L’un ne veut lâcher son fauteuil présidentiel pour rien au monde. L’autre tient fermement à devenir calife à la place du calife. Et entre les deux assoiffés de pouvoir, le peuple sénégalais est pris en otage, se cherchant une voie de sortie, ou tout au moins une issue de secours, dégagée de cette fumée âcre de gaz lacrymogènes qui recouvre désormais Dakar, à chaque convocation par la justice, de l’un des protagonistes de la crise. Si le premier, soupçonné de tomber sous le charme du 3e mandat, est convaincu que la loi fondamentale de son pays ne s’oppose guère à une nouvelle candidature à la fonction suprême de sa part, en face, celui qui est, désormais, devenu son poil à gratter, ne laisse passer aucune opportunité pour monter ses partisans à cran contre toute velléité du quinquennat de plus.
Macky Sall et Ousmane Sonko, puisque c’est d’eux qu’il s’agit, se sont engagés comme dans un duel de gladiateurs, dont le vainqueur est encore loin d’être connu. Le président sénégalais, malgré ses propos sibyllins mais à peine voilés, garde encore le flou sur sa possible candidature pour briguer un nouveau mandat présidentiel. Mais, devançant l’iguane dans l’eau, le bouillant maire de Zinguinchor, leader du parti des Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité (Pastef), qui se bat contre une justice qualifiée d’«instrumentalisée», ne concède aucun répit au chef de l’Etat sortant. De ce fait, le Sénégal vit des heures préélectorales chaudes, au propre comme au figuré, en attendant la date fatidique tant redoutée du 22 février 2024.
Pour l’heure, avant la sélection implacable et décisive par les urnes, un premier tri est fait par justice interposée. C’est ainsi que l’ancien «ministre de la terrer et du ciel», Karim Wade, le fils de l’autre, est passé à la trappe de la justice dans «la traque des biens mal acquis». Comme pour ne pas s’arrêter en si bon chemin, les juges ont eu la peau de l’ancien maire de Dakar, Khalifa Sall. L’appétit venant en mangeant et la route qui mènera au palais présidentiel en 2024 devant être dégagé pour Macky Sall ou son poulain, Ousmane Sonko est devenu naturellement l’homme à abattre. Et tous les moyens sont mis en œuvre pour!
Tout y passe! Mais il en faut visiblement plus pour mettre hors-jeu, le truculent tribun Ousmane Sonko qui fait face à une double accusation de «viol et menaces de mort» sur l’ancienne employée de salon de massage, Adji Sarr et de diffamation dans une plainte du ministre sénégalais du Tourisme, Mame Mbaye Niang, que le tribun hors-pair avait accusé d’avoir été cité dans un rapport de l’Inspection générale d’Etat, pour détournements. Misant sur sa popularité, qui frise souvent le populisme, et surfant sur un ressentiment général contre le 3e mandat anticonstitutionnel dans un Sénégal jaloux de sa stature confirmée de «phare de la démocratie» en Afrique, Ousmane Sonko donne, visiblement, du fil à retordre au pouvoir de Dakar!
Le leader le plus en vue de la principale coalition de l’opposition, Yewwi Askan Wi, pourrait même être l’os qui restera en travers de la gorge de Macky Sall! A moins que ce dernier change de stratégie et sorte de sa botte magique, le champion en mesure de terrasser Ousmane Sonko. Sauf si, finalement, un troisième larron sort du bois pour saisir maître Aliboron! Et libère les Sénégalais dont nombre d’entre eux grossissent les rangs des manifestants d’Ousmane Sonko, par dépit de la gouvernance de Macky Sall, lui qui ne respecte pas sa parole donnée. Pire, le président sénégalais emprunte le même chemin que Me Abdoulaye Wade qui a voulu s’accrocher au pouvoir à l’époque et a été défait par un certain…Macky Sall!
L’histoire va-t-elle se répéter au Sénégal? Le chasseur deviendra-t-il chassé de nouveau? En attendant, Macky Sall se cache derrière les institutions du pouvoir, Ousmane Sonko derrière ses partisans et le pays retient son souffle!
Par Wakat Séra