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Procès du putsch manqué: le général Diendéré persiste et accuse la hiérarchie militaire

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Gilbert Diendéré

Le procès du putsch manqué du 16 septembre 2015 s’est poursuivi ce mercredi 12 décembre 2018, toujours avec l’interrogatoire de Gilbert Diendéré, considéré comme le cerveau de l’action. Le général qui était devant la barre de la Chambre de jugement du tribunal militaire pour son dixième jour d’audience, a insisté auprès de la Cour pour la libération de ses co-accusés qui ont agi sous son autorité en tant que président du Conseil national pour la démocratie (CND), l’organe qui a dirigé le pays au moment du coup d’Etat manqué. Mais pour le parquet, cela est étonnant puisque le «père spirituel» de l’ex-régiment de sécurité présidentielle (RSP) «a refusé de s’assumer» pendant l’instruction du dossier.

L’audience de ce jour s’est poursuivie notamment avec les interrogations, les commentaires, les observations et une requête formulée par les avocats de la défense. Me Dieudonné Bonkoungou et Me Antoinette Ouédraogo, des avocats de la défense, ont pris la parole pour abonder dans le même sens que leurs confrères qui ont estimé que la hiérarchie militaire burkinabè et les autorités politiques de la Transition sont aussi «responsables» du coup d’Etat manqué, car elles sont restées passives face aux différentes crises que vivait l’ex-RSP, le corps de l’armée accusée d’avoir tenté le coup de force.

Pour Me Antoinette Ouédraogo, «la hiérarchie militaire et le président (de la Transition) Michel Kafando sont complices de ce dont on accuse le général Diendéré. S’ils ne sont pas complices c’est qu’ils sont négligents ou bien ils ont poussé le général et le RSP à la faute». L’avocate a, du reste, rappelé que c’est M. Zida qui serait allé avec son équipe, aux premières heures de l’insurrection populaire de fin octobre 2014, «chercher Michel Kafando dans sa ferme» pour qu’il soit le chef de l’Etat. Michel Kafando «n’a pas été élu, en tout cas moi ou le peuple ne l’avons pas élu», a insisté Me Antoinette Ouédraogo.

Me Jean Yahovi Dégli, l’un des conseils de Gilbert Diendéré a, ensuite, pris la parole pour demander au tribunal militaire de prendre toutes les dispositions juridiques pour que tous les témoins cités par son client au début du procès, mais qui ont été écartés, soient entendus pour la manifestation de la vérité. Sa conviction, c’est que la présence d’«un certain nombre de personnes est indispensable» pour faire jaillir la vérité. Il a expliqué que le tribunal était d’ailleurs contraint sur cette question par des dispositions légales nationales et internationales, notamment le pacte international en son article 14.

Après cette séquence, la parole a été donnée au parquet qui a dit ne pas comprendre le général Gilbert Diendéré sur son insistance à accuser la hiérarchie militaire et demander la libération de ses co-détenus. Au contraire, selon le parquet, c’est à cause des déclarations de l’ex-chef d’état-major particulier de la présidence du Faso sous l’ère Blaise Compaoré, que beaucoup d’éléments de l’ex RSP ont vu leurs charges augmenter.

«Si la hiérarchie a exécuté mes ordres parce que j’étais président du CND et ne se retrouve pas ici devant ce tribunal, il n’y a pas de raison que ces officiers, sous-officiers et soldats de rang qui ont obéi à cette hiérarchie-là soient dans le box des accusés», a réagi Gilbert Diendéré qui a persisté et signé, que «les choses (l’instruction) n’ont pas été faites convenablement depuis le départ» et qu’on ne peut pas lui «enlever» cela de la tête.

A entendre le général qui était considéré comme le «père spirituel du RSP», selon les propos du commandant Aziz Korogo, chef de corps de l’unité d’élite au moment des faits, son souhait n’est pas qu’«on inquiète quelqu’un de la hiérarchie militaire ou qu’on sanctionne quelqu’un», mais que les chefs militaires participent à la manifestation de la vérité. «Je suis prêt à rester 100 ans en prison si vous le voulez mais qu’on libère ces jeunes-là», a-t-il prié.

Le parquet s’est toujours dit étonné par ces propos de l’accusé parce que dans les déclarations contenues dans son procès-verbal (PV), «le général a refusé de s’assumer. C’est (lui) qui par ses dépositions a chargé certains qui se retrouvent ici à l’audience. Il a dit un tel a fait. J’ai donné des instructions à un tel», a enchaîné le ministère public, notamment Alioun Zanré, procureur militaire qui pense que si M. Diendéré voulait qu’on exonère ses co-accusés, dès le début il devait s’assumer et ne pas citer les noms de ceux qui ont eu à jouer un rôle dans le coup.

«Je suis surpris de ce que dit le parquet. Moi je n’ai voulu amener personne ici. J’étais même choqué quand le 20 septembre (2015, date de son arrestation, NDLR) j’ai vu les jeunes à la Maison d’arrêt et de correction de l’armée (MACA)», a rétorqué l’ex-patron des renseignements burkinabè qui dit même avoir écrit pour demander une audience avec le Chef d’état-major général des armées (CEMGA) à l’époque, le général Pingrenoma Zagré, pour le «supplier» de libérer ses co-détenus car ils n’ont rien à voir dans cette affaire mais qu’on lui a opposé une fin de non recevoir.

Pour le général ces propos du parquet visent à le «divertir, le distraire et le faire passer à côté de l’essentiel». Les premières accusations qu’il aurait faites auraient été à l’endroit de la hiérarchie militaire car elle est «plus coupable» que les éléments de l’ex RSP accusés.

«S’il y a divertissement, c’est vous (général) qui en faites», a répondu le parquet pour qui Diendéré «ne se défend pas». Selon Alioun Zanré, si le général voulait vraiment que ses co-accusés be soient pas inquiétés, il devait en faire la demande auprès des juges d’instructions et non du CEMGA, car les juges «ne reçoivent pas, dans le cadre de leur travail, des injonctions de la hiérarchie militaire». Et puis, le ministère public «n’est pas le juge pour inculper», a laissé entendre le parquet tout en expliquant que la demande du général de faire comparaître la hiérarchie militaire est du ressort de la Chambre de contrôle.

Gilbert Diendéré a dit s’inscrire en faux contre le parquet qui a affirmé ne pas recevoir d’ordre de la hiérarchie militaire car «il y a beaucoup de choses» qu’il ne veut pas dévoiler au cours de ce jugement. «Nous sommes-là pour tout comprendre mon général», a lancé le président du tribunal militaire, le magistrat civil Seydou Ouédraogo. «Avant que vous (Alioun Zanré) ne preniez le dossier en cours de route, il y a des juges qui ont été débarqués de ce dossier parce qu’ils ne voulaient pas recevoir d’ordre, ils ont voulu être plus indépendants mais ils ont été dessaisis de cette affaire. Vous savez on ne doit pas tout dire, sinon qui donne l’ordre de poursuite? C’est la hiérarchie», a révélé le général Gilbert Diendéré.

Par Bernard BOUGOUM