Les élections présidentielle et législatives couplées de 2020 au Burkina, se sont tenues dans le calme, ce 22 novembre. Aussitôt après la fermeture des bureaux de vote, place a été faite au dépouillement. A la tâche sans répit, la Commission électorale nationale indépendante (CENI), dans le respect du processus que lui dicte la loi électorale a commencé, ce lundi, à livrer les premiers résultats provisoires de la présidentielle, commune par commune. Les chiffres qui sont sortis des urnes, et rendus publics par les commissaires de l’institution en charge des élections, sont certes très parcellaires, mais diversement accueillis.
Si dans les rangs des supporters du président du Faso, candidat à sa propre succession, ils suscitent l’euphorie, car allant dans le sens du coup KO prédit par le parti au pouvoir, le Mouvement du peuple pour le progrès (MPP), en face, la conférence des candidats de l’opposition ne passe pas par quatre chemins pour dire qu’elle n’acceptera pas des résultats «entachés d’irrégularités». Dans une déclaration qui ne laisse le moindre doute sur leur détermination à contester le verdict des urnes, compte tenu de certains griefs qu’ils émettent sur la mauvaise organisation des élections, qu’ils disent «émaillés de fraudes», les opposants égrènent leurs récriminations, et réitèrent leur mise en garde contre des chiffres «qui ne reflètent pas la volonté du peuple.
Juste un épiphénomène ou alors, le Burkina Faso est-il sur le point d’expérimenter sa première crise postélectorale? A moins d’être un devin, difficile de répondre dans l’absolu à cette interrogation, même si c’est plus qu’une évidence, que pris dans l’étau de la menace terroriste et confronté aux effets ravageurs du Covid-19 sur son économie à l’agonie, le Burkina se passerait bien de ce nouvel obstacle au développement. Malheureusement, comme un effet de mode, la crise postélectorale qu’on croyait être la marque déposée des voisins, semble être une denrée qui s’importe très vite. Comment les Burkinabè vivront-ils cette première, surtout si jamais, elle prend l’ampleur de celles qui secouent la Côte d’Ivoire, à chaque présidentielle?
Pour le bien du Burkina, il importe que les pugilistes abonnés au coup KO et les contestataires d’élections qui sont loin d’avoir livré leur verdict, mettent de l’eau dans leur vin. Pour l’intérêt général, il urge de trouver le modus vivendi, pour ne pas aller au pire et faire mentir toutes les prières du vendredi dans les mosquées et du dimanche dans les églises et qui étaient censées favoriser des élections apaisées. Malheureusement, les politiciens, mus par des desseins égoïstes, parce que uniquement guidés par la conservation ou la conquête du pouvoir, sont prêts à tout pour parvenir à leurs fins.
Une chose est certaine, il faudra privilégier les voies légales pour s’exprimer. S’il le faut, la CENI, qui dispose encore de cinq jours au moins pour rester dans le délai fixé par la loi pour la proclamation des résultats provisoires, doit s’atteler à corriger ce qui peut encore l’être, et relevé comme dysfonctionnement par les opposants et certains observateurs, dont ceux de la Convention des organisations de la société civile pour l’observation domestique des élections (Codel). Comme l’enseigne le proverbe, «qui va piano, va sano».
Nul doute que les Burkinabè, qui ont toujours su trouver les ressorts adéquats pour rebondir, dans les situations les plus délicates, sauront, une fois de plus, s’accorder sur les pistes à emprunter pour éviter une souffrance de plus à un pays qui se cherche, malmené qu’il est par les terroristes. Qui plus est, l’Afrique de l’ouest, prise dans le tourbillon des crises provoquées par le coup d’Etat militaire au Mali, et les coups d’Etat constitutionnels opérés par Alpha Condé en Guinée et Alassane Dramane Ouattara en Côte d’Ivoire, supportera difficilement une autre crise. Alors, pour une fois, faisons passer le dialogue avant la guerre.
Par Wakat Séra