noire, port en eau profonde, situé à l’autre Congo -, finira par phagocyter ses ports nationaux de Matadi et de Boma, poumons économiques de la province du Kongo-Central. Et même un des pôles économiques du pays. A Brazzaville, où on montre le côté pile de la pièce, l’opinion est qu’un tel « boulevard » apportera plus de négatif que de positif, dans la mesure où la RD Congo n’est plus en mesure de nourrir sa population. Les deux donc se regardent en chiens de faïence.

Faut-il placer l’importance des relations commerciales entre les deux pays, au-delà de ces prises de position, à tout le moins justifiées, mais en dehors de toute vision de développement intégral ? Si le roi des Belges Léopold II fut avare à ce point de «son Congo Indépendant», il est impératif pour l’Afrique, aujourd’hui, de penser intégration. C’est-ce que fit, en son temps, l’Europe occidentale. A première vue, le principe a plus d’avantages que d’inconvénients.

Le Congo-Kinshasa et le Congo-Brazzaville, ces deux jumeaux de l’Afrique, doivent se regarder en pays frères et œuvrer ensemble pour le bien de leurs populations. Et du continent.

Par Jean-Jules Lema Landu, journaliste congolais, réfugié en France