Après l’évacuation manu militari de députés de l’opposition de l’hémicycle, la proposition de loi sur le report de la présidentielle du 25 février a été pratiquement plébiscitée par l’ensemble des députés présents.
L’élection présidentielle est renvoyée, non plus aux calendes grecques, mais au 15 décembre prochain. Donc, Macky Sall, sauf nouveau soubresaut qui n’est pas à exclure dans un Sénégal en pleine surchauffe préélectorale, gardera les clés de la maison, jusqu’à l’entrée en fonction de son successeur. Les élus du peuple en ont ainsi décidé, par 105 voix contre 1 tout de même. Mais le débat est loin d’être clos, car la loi attendra l’onction de la Cour suprême. Dans cette attente, elle fait, en toute logique, l’objet d’une contestation prononcée de la part de la fange majoritaire de l’opposition et de candidats, parmi les 20 en course, pour le fauteuil présidentiel. Ceux-ci sont vent debout contre cette nouvelle donne qui vient mettre entre parenthèses un processus électoral largement engagé, qui se trouve à la veille de la campagne d’un scrutin qui devait se tenir, initialement, à compter de ce jour, dans moins de 20 jours.
On ne change pas les règles du jeu en plein match, dit-on. Au Sénégal, cette vérité ne fait plus recette, car désormais caduque! Certes, le pays est coutumier de ces tensions qui précèdent le vote d’un nouveau président, mais le rubicond vient sans doute d’être franchi par le pouvoir de Macky Sall, même si c’est dans le cadre très légal mais policée d’une Assemblée nationale et ses alentours assiégés par les forces de l’ordre. Il faut néanmoins relever que ce que des opposants qualifient de «coup d’Etat constitutionnel» a été initié par d’autres opposants qui, par le biais de leurs députés ont demandé le report de la présidentielle. Il faut également relever que cette élection portait une myriade de germes de frustrations et de violences postélectorales, tant les accusations contre le fichier électoral, la pratique des parrainages, la corruption de juges du Conseil constitutionnel, en somme, un ensemble d’irrégularités dénoncées par l’opposition. La goutte d’eau qui a fait déborder le vase des récriminations du Parti démocratique sénégalais (PDS) de Karim Wade, fut le retoquage, pour bi-nationalité franco-sénégalaise, de la candidature de ce dernier par le Conseil constitutionnel.
Et maintenant on fait quoi? La partie de l’opposition qui ne veut pas voir Macky Sall, même simplement rôder autour du palais présidentiel après le 2 avril, s’avouera-t-elle vaincue? Rien n’est moins sûr! Après sa première tentative de manifestation avortée du dimanche 4 février, certainement que les opposants vont rebeloter pour se faire entendre. Mieux, ou pire, ils engagerons une lutte qui ne pourra que pourrir l’exercice de ce bonus de pouvoir d’une dizaine de mois obtenu, par le président sortant qui, malgré tout, ne cesse de réitérer son engagement à ne pas briguer un troisième mandat. Question: où se trouve la différence entre ne pas chercher un bail anticonstitutionnel et prolonger, une fois, et peut-être à l’infini, son mandat constitutionnel fini? Macky Sall est simplement en train de ruser avec son peuple, des concitoyens à qui il n’hésite pas à couper l’accès à l’internet «données mobiles» et le signal de médias à la voix discordante de celle du pouvoir, comme Walfadjri. S’il a le pouvoir de prendre un décret pour abroger une date d’élection, Macky Sall, tout président qu’il est, n’a certainement pas le droit de priver les Sénégalais et Sénégalaises de la liberté fondamentale d’expression!
En tout cas, le supplément qu’il a pu arracher ne sera certainement pas un long fleuve pour Macky Sall!
Par Wakat Séra