Est- un simple fait du hasard ou parce qu’elles présentent le dénominateur commun de se dérouler sans adversaires, que les élections présidentielles au Tchad et au Bénin ont trouvé pour même date de tenue, ce dimanche 11 avril? En tout cas, sans être animé de la moindre intention de remettre en cause la valeur des candidats, qui se sont alignés contre les présidents sortants, nous avons la certitude qu’ils ne seront que de simples légitimateurs de victoires faciles et programmées de Idriss Deby Itno au Tchad et de Patrice Talon au Bénin. De futurs vainqueurs, sauf tsunami, non pas parce qu’ils sont forcément les plus forts en matière de mobilisation des électeurs ou qu’ils présentent les meilleurs bilans et programmes de campagne, mais simplement parce qu’ils ont montré leur puissance dans l’affaiblissement d’opposants dont certains ont été contraints à l’exil, d’autres embastillés. Les plus téméraires ont fini par déposer les armes, ou ont rallié les «goliaths» de l’heure, par instinct de survie.
Une déclaration, circulant sur les réseaux sociaux et portant la signature du ministre en charge de la Sécurité publique au Tchad, et faisant mention d’arrestations de personnes, dont des responsables politiques, qui projetteraient des actes terroristes à l’explosif contre le siège de la Commission électorale nationale indépendante (CENI), confirme la poursuite de la chasse aux sorcières basée sur des montages grossiers et très mal ficelés. La chape de plomb s’alourdit à N’Djaména, tout comme au Bénin où un mort est déploré dans des heurts entre des manifestants et l’armée. Pourquoi déployer l’armée contre des contestataires civils qui exigent juste une élection présidentielle inclusive? Une réplique disproportionnée qui justifie bien la volonté d’étouffer toute liberté d’expression dans l’ex-Dahomey, l’ancien «quartier latin de l’Afrique» qui, devenu Bénin, étrennait, il n’y a pas si longtemps encore, avec le Sénégal, les lauriers de «phares de la démocratie» en Afrique.
Si le maréchal tchadien marche, à coup sûr, sur le boulevard qui le conduira à un 6è mandat, après 30 ans de pouvoir, le Béninois lui, est lancé dans une course en solitaire, vers son deuxième mandat. Mais tous ont dû passer par la case charcutage de la loi fondamentale de leurs pays respectifs pour en arriver là, muselant, à qui mieux mieux, opposition et société civile trop entreprenantes. Accrochés à l’option de ne laisser le moindre espace d’expression aux militants de l’impossible alternance, le Bénin a perdu son auréole de «laboratoire de la démocratie» acquise après la tenue de sa célèbre conférence nationale souveraine de février 1990. La porte de l’Assemblée nationale fermée à l’opposition pour asseoir un parlement monocolore, acquis à la cause du président de la République et une presse sous constante menace de censure et autres pratiques prédatrices de la liberté d’expression, sont l’illustration d’une démocratie sacrifiée sur l’autel des intérêts égoïstes et très personnels des dirigeants tchadiens et béninois.
Comparaison n’est certes pas raison, mais il n’en demeure pas moins qu’aux frontières, du Tchad et du Bénin, une leçon magistrale d’alternance démocratique, vient pourtant d’être administrée aux candidats à la présidence à vie, par Issoufou Mahamadou. Le président nigérien, après avoir accompli les deux quinquennats auxquels lui donnaient droit la constitution de son pays, a organisé des élections locales, législatives et présidentielle, ouvertes, saluées par tous. Le président Issoufou, pour couronner cet acte, normalement logique mais devenu héroïque en plein printemps des 3ès, 4ès et 6ès mandats, a procédé, dans une fierté nationale, à une passation de pouvoir avec son successeur, démocratiquement élu, le président Mohamed Bazoum. C’était ce 2 avril à Niamey. Et comme le ridicule ne tue pas en Afrique, le maréchal Idriss Deby Itno a paradé, à cette occasion, devant l’assistance, sans ciller. Quant à son homologue béninois, lui, a préféré se tenir loin de cette scène où la démocratie était magnifiée. Patrice Talon a brillé par son absence et a opté de ne pas se faire représenter, même pas par un ministre.
Ainsi, au Tchad et au Bénin, conformément à cette règle non écrite, selon laquelle «on n’organise pas des élections pour les perdre», le match de la présidentielle est plié, sans avoir été joué. Il n’y aura rien de nouveau sous les soleils tchadien et béninois, l’astre du ciel devant continuer à briller pour les présidents Deby et Talon qui ont résolument opté de triompher sans gloire, à vouloir vaincre sans péril.
Par Wakat Séra