La Chambre de jugement du tribunal militaire burkinabè a, dans la journée de ce mardi 4 septembre 2018, auditionné deux officiers de l’ex-Régiment de sécurité présidentielle en poste à «Charlie Echo» (Conseil de l’Entente) au moment du coup d’Etat du 16 septembre 2015. Ces éléments ont laissé entendre qu’ils n’étaient pas pour le putsch, mais vu la situation qui prévalait, ils ne pouvaient pas se retirer sans être inquiétés.
«Quand j’ai appris que c’était un coup d’Etat, j’étais dépassé, découragé», a relaté le premier accusé à être à la barre ce mardi, le lieutenant Philippe Ouattara. Il a déclaré qu’il n’a plus effectué de mission depuis le 18 septembre 2015, date à laquelle il a pris connaissance du communiqué du colonel Mamadou Bamba, qui a acté le putsch.
Le lieutenant Ouattara, au moment des faits aurait effectué une mission à la Place de la nation sous les ordres du capitaine Oussène Zoumbri. «Le 17 septembre 2018, dans la matinée, le capitaine m’a instruit d’aller vérifier s’il n’y a pas de manifestants», a-t-il confié, notant qu’ils (lui et six autres éléments) n’y ont rien trouvé sauf un pneu qui brûlait. «J’ai rendu compte et le capitaine Zoumbri m’a dit d’éteindre et de rentrer», a poursuivi l’accusé.
Dans la soirée du 17 septembre 2015, il a également reçu l’ordre de repartir à la Place de la nation pour la même mission, mais cette fois-ci il aurait instruit le sous-lieutenant Siébou Traoré (un autre élément du Conseil de l’Entente) d’effectuer la mission. Selon le lieutenant Philippe Ouattara, l’ordre a été bien exécuté sans soucis et un rapport lui a été fait.
Cet inculpé dit avoir appris dès le 16 septembre dans la soirée, que ça bouge à la présidence. Une information qu’il a tenté de vérifier sans succès. «Si les choses étaient claires, le 16 septembre, ce n’est pas sûr que j’allais faire ce que j’ai fait», a-t-il conclu.
Le lieutenant Philippe Ouattara qui rendait compte directement au capitaine Zoumbri, a été informé le 17 septembre 2015 soir, de la venue du lieutenant Relwendé Compaoré à qui il devait, désormais, obéissance.
Le lieutenant Compaoré est celui-là qui a pris le commandement du détachement, jusqu’au 28 septembre 2015, date à laquelle il a définitivement quitté Charlie Echo.
Le présent inculpé, dans sa déposition a reconnu avoir participé à la réunion avec le général Gilbert Diendéré, où il (Diendéré) a fait savoir que «la transition courait à la dérive et laisse croire que les élections n’allaient pas aboutir». Il a jouté, selon le lieutenant Compaoré que c’est pourquoi il a «voulu anticiper».
Cet élément de l’ex-RSP qui penserait que «c’étaient des éléments extérieurs qui ont enlevé les autorités», a déclaré qu’à partir de ces propos qu’il a «compris que le général avait la position de celles-ci».
«Je n’avais pas le choix. Ma vie était menacée», a-t-il dit, dénonçant des militaires qui l’en voulaient. «Je n’ai pas adhéré au coup d’Etat», a fait savoir le lieutenant Relwendé Compaoré qui avait affirmé devant le juge d’instruction que durant les événements il a, toujours, été en contact avec les autres militaires venus des autres garnisons et pour cela il a été considéré comme un traître.
Le lieutenant Compoaré qui a pris le commandement du détachement le 17 septembre a reconnu avoir instruit le sous-lieutenant Siébou Ouattara, les 18, 19 et 20 septembre 2015, d’aller à la Place de la nation pour vérifier s’il n’y a pas de manifestants.
A la suite de sa narration le parquet et la partie civile ont loué la clarté de son récit.
«Vous êtes un officier qu’on doit respecter parce que aujourd’hui votre attitude en elle seule est apaisante pour la partie civile que nous sommes. Ce qui nous intéresse c’est la vérité. La vérité c’est elle qui soigne et vous vous avez dit ce que vous avez fait», a soutenu Me Séraphin Somé. Pour sa consœur Me Awa Sawadogo (partie civile), «c’est un des accusés qui a eu le courage de dire et maintenir ce qu’il a dit devant le juge d’instruction». Quant à Me Prosper Farama, il a exprimé le soulagement que la partie civile a ressenti en entendant la déclaration du lieutenant Compaoré Relwendé.
Parmi les accusés mis en cause dans ce dossier ils sont trois officiers de « Charlie Echo » qui y figure.
L’audience a été suspendue et reprendra le mercredi 5 septembre 2018.
Par Daouda ZONGO