Laurent Gbagbo et Pascal Affi N’Guessan se sont rencontrés à Bruxelles en Belgique. L’information est importante. Elle est davantage capitale quand on sait que c’est pour la première fois, depuis neuf ans, que les deux leaders du Front populaire ivoirien (FPI) se retrouvent. Et il leur a fallu se voir deux fois, vendredi et samedi, pour «se parler zyeux dans zyeux» comme on le dit dans le petit français de Moussa. Si rien n’a filtré de ce huis-clos entre l’ex président ivoirien et son ancien Premier ministre, on peut facilement imaginer que les retrouvailles n’ont pas été qu’amicales. Les questions qui fâchent comme la division du parti en deux ont certainement fait monter le ton et froncer les sourcils. Les deux clans de l’ancien parti au pouvoir, en l’occurrence le FPI-GOR ou Gbagbo ou rien et celui proche de Affi N’Guessan se regardaient jusque-là en chiens de faïence. Pire, les pros Gbagbo soupçonnent le FPI Affi, avec la reconnaissance par la justice du FPI Affi, de fricoter avec le pouvoir de Alassane Ouattara. D’autres ne veulent pas entendre parler, par respect et compassion pour Laurent Gbagbo dont ils reprochent l’incarcération à la Cour pénale internationale à Alassane Ouattara. Suite à sept ans de brouille, ce serait illusoire de voir ces rencontres du week-end dernier comme des instants thé plaisants de bout en bout. En tout cas, la présidentielle de 2020 devait constituer le plat de résistance de cette rencontre de Bruxelles.
Laurent Gbagbo et Affi N’Guessan vont-ils se remettre ensemble pour aller au front dans la reconquête du fauteuil présidentiel que l’actuel président et son parti ne comptent céder pour rien au monde? Quelle sera la posture de Simone Gbagbo, l’épouse de l’ancien président ivoirien qui est également un poids lourd du FPI? Le FPI va-t-il se réunifier pour aller à la présidentielle prévue pour la fin de cette année? Qui sera le candidat des FPI ou du FPI réunifié? La question pourrait bien paraître sans objet, vu qu’étant toujours dans les serres de la CPI, Laurent Gbagbo est éloigné à dessein d’Abidjan par son meilleur ennemi, Alassane Ouattara. Mais beaucoup de flou règne encore sur les identités des prétendants potentiels. Certes, les dispositions juridiques seront déterminantes, mais il faut aussi dire que l’occupant actuel du poste prend ses dispositions pour écarter de la course ses adversaires les plus en vue. Il se pourrait même qu’il opte pour le choix malheureux et souvent suicidaire du troisième mandat, surtout qu’il s’apprête à modifier la Constitution ivoirienne. En tout cas, tout est mis à profit aujourd’hui par le Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP) et surtout son président, Alassane Ouattara pour diaboliser les adversaires et mettre des freins à leurs ambitions. C’est ainsi que Guillaume Kigbafori Soro et Laurent Gbagbo se cherchent loin de la Lagune Ebrié, et que Henri Konan Bédié n’est pas non plus certain de pouvoir s’aligner dans les starting-blocks. Incertitudes! C’est le mot qui qualifie le mieux cette présidentielle autour de laquelle les Ivoiriens jouent à se faire peur. Il faut juste espérer que beaucoup d’eau coule sous les ponts d’ici à la date fatidique, afin que la peur des rébellion et crise postélectorale sanglantes dont les stigmates sont encore bien visibles et présents dans les esprits ne soient remise au goût du jour.
En tout cas, les Ivoiriens sont conscients que les vieux démons rodent toujours et que les mauvais esprits de la division sont constamment en éveil. Il urge de désarmer les cœurs pour permettre aux populations lambda qui ne demandent qu’à vivre en toute quiétude, de chercher le pain quotidien dans une Côte d’Ivoire de paix.
Par Wakat Séra