Dans cet écrit, Amadou Traoré, juriste, en rapport avec le procès du putsch de septembre 2015 qui s’ouvre le 27 de ce mois, parle, entre autres, des dispositions relatives au rappel des mis en liberté provisoire tout au plus à la veille de l’ouverture du procès et de la nécessité que tous les cités comme témoins de la défense se présentent au procès.
INTRODUCTION
Le 27 février 2018 s’ouvre dans la Salle des Banquets de Ouaga 2000 à Ouaga le procès du coup d’Etat manqué du 16 septembre 2015 devant le Tribunal militaire, avec la comparution de 83 personnes inculpées pour divers chefs.
Le Tribunal militaire est une juridiction d’exception placé entre les mains de l’exécutif. Au regard des irrégularités qui ont émaillé l’instruction du dossier, il n’est pas excessif de penser que dans le schéma retenu par les tenants du pouvoir, les inculpés seront jugés et condamnés à des peines privatives de libertés pour de longues périodes, afin d’éloigner certains des joutes électorales à venir.
A l’entame de mon écrit, je m’incline devant les morts et compatis à la douleur des familles des victimes du 16 septembre 2015. Les faits m’ont donné raison dans mes critiques du procès des ministres devant la Haute Cour de Justice, et ce n’est pas fini. Aujourd’hui encore, si nous voulons la vérité, ayons le courage d’aller au delà de nos convictions.
Pour ce qui concerne le coup d’Etat manqué du 16 septembre 2015, les faits sont connus et le droit applicable est tout naturellement le droit pénal burkinabè, même s’il est administré aux justiciables par cette juridiction d’exception qu’est le Tribunal militaire.
Outre les militaires, des civils comparaissent en vertu de l’article 48 du Code de justice militaire qui dispose que « Lorsque les militaires, poursuivis pour des infractions de la compétence des juridictions militaires ont comme co-auteurs ou complices des individus non justiciables de ces tribunaux, tous les prévenus ou accusés sont traduits devant les juridictions militaires. »
Rien n’est éternel, l’instruction du dossier est achevée et l’on est à la phase de jugement. Même si cette étape est passée, l’instruction du dossier n’a pas laissé une bonne image aux praticiens du droit et pour cause, l’on peut dire sans retenue que le droit n’a pas été respecté au stade de l’instruction et que tout a été mis en œuvre pour que seuls les prévenus choisis par le pouvoir comparaissent au procès. Ainsi, des acteurs majeurs ont bénéficié du non-lieu. Des charges délaissées contre des prévenus et qui n’ont pas fait l’objet d’appel ont été reprises à leur encontre lors de la confirmation de charges et leurs droits de la défense ont été violés pour qu’ils n’échappent pas si l’on peut dire ainsi. Des civils poursuivis et dont les dossiers sont vides sont maintenus dans les liens de la détention, à cause de leurs opinions pour certains.
Le présent écrit porte sur trois points : la problématique de la contrainte par corps des prévenus non détenus en vue du procès, la nécessaire comparution des témoins de la défense et enfin, l’axe de la défense républicaine du Général Diendéré à saluer.
I- LA PROBLEMATIQUE DE LA CONTRAINTE PAR CORPS DES PREVENUS NON DETENUS EN VUE DU PROCES
Dans la lecture de l’ordonnance de renvoi prononcé le 29 décembre 2017, il a été question de la prise de corps des prévenus à l’avant-veille du procès. Mais à l’examen du dispositif de l’ordonnance qui fait foi, il n’est nulle part question d’une ordonnance de prise de corps. Or, il est constant que seul le dispositif d’une décision concernée est pris en considération pour déterminer si l’autorité de la chose jugée s’y attache. Dans celui de l’ordonnance de renvoi, il n’est nulle part question de la contrainte par corps des prévenus. On ne peut exécuter à l’encontre d’un justiciable des mesures non ordonnées par une décision judiciaire. Ce qui n’est pas jugé ne peut se faire.
Ensuite, la mise en détention des prévenus en liberté provisoire avant le procès n’est pas une mesure systématique. Pour preuve, lors du procès de la Haute Cour de Justice, les ministres n’ont pas été mis en détention préalablement au procès. Quel intérêt y a-t-il à activer cette contrainte pour des prévenus qui ont toujours présenté des gages de représentation, qui n’ont pas quitté le pays même s’ils avaient la possibilité, ou même qui ont effectué des déplacements en dehors du pays à maintes reprises et sont revenus ?
Sur le plan formel, l’article 150 du Code de procédure pénale dispose que : « L’accusé qui a été mis en liberté provisoire ou qui n’a jamais été détenu au cours de l’information doit se constituer prisonnier au plus tard la veille de l’audience.
Les dispositions de l’alinéa précédent ne font pas obstacle, le cas échéant, à l’exécution par le ministère public de l’ordonnance de prise de corps prévue à l’article 215.
Toutefois, sont exceptes de cette mesure les accusés qui résident au siège de la [cour d’appel] à moins que durement convoqués par voie administrative au greffe de la [chambre criminelle] et sans motif légitime d’excuse, ils ne se soient pas présentés au jour fixé pour être interrogés, par le Président de la [chambre criminelle] ou par le magistrat qui le remplace. »
La prise de corps est donc écartée pour les détenus résident au chef-lieu de la juridiction, c’est-à-dire Ouaga et qui bénéficiaient de la liberté provisoire avant le procès.
Ensuite l’article 701 du CPP de 1978 dans le point relatif à la contrainte par corps dispose que « la contrainte par corps ne peut être prononcée ni contre les individus âgés de moins de dix-huit ans accomplis à l’époque des faits qui ont motivé la poursuite, ni contre ceux qui ont commencé leur soixantième année au moment de la condamnation. »
Ceux qui sont la fourchette d’âge indiquée doivent être exemptés de contrainte par corps en vertu de la loi.
Enfin, les détenus bénéficiant de la liberté provisoire pour cause de maladie sont-ils concernés par la détention préalable au procès ?
Ni la lettre, ni l’esprit de la loi n’obligent à la détention préalable des prévenus avant le procès. L’on peut comprendre le maintien en détention pour les prévenus qui l’étaient déjà. Mais pour ceux qui ne le sont pas, il doit leur être accordé le droit de comparaitre au procès libre. La loi est votée par les représentants du peuple et la justice est rendue au nom du peuple. La puissance publique doit prendre la mesure et ne pas aller au delà de ce qui est requis par les lois et les règlements.
II- LA NECESSAIRE COMPARUTION DES TEMOINS
Au regard de la nature criminelle du dossier, les prévenus jouent leur vie. Le Général Diendéré, principal prévenu du procès du 27 février, a fait citer un certain nombre de témoins. La comparution de ces témoins est vitale pour la manifestation de la vérité et la sécurité des prévenus. Le respect des droits de la défense est essentiel pour les prévenus et la comparution de ses témoins est un élément de cette bonne administration de la justice. L’article 90 est clair sur l’obligation de comparution des témoins comme suit : « Toute personne citée pour être entendue en témoignage est tenue de comparaitre, de prêter serment et de déposer. Si elle ne comparait pas, le juge d’instruction militaire peut, sur les réquisitions du Procureur militaire, sans autre formalité ni délai, prononcer une amende qui n’excède pas 20 000 F CFA et ordonner que la personne citée lui soit conduite de force ». Cela est du rôle de la juridiction.
Parlant des témoins, l’article 119 du Code de justice militaire dispose en substance que le tribunal militaire peut passer outre la présence aux débats d’un témoin si l’intéressé a déposé à l’instruction, et lecture de cette déposition peut être donnée à la demande du défenseur ou du Ministère Public.
Dans le cas présent, certains témoins majeurs ont refusé de se présenter à l’instruction initiale. Pendant ce temps, des prévenus demeurent en détention depuis près de 3 ans sans jugement. Il est largement temps de les juger dans les règles de l’art.
Les témoins de la défense ont été régulièrement cités à comparaitre ; rien ne doit s’opposer à leur comparution, au besoin par la force. De tout cela, on en reparlera certainement après le 27 février 2018.
III- LA DEFENSE REPUBLICAINE DU GENERAL DIENDERE
Le Général Diendéré a clamé à maintes reprises qu’il n’est pas l’auteur du coup manqué du 16 septembre 2015 et nous avons tous vu de loin qui faisait quoi. Malheureusement, certains présumés auteurs ont bénéficié de non-lieu pendant que d’autres sont toujours détenus. En matière pénale, l’existence d’un commanditaire ne disculpe pas les exécutants d’un délit ou crime. Quelle lecture peut-on faire de cette inégalité de charges ? On se croirait au GONDWANA, la république imaginaire de Mamane. Des vérités sortiront certainement de ce procès et le citoyen pourra se faire une idée de la justice militaire, une arme de règlement de comptes entre les mains de l’exécutif représenté par le Ministre de la défense.
Grand Prince, le Général Diendéré dit qu’il a assumé le putsch dans un esprit républicain pour s’opposer aux arrestations abusives, à l’exclusion organisée et à l’atteinte à la Constitution.
Assurément, il y a eu atteinte à la Constitution lorsque le premier magistrat du pays, le Président KAFANDO, a méconnu l’article 151 de la Constitution qui dispose que « Les traités et accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l’autre partie. »
Le Conseil constitutionnel, censé connaitre les principes qui régissent l’Etat de droit, l’a suivi et a rejeté tous les recours visant à faire appliquer la décision de la CEDEAO. Le coup d’Etat manqué du 16 septembre est la résultante de tous ces actes déviants.
Malheureusement, le pouvoir en place a pris le soin de mettre certains témoins au frais à l’extérieur du pays avant d’organiser le procès. Ils devront comparaitre parce qu’on ne peut pas jouer avec la vie des citoyens en permettant à des personnes en cause de se défiler, parce que les responsables des difficultés que notre pays traverse aujourd’hui doivent être dévoilés au grand jour.
CONCLUSION
Chaque jour, on entend des prétendues projets de manifestations visant à entraver le déroulement du procès. Il est de la responsabilité du pouvoir d’assurer le fonctionnement des institutions dont la justice. Toutes les parties prenantes au procès du 27 février doivent veiller à ce que le droit soit dit et que la vérité triomphe. Il y va de la paix et de la cohésion sociale.