Les anciens chefs de guerre au Libéria sont longtemps restés impunis. Vingt ans après, un gouvernement veut enfin les faire juger. Prince Johnson a beaucoup fait parler de lui, affirmant avec d’autres libériens qu’ils avaient participé à l’assassinat de Thomas Sankara. L’enquête menée au Burkina a montré qu’ils ont menti. Pour quelles raisons? Il est temps de démêler le vrai du faux.
Les différents chapitres de l’article
Le Libéria et la Sierra Leone plongés de nombreuses années dans une effroyable guerre civile
Charles Taylor finalement jugé et condamné ainsi que quelques chefs de guerre mais hors du Liberia
Charles Taylor finalement jugé et condamné ainsi que quelques chefs de guerre mais hors du Liberia
Des hommes d’affaire français, premiers à faire du business au Liberia sous la présidence de Charles Taylor
Prince Johnson protagoniste de l’affaire Sankara
Démêler le vrai du faux. Où en est le dossier Sankara ?
L’annonce de la mort de Prince Johnsoh, il y a quelques jours le 28 novembre, n’a pas fait grand bruit en France. Une dépêche de l’AFP, reprise par le Monde[1], sous le titre « Libéria : mort de Prince Johnson, figure de la sanglante guerre civile des années 1990 » reprend quelques informations sur ce sinistre personnage. « L’ancien chef de guerre Prince Johnson, acteur majeur de la guerre civile qui a ravagé le Liberia entre 1989 et 2003, et réputé pour sa cruauté, est mort soudainement jeudi 28 novembre… Prince Johnson, qu’une vidéo montrait en train de siroter une bière pendant que ses hommes torturaient à mort le président Samuel Doe en 1990, était toujours un sénateur influent dans son pays, et n’a jamais exprimé de regret sur son passé. La mort du président Doe fut l’un des premiers épisodes sanglants qui allaient faire basculer le Liberia dans des guerres civiles qui, jusqu’en 2003, ont fait quelque 250 000 morts et ravagé son économie.»
D’autres médias sont plus explicites : « Dans son rapport final de 2009, la CVR (Commission Vérité et Réconciliation) avait identifié Prince Johnson comme « l’individu ayant à son actif le plus grand nombre de violations jamais enregistrées » durant les guerres civiles libériennes… Il aurait également participé à des meurtres, extorsions, massacres, destructions de biens, recrutements forcés, agressions, enlèvements, tortures, travaux forcés et viols. »[2]
Le mensuel Jeune Afrique avait raconté en détail les tortures qu’avait subies Samuel Doe en présence de Prince Johnson : « Le chef de l’Independent National Patriotic Front of Liberia (INPFL) est surexcité et ses soldats sont lourdement armés. Ils ont des fusils mitrailleurs et des lance-roquettes. Johnson transpire, vocifère. Le ton monte entre ses hommes et les gardes de Samuel Doe. « Ouvrez le feu ! » crie-t-il. Il est environ 14h, c’est un carnage, on compte 78 cadavres. « Cette fois, nous allons le prendre », crie Prince Johnson. C’est à son tour de monter les escaliers du petit bâtiment et de se ruer dans le bureau du général Quainoo. Le Ghanéen tente de calmer les deux camps, mais on ne peut pas grand chose face aux délires haineux : il ne peut être que spectateur. Un des hommes de Prince Johnson mitraille les jambes de Doe. Quelques instants plus tard, les rebelles embarquent le président vers la clinique de Bushrod Island. Samuel Doe n’a plus de membres inférieurs, puis son sexe est broyé et, après une gorgée de Budweiser, ses oreilles seront donc découpées. Pourquoi ? Nul ne le sait vraiment et cela dure des heures. L’instant exact de la mort du président n’a pas été filmé mais, pendant plusieurs jours ensuite, le corps du président a été exposé par les rebelles de Prince Johnson. Ils promenaient le cadavre en brouette dans les rues de Monrovia. La foule hurlait de joie, raconte-t-on, comme si l’horreur était devenue le seul spectacle réjouissant. »[3]
Le Libéria et la Sierra Leone plongés de nombreuses années dans une effroyable guerre civile
Prince Johnson s’était allié avec Charles Taylor chef du NFPL (Front patriotique national du Liberia). Ce dernier se lance en 1989 à l’assaut du Libéria pour en prendre le pouvoir. Il contrôle rapidement une bonne partie du pays. Puis Prince Johnson rompt rapidement avec lui et créé son propre mouvement le INPLF (Independent National Patriotic Front of Liberia). Il arrive même à contrôler Monrovia la capitale, où il assassine Samuel Doe. Charles Taylor de son côté va contribuer à étendre la guerre civile en Sierra Leone, en soutenant le RUF (Revolutionary United Front) dirigé par Foday Sankoh. Le RUF se finançait par le trafic des « diamants de sang », appelés ainsi du fait de travail des enfants, qui a largement alimenté les guerres civiles de la région.
Source: blogs.mediapart.fr