Les projecteurs de l’actualité à la Cour pénale internationale vont-ils rester éternellement braqués sur l’ex président ivoirien Laurent Gbagbo et son ancien lieutenant Charles Blé Goudé? La réponse est visiblement oui, tant que les deux têtes de Turc du pouvoir d’Abidjan continueront à hanter les nuits et les esprits au Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP) et son président Alassane Ouattara. Ce jeudi 6 février, les anciens pensionnaires de la prison 5 Etoiles de Scheveningen étaient encore au cœur d’audiences qui n’en finissent pas, malgré leur acquittement depuis le 15 janvier 2019, par la puissante CPI. L’épouvantail agité au nez des adversaires de certains dirigeants africains, pour les contraindre à laisser les maîtres de l’heure gouverner tranquillement est encore en pleine action. Comme ce fut le cas, en son temps, en République démocratique du Congo (RDC), avec Jean-Pierre Bemba Gombo mis au frais pour que Joseph Kabila puisse jouir sereinement de son pouvoir, c’est au tour de Gbagbo et Blé Goudé, «empêcheurs de gouverner en rond» en Côte d’Ivoire, de se débattre dans la nasse de la CPI, histoire de laisser Alassane Ouattara jouir de ses deux mandats, et organiser sa succession, si la velléité de troisième mandat fait flop.
La CPI dira donc s’il faut lever, comme le désire Laurent Gbagbo, les conditions qui encadrent sa liberté et le confine aux rues de Bruxelles ou s’il faut les maintenir à tous prix, comme l’exige l’Etat ivoirien par la bouche de ses avocats. La bataille s’annonce rude entre les deux camps d’hommes en robe noire. Il faut souhaiter que les arbitres de la partie, les juges de la CPI, soient impartiaux et aient recours, si possible, à la VAR, l’assistance vidéo des matchs de football, pour revenir sur les fautes qui auront échappé à leurs yeux certes experts, mais d’humains. De toute façon la tâche ne sera pas des plus aisées pour les conseils de Laurent Gbagbo et de Charles Blé Goudé, la balance penchant déjà en défaveur de leurs clients que la machine de l’Etat entend écraser. Laisser Gbagbo et Blé Goudé revenir en Côte d’Ivoire, leur pays, ravivera le désordre, à en croire les avocats de l’Etat ivoirien. Sans nous ériger en juge, il faut pourtant reconnaître que ce qui pourrait créer le désordre, voire le chaos, ce sont les intrigues politico-administratives nouées autour de certaines personnes dont le pouvoir a visiblement peur dans la perspective de la présidentielle prévue en octobre prochain. Autre vecteur de troubles sanglants que les Ivoiriens ne veulent plus vivre, ce sont bien les cabales judiciaires engagées contre des amis d’hier, ennemis aujourd’hui. Ce qui peut encore faire le terreau d’affrontements fratricides en Côte d’Ivoire c’est la sauce mal cuite d’une réconciliation criée sur tous les toits mais à la place de laquelle la graine de division est semée et entretenue pendant que la persécution contre tout ce qui n’est pas aux couleurs du RHDP est le sport le mieux pratiqué par les tenants du pouvoir d’Abidjan.
Il est temps de mettre fin à cette politique d’exclusion qui donne à certains la latitude suicidaire pour la Côte d’Ivoire, d’éloigner de leur pays ou de jeter en prison tout rival potentiel dans la course à la présidentielle prévue pour octobre 2020. Il est même temps de réparer cette injustice qui a consisté à s’acharner sur des cibles bien choisies alors qu’il a bien fallu deux camps pour faire la guerre. La Côte d’Ivoire, pays de paix et d’hospitalité doit pouvoir rassembler tous ses fils et filles autour de son émergence chère à son président, Alassane Ouattara.
Par Wakat Séra