L’accusé Yamba Elysée Ilboudo, poursuivi pour « complicité d’attentat à la sûreté de l’Etat » dans le dossier de Thomas Sankara et ses douze compagnons tués le 15 octobre 1987, a plaidé le mercredi 27 octobre 2021, non coupable, sur les conseils de son avocat, Me Eliane Marie Natacha Kaboré.
Le Conseil de Yamba Elysée Ilboudo a pris la parole ce mercredi pour son interrogatoire à la quatrième audience du dossier Sankara. Elle a reformulé la question qu’avait posée le tribunal à son client, qui, vu son niveau d’expression, selon elle, n’aurait pas compris la demande du juge. Alors, après avoir demandé à Yamba Elysée Ilboudo s’il reconnaît avoir participé à tuer le président Thomas Sankara et ses camarades, l’accusé a répondu instantanément par la négative.
« Dès lors qu’on vous parle de Diendéré, vous ne vous rappelez de rien »
Yamba Elysée Ilboudo, deuxième chauffeur du ministre de la Justice sous la Révolution, Blaise Compaoré, appelé à la barre du Tribunal militaire pour le deuxième jour de son interrogatoire, a chargé le général Gilbert Diendéré, lieutenant au moment des évènements du 15 octobre 1987.
Après avoir nié, mardi, avoir vu le lieutenant Gilbert Diendéré, ex-chef de la sécurité présidentielle sous la Révolution, dans l’enceinte du Conseil de l’Entente, comme il l’aurait dit devant le juge d’instruction, l’accusé a changé de posture à la reprise du procès à cette quatrième audience.
Yamba Elysée Ilboudo, a, sur insistance des différentes parties (partie civile, parquet militaire et le président du tribunal), déclaré finalement avoir aperçu l’actuel général de brigade, Gilbert Diendéré, au Conseil de l’Entente en train de tenir une réunion avec des militaires.
Comme Me Ferdinand Zépa, le mardi, Me Séraphin Somé, avocat des victimes, a félicité M. Ilboudo qu’il a qualifié d' »homme courageux », demandant au prévenu de continuer de les aider « à comprendre certains aspects du dossier qui sont encore cachés ».
« Beaucoup d’incohérences » dans les déclarations de Yamba Elysée Ilboudo »
Quand est venu son tour de prendre la parole, l’avocat de Yamba Elysée Ilboudo, Me Eliane Kaboré, a relevé qu' »il y a beaucoup d’incohérences » dans les déclarations de son client, mettant en doute la capacité psychique et mentale de ce dernier. C’est pourquoi elle a demandé une expertise pour avoir une idée précise de l’état de discernement de son client qui ne serait pas cohérent également sur certains points de sa déposition faite devant le juge d’instruction.
« Je lui ai demandé combien d’enfants il avait et il n’arrivait pas à me donner un chiffre exact. Tantôt il me dit cinq enfants, tantôt sept enfants. Ce matin, sur une question sur le nombre de ses enfants, il a dit six alors que c’est sept » exactement, a soutenu Me Kaboré.
Elle a expliqué que c’est sur ce constat qu’elle a pris des renseignements avec sa famille qui a indiqué qu’il a fait un accident grave et souffrait d’un traumatisme crânien ayant nécessité son évacuation en France. De ses renseignements, il ressort que M. Ilboudo « a abandonné son domicile pour errer dans la nature durant deux ans ».
Une demande d’expertise sur l’état psychique et mental d’un accusé divise les parties
Après avoir développé ses arguments, comptant sur la lumière de ses observations, elle a demandé que le tribunal s’attache les services d’un expert afin de déterminer l’état psychique et mental de son client pour savoir, si l’accident qu’il a eu en 1989, choc qui l’a installé dans le coma durant des semaines, n’a pas altéré la mémoire de celui-ci.
Me Kaboré a été soutenue par ses confrères de la défense qui estiment que cela permettra au Tribunal militaire de mieux comprendre les choses. Me Olivier Somé pense que pour un procès emblématique comme l’affaire Thomas Sankara et ses douze compagnons, le tribunal militaire doit poser tous les garde-fous pour éviter toute suspicion.
Le parquet militaire ne nie pas avoir reçu des documents faisant état de ce que Yamba Elysée Ilboudo avait eu un traumatisme crânien et a été évacué pour des soins appropriés après être passé par des structures sanitaires du Burkina Faso qui s’étaient dites incompétentes pour le soigner. Le procureur militaire a estimé que les incohérences qu’ a relevées Me Eliane Kaboré sont une stratégie de défense pour laquelle son client a optée.
Le parquet militaire, l’Agent judiciaire de l’Etat (AJE) et la partie civile se sont formellement et fortement opposés à la requête de Me Kaboré. Pour eux, dans l’ensemble, les raisons avancées par le Conseil de M. Ilboudo sont « vagues » et « très tardives » à l’étape actuelle du jugement.
Le tribunal militaire a rejeté la requête de Me Eliane Marie Natacha Kaboré en faisant noter que la requête pour une expertise en vue de déterminer l’état de discernement de Yamba Elysée Ilboudo, est « injustifiée ».
Le jugement qui a commencé le 16 octobre dernier se poursuivra ce jeudi avec l’interrogatoire du prévenu, le caporal Idrissa Sawadogo, un ancien élément du Centre national d’entraînement Commando (CNEC), accusé de complicité d’attentat à la sûreté de l’Etat et d’assassinat. Ce sera le cinquième jour du procès.
Par Bernard BOUGOUM