Dimanche 19 novembre, début de la campagne, ils étaient 26 candidats comptés sur la ligne de départ. A la fin de cette deuxième semaine d’engagement, dimanche 3 décembre, il ne reste que quatre figures principales en course pour le fauteuil du président sortant, Felix Tshisekedi, candidat à sa propre succession.
Il s’agit de Moïse Katumbi, en coalition avec Matata Ponyo, Seth Kikuni, Franck Diongo, et Delly Sesanga qui se sont désistés en faveur du premier; de Martin Fayulu, et du Dr Denis Mukwege.
Comme dans toute course, après un bout de chemin parcouru, les concourants s’éliminent. Il y en a qui s’essoufflent, fatigués, jettent l’éponge. Dans une compétition pour la présidentielle, il y en a qui se désistent, par stratégie dans le cadre des alliances. L’autre catégorie, est celle de simples figurants…pour amuser la galerie.
Sauf revirement de dernière minute, tel est le tableau des candidats qui continuent à mouiller l’uniforme de campagne. Tous de blanc vêtus, comme pour se projeter dans la logique de victoire.
Que faut-il retenir de ces deux semaines de campagne, harassantes s’il en est, à les considérer comme une période médiane entre le début et la fin du combat électoral? Peut-on, déjà, au travers de premières rencontres entre les candidats et leurs électeurs, établir quelques tendances, à titre indicatif?
A l’œil nu, trois constats majeurs émergent, moins que la manifestation des tendances. Dans un territoire aussi vaste que la République Démocratique Congo, soumis autant aux moyens techniques d’évaluation qu’à ceux de la technologie de communication limités, il n’est pas aisé de débrouiller un écheveau électoral, en si peu de temps.
Le premier constat confirme les candidats Katumbi et le président sortant Tshisekedi en tête du peloton. Les deux challengers se battent presqu’à force égale, avec tout de même une longueur d’avance, pour Katumbi. Au regard, strictement, de l’espace que ce dernier a déjà couvert. En deux temps, trois mouvements, l’ancien gouverneur de la province du Katanga a parcouru près de la moitié des 26 provinces. Un véritable marathon.
Tous ont fait un carton
Le deuxième constat voit la probabilité de la formation d’une seconde alliance entre Martin Fayulu et le Dr Mukwege, apparemment en bonne intelligence, après la faillite sur la tentative d’une candidature commune de l’opposition. Selon des indiscrétions, ils auraient engagé pour ce faire des discussions encourageantes en coulisses.
Cependant, s’ils parvenaient à s’entendre, la question de leadership resterait toujours posée. Qui, du prix Nobel ou du leader de «Lamuka», fléchira en faveur de l’autre? Or, il n’y a à cet effet qu’une place pour une personne. Dilemme cornélien. Jusqu’à présent, chacun va de son côté, engrangeant les succès qui sont les leurs.
La petite semaine en cours, située au-delà de la médiane, nous en dira davantage. Elle constitue l’avant-dernière étape, préparant l’assaut décisif sur la forteresse présidentielle.
Le troisième constat se pose sur une situation d’ensemble. Il s’agit de la qualité du message, autrement dit, du contenu des programmes. En dehors du Dr Mukwege qui déroule son programme, appuyé par une argumentation pertinente, on ne voit pas assez les autres candidats se prêter à cet exercice.
Or, à ce stade, il ne s’agit plus d’énumérer ce que l’on compte faire, mais plutôt de démontrer comment y parvenir. Dans le sens opérationnel, s’entend. Or, encore une fois, au lieu de cela, on assiste au jeu entre les compétiteurs de complaisance, à travers la distribution des paquets de piques. Jusque, parfois, à friser l’injure.
A ce propos, il convient de signaler que le candidat Noël Tshiani, bien qu’éliminé de la course, a fait, mercredi 29 novembre sur la radio «Top Congo», un brillant exposé. Economiste chevronné, il a présenté une autopsie acceptable de la mauvaise situation du pays, non sans en proposer des remèdes, en vue de sortir du labyrinthe. Ainsi donc, à tout seigneur, tout honneur, dit-on. Quand bien même Tshiani ne soit pas en phase avec plupart de ses concitoyens.
A noter que c’est lui l’initiateur de la proposition de loi rejetée, dite par moquerie «de père et de mère». Une loi, si elle était passée, aurait eu pour conséquence d’écarter des hautes fonctions toute personne dont les deux parents ne seraient pas des Congolais authentiques.
En définitive, ce que les électeurs congolais attendent, principalement, du dernier carré des candidats, pour la conquête des ors de la présidence, c’est de mettre sur la table, un programme bien pertinent qui sortira la RD Congo et ses populations de l’ornière. A charge pour leurs états-majors de corriger le tir. Pendant ce temps, pour une raison secondaire, le peuple va continuer à venir en masse, de partout, pour voir. Voir, d’abord, en vue de communier de visu avec les candidats-présidents.
Voir un Tshisekedi, président-candidat à sa propre succession, fils d’Etienne Tshisekedi, souvent associé à la figure de Lumumba; voir un Katumbi, richissime homme d’affaires et président de la célèbre équipe de foot «TP Mazembe»; voir un Fayulu, bombardé de «combattant insubmersible de la liberté» ou un Dr Mukwege, qualifié de «l’homme qui répare les femmes». C’est un privilège!
Pour l’imaginaire collectif, ces personnages ont la stature de «Superman». Ils sont dotés d’une espèce de tropisme qui attire tout vers eux. Comme la fiction, parfois, dépasse la réalité! Elle a donc, elle aussi, un côté sensible.
Sur ce point, tous les candidats ont cartonné. On n’a vu personne en train de prêcher dans l’indifférence quasi-totale. Cependant, au candidat-président de la République, les foules ont cru le moment venu pour lui montrer en face certaines failles de son quinquennat, notamment la faiblesse du franc congolais par rapport au dollar américain. En RD Congo, le dollar est roi.
En âme et conscience
Mais, qu’on ne s’y méprenne point. Il y a là un grand piège. Les foules compactes qu’on a vues s’agglutiner sur les places de meetings, ovationnant à tue-tête les candidats en verve démagogique, n’y étaient pas que par «esprit de meute». A la recherche d’un «contact émotionnel» avec ces personnages de légende. Elles y étaient, surtout, en éclaireur, pour bien jauger les choses sur place et pouvoir ainsi rapporter des sujets concrets à soumettre à discussion.
Le jour du vote, ce 20 décembre, ce sera un autre temps: le temps des réalités, aux dépens de celui des fantasmes. Le temps où, en âme et conscience, chacun sera face à sa responsabilité existentielle. En opérant son choix personnel, secret, devant l’urne…elle aussi discrète.
Dans un autre registre, le Nobel de la paix a convoqué une conférence de presse, jeudi 28 novembre à Bukavu. Répliquant à une question sur «la main tendue» que lui présente le candidat Katumbi, afin qu’il le rejoigne, il a inversé la logique, pour demander que ce soit celui-ci qui vienne le rejoindre. Pour les besoins de la cause, il a précisé «qu’à ce jour, aucun autre candidat n’a présenté un plan sur la paix aussi bien ficelé que le sien».
Enfin, ce qui est aussi nouveau, mais troublant, en cette fin de la deuxième semaine de campagne, c’est le décès à Kindu, dans la province du Maniema, d’un partisan du candidat Katumbi. Les versions divergent sur les circonstances de cet incident mortel. Un tel acte doit être sévèrement puni. Démocratie ne rime point avec intrigues et sauvagerie.
En attendant la date fatidique, la tenue de veillée d’armes pour tous les adversaires, dans un esprit démocratique, n’a rien à reprocher, plutôt, c’est la volonté pour la commission d’actes répréhensibles, qui est plus que condamnable. A tous prix, il faut éviter la répétition d’un autre Kindu.
Date fatidique? Peut-être. Car, de plus en plus, des voix autorisées s’élèvent pour douter de la tenue de ces élections générales, à la date prévue. En l’espèce, il s’agit du cardinal Fridolin Ambongo, archevêque de la ville de Kinshasa, et du célèbre ancien ambassadeur américain, au Congo, Herman Cohen. En cause, des sérieux problèmes logistiques et d’équipement, précise-t-on.
La décision des observateurs de l’Union européenne de ne pas y prendre part, sous le format de base qu’ils ont établi, contribue à enfoncer le clou.
Jean-Jules Lema Landu, journaliste congolais, réfugié en France