La question du développement de l’Afrique préoccupe Bèbè Kambiré, qui dans cet écrit l’analyse suivant une lecture croisée de deux « penseurs » que sont Laurent BADO et Felwine SARR .
Et si l’Afrique refusait le développement ? A quand l’Afrique ? Faut-il désespérer de l’Afrique ? Pourquoi le berceau de l’humanité est à la traine ? Sommes-nous prédestinés à être parallèles au développement ?
Autant de questions qu’on se pose au sujet du développement de l’Afrique.
Tellement l’Afrique traine les pas, tellement elle a duré dans cet état, tellement le contraste entre les richesses de l’Afrique et son niveau de développement est saisissant (scandales géologiques, paradoxe africain), on est tenté de se demander : « Le Noir est-il maudit ? ».
Justement, c’est par cette interrogation que le Professeur Laurent BADO a introduit sa lettre politique intitulée Mon expérience politique (2014).
A cette question, le Professeur répond par la négative : « Non, les Noirs ne sont pas maudits, rejetés par Dieu ».
Le Professeur situe le problème de l’Afrique à deux niveaux :
D’une part, il y a un certain nombre de jougs qui pèsent sur le Noir : la traite négrière, l’esclavage, la colonisation, les travaux forcés, le racisme, l’exploitation économique d’hier et d’aujourd’hui.
Ces jougs l’ont déboussolé (culturellement parlant) au point qu’il s’est renié ; il n’est plus lui-même, il est à la « croisée des chemins ».
D’autre part, « l’élite intellectuelle et politico-bureaucratique » n’a pas rompu avec la politique coloniale ; au contraire, elle la perpétue « en toute sérénité sans se soucier de l’avenir du continent africain et des générations futures ».
Le Professeur donne un exemple frappant : « Les rois nègres (ironie certainement) sont heureux de brader nos ressources minières brutes aux Blancs qui gardent les leurs en réserve, et l’argent amassé allant dans leurs poches ».
Il termine par une note quelque peu pessimiste au regard des incohérences des Africains, de leurs comportements et mentalités qui présagent d’un horizon pas très reluisant.
Mais, tenant compte de son style qui est de provoquer un « choc psychologique » pour mieux éveiller les consciences, on peut quand même nourrir un optimisme mesuré car l’horizon peut être prometteur à condition que les Africains opèrent une révolution des mentalités.
Pour qu’advienne cet horizon africain prometteur, Felwine SARR dans son essai intitulé Afrotopia (2016) montre la voie à suivre : « L’Afrique doit inventer son propre modèle, elle ne doit plus courir sur les sentiers qu’on lui indique, mais marcher prestement sur le chemin qu’elle se sera choisi. Sa seule urgence est d’être à la hauteur de ses potentialités ».
« Si nous ne prenons pas le temps de définir qui nous voulons être, on ne peut pas prendre le bon train pour y aller », prévient-il.
Il y a également deux pièges à éviter : premièrement, présenter l’Afrique comme un bloc monolithique alors que l’Afrique est plurielle, l’Afrique ‘‘bouge’’ (il convient même de parler des Afriques).
Deuxièmement, penser le développement de l’Afrique en termes de retard, de course-poursuite ou de rattrapage des pays dits développés. Le retard de l’Afrique est un retard sur elle-même et non un retard sur les autres. « L’Afrique n’a personne à rattraper », martèle le brillant économiste-écrivain sénégalais.